Des Juifs d’Afrique du Nord au Pletzl ? Une présence méconnue et des épreuves oubliées (1920-1945) – 2ème partie

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Page du quotidien Le Matin statut des juifs Jewpop

LES ANNÉES NOIRES. EXCLUSION ET SPOLIATION

Les interdictions professionnelles résultant des ordonnances allemandes et des lois françaises précipitent dans la plus grande précarité une population démunie, dépendant déjà, pour une large part, des œuvres de bienfaisance [45]. L’ordonnance allemande du 26 avril 1941, applicable à dater du 1er juillet, interdit à tous les Juifs d’exercer une profession les mettant en contact avec le public [46]. Parmi les professions visées figurent nommément les colporteurs, les marchands ambulants et les marchands de quatre saisons. Cette mesure anéantit les familles, privées brutalement de tout moyen de subsistance. Parmi le flot de lettres implorant une dérogation parvenu au secrétariat particulier du maréchal Pétain ou au CGQJ [47, plusieurs émanent justement de marchands de quatre saisons du quartier Saint-Gervais.

La supplique que Reine Vidal adresse, le 25 juin 1941, à Fernand de Brinon, le délégué général du Gouvernement français dans les Territoires occupés, ne manque pas de rappeler la participation de plusieurs générations familiales à la défense du pays [48]. Deux jours plus tard, Esther Arous s’adresse, désespérée, au CGQJ :


Je suis veuve depuis 12 ans, avec 5 enfants dont l’aîné, fils adoptif, est prisonnier en Allemagne. Le second âgé de 19 ans, était employé dans les Postes depuis un an, et bien noté : en raison des décrets parus contre les Juifs, il a été privé de son emploi et ne touche aucun secours de chômage ; les trois autres enfants, plus jeunes, vont encore en classe. Ce petit monde est à ma charge. Tous mes enfants sont nés à Paris. Je suis d’origine algérienne, ainsi que mon défunt mari. Depuis 1923, j’étais titulaire d’une médaille de marchande des quatre-saisons, décernée par la Préfecture de Police. Mon métier depuis la mort de mon mari, m’avait permis d’élever dignement mes orphelins. Aujourd’hui, en raison des derniers décrets, cette médaille, notre seul gagne-pain, m’est retirée. Je tiens à souligner que mon défunt mari a brillamment fait son devoir durant la guerre 1914-1918. Il a été blessé deux fois et a reçu la Croix de Guerre avec palmes. Il est décédé des suites de guerre. Mon fils de 19 ans est pupille de la Nation. C’est pourquoi je m’adresse à vous afin que ma médaille de marchande, la seule ressource de ma famille, ne me soit pas retirée [49].

Fredj Assouline, natif d’Aïn-Beida dans le Constantinois, comme Maurice Sitruk, de nationalité tunisienne, qui connaissent la même détresse, peuvent produire des états de service personnels et familiaux tout aussi irréprochables. « J’attire votre bienveillante attention sur mon cas qui est vraiment digne d’intérêt, conclut le courrier de ce dernier pour le CGQJ le 15 juillet 1941, avec l’espoir que par dérogation spéciale, vous m’accordiez le droit au travail pour subvenir au besoin de ma nombreuse famille [50][50] Ibid., Direction du Statut des personnes, Dossiers… ». Alice, veuve Astruc, fait part de son désarroi au CGQJ le 16 juillet 1941 après avoir dûment rappelé les services militaires rendus par son mari, son père et son grand-père :

La misère et la solitude m’accablent et se sont installées dans mon foyer. Sans soutien ni ressources, et pour comble de malheur sans profession, je ne sais comment devenir avec mes jeunes enfants, respectivement âgés de 10, 9 et 4 ans, puisque la médaille dite des quatre saisons que je détenais et qui me permettait non sans peine de gagner le pain de mes innocents orphelins vient de m’être retirée me laissant dans le plus effroyable des dénuements [51].

Article de presse statu des juifs Jewpop

À ces courriers pathétiques le CGQJ fait des réponses stéréotypées. Bien qu’enveloppées de formules de politesse compassées, elles sont invariablement négatives, sous couvert que « Les ordonnances allemandes ont force de loi en zone occupée et ne comportent aucune exception […], nous n’avons pas le pouvoir de nous y opposer [52]». Encore les marchands de quatre saisons, les chauffeurs de taxi, les artisans ouvriers, les garçons de café, les manœuvres, les fonctionnaires, les concierges exercent-ils des professions ne donnant pas lieu à nomination d’administrateurs provisoires. Mais dans ce périmètre du quartier Saint-Gervais, huit cafés et restaurants, trois commerces d’alimentation, une boucherie, un coiffeur, deux hôtels, une blanchisserie, une bonneterie, deux brocanteurs marchands ambulants, une coutellerie, un ferblantier étameur, ainsi que deux entreprises associant des capitaux juifs et non-juifs sont soumises à la procédure d’aryanisation économique [53].

Nous possédons parfois les dossiers relatifs à cette procédure. Les rapports dressés par les commissaires gérants y décrivent la situation de l’administré et de sa famille et signalent l’attractivité d’un bien. La présence de certificats d’aryanité, de courriers de dénonciation ou de lettres anonymes donnent un aperçu de l’opinion publique et de l’état des mentalités. « Yetta est un juif algérien qui exploitait au 56, rue du Roi de Sicile un fonds de commerce d’alimentation (fruits, légumes, crémerie et épicerie) sous la raison sociale Aux Produits de Bretagne. […] Il a cessé à cette époque par suite de l’interdiction faite aux juifs de pratiquer le commerce », commente le commissaire gérant en mars 1942, qui précise dans un rapport suivant que celui-ci est père de six enfants en bas âge [54] L’épicerie de la Veuve Boukhalter est l’une des deux boutiques sises dans l’Hôtel de Beauvais au 68, rue François Miron. Le rapport de l’administrateur, fin 1941, témoigne à la fois de la grande vétusté de « l’entreprise » et de la santé très précaire de son administrée :

Cette maison est fermée depuis le 20 mai 1941. Mme Boukhalter, asthmatique au dernier degré, reste couchée à peu près tout le temps. Elle m’a dit qu’il ne reste plus de marchandises dans sa boutique ; celles qu’elle avait pu conserver étaient destinées à des Arabes, qui formaient sa seule clientèle, elle les a liquidées, ce qui avec le peu de bricoles dans son magasin qu’elle trouve encore à vendre, servent à la faire vivre. Mme Boukhalter étant au lit, n’a pu me faire accompagner par quelqu’un pour visiter ledit magasin, mais le peu que j’en ai vu, à travers des carreaux bien sales, m’a édifié qu’il ne devait pas y en avoir pour beaucoup d’argent. De plus, elle doit aux contributions 3 à 4 000 francs environ, plus 3 500 francs au propriétaire. Évidemment, le plus simple serait de faire liquider cette affaire, malgré les supplications de cette pauvre femme. Vous voudrez bien me donner vos instructions à ce sujet [55].

Le magasin d’articles de Paris de Jacques Pariente, né en 1890 à Sétif dans le Constantinois, est la seconde boutique de l’Hôtel de Beauvais. Le fonds de commerce de coutellerie, orfèvrerie et articles de ménage constitué en juin 1935 sous la raison sociale Établissement Jacques et Bazar Jacques, fait l’objet en octobre 1941 d’une dénonciation anonyme : bien qu’« israélite », le propriétaire « continue à […] exercer [son commerce] sous le nom d’un aryen au 4, rue Viollet le Duc, commerce de gros sous le nom Abeille où ces marchandises sont expédiées aux Sables [??] et ses environs. Actuellement obligé de vendre son commerce, il fait des démarches pour le recéder à une personne qui lui sert de couverture [56]». L’enquête de la Section d’enquête et de contrôle dont est l’objet en mai 1943 la boucherie d’Albert Allouche du 74 de la rue François Miron conclut que celui-ci a quitté l’entreprise en 1926 ; les scellés apposés sur son appartement du 17 de la rue de Rivoli précèdent de peu le déménagement par les Allemands du mobilier, en avril 1943. L’intéressé, natif de Constantine, se serait réfugié en Tunisie. Un boucher se rend finalement acquéreur du fonds de commerce malgré son implantation au sein d’un îlot insalubre en démolition [57]. Le café hôtel acquis en 1920 par M. Menahem, décédé depuis, et Mme Salfati se trouve au 23, rue des Jardins Saint-Paul. L’entreprise comprend 26 chambres, un bureau de location de voitures de quatre saisons et un débit de boissons. Mme Salfati, née Mimoun en août 1893 à Djelfa dans le département d’Alger et mère de trois enfants mineurs, assure désormais seule la gérance de l’établissement.

Nous avons employé tous les moyens pour vendre cette entreprise déplore en avril 1942 l’administrateur, tous nos efforts sont restés vains ; premièrement la mauvaise situation de l’hôtellerie ; deuxièmement l’immeuble doit être démoli par l’hygiène publique de la Ville de Paris […] Il n’est plus possible de vendre cette affaire, le quartier est juif à 90 % [58].

La déportation vers Auschwitz-Birkenau le 5 juin 1942 de Maurice Lellouche, né à Bizerte en Tunisie le 11 juin 1911, ne met pas un terme à la procédure d’aryanisation de son atelier de tailleur à domicile du 111, rue Saint-Antoine. Le 15 juillet 1944, elle suit toujours son cours [59].

UNE ORIGINALITÉ SANS DOUTE : PLUSIEURS SOUMISSIONNAIRES DE BIENS JUIFS AU CŒUR MÊME DU PLETZL SONT DES ARABES MUSULMANS

À Ouali Mohamed, « né en 1896 à Constantine, descendant de religion musulmane », échoit par exemple – sur les instances de la propriétaire des lieux et à l’initiative du commissaire gérant – le café tenu par Esther Mimoun au 13, rue de Jouy [60]. Ce sont deux « Marocains musulmans » qui, à la suite de la rafle du Vel’ d’Hiv, approchent l’administrateur provisoire pour se porter éventuellement acquéreurs du restaurant d’Abraham Yakoubovitch au 25, rue des Rosiers [61]. Dans cette même rue, au 3 bis, l’entreprise Per’nic de conserves et denrées coloniales en gros tenue par Kalb Wolf Beller est, le 1er août 1942, « mise en gérance libre à un Algérien, M. Braoui-Chabanne. », lequel aimerait pouvoir en faire l’acquisition.

Ainsi que je vous l’ai déjà dit, vous savez que je suis gérant libre de cette affaire car, jusqu’alors cette maison ne marchait pas du tout. Grâce à un travail incessant, cette maison marche maintenant, écrit-il en guise d’arguments, et nous nous occupons de la répartition de denrées contingentées. Au surplus, je vous informe qu’à titre de gérant libre de cette affaire, j’ai été nommé répartiteur officiel du couscous destiné aux Nord-Africains de la Seine, de Seine & Oise et de Seine-et-Marne, par arrêté préfectoral du 22 mars 1943. Dans ces conditions, j’ai l’honneur de vous prier de présenter ma candidature pour l’achat de cette affaire, et de me comprendre parmi les soumissionnaires éventuels à l’acquisition de cette entreprise. Je vous précise en outre que je suis dans les affaires depuis une quinzaine d’année et dans l’alimentation en gros depuis plus de 5 ans. Je suis français et aryen, fils de militaire retraité et moi-même Ancien combattant de 1939-1940 [62].

Photo du 50 rue François-Miron Pletzl Jewpop

Vue actuelle du 50 rue François Miron, où était situé le café restaurant tunisien d’Élie Sabba en 1941

Parmi les nombreux commerces du sud du quartier Saint-Gervais, certains vont pouvoir bénéficier toutefois d’un droit – tout provisoire – de poursuivre leur activité, toujours néanmoins sous le contrôle d’un commissaire-gérant. En effet, l’ACIP engage en février 1941 des pourparlers avec les services du CGQJ en vue d’obtenir des autorités allemandes le maintien de boutiques spécialisées dans la vente ou la préparation de produits alimentaires dits « rituéliques » (conformes aux prescriptions de la loi juive, communément dits cachères [63] Le culte n’étant pas interdit, son exercice nécessitait…) et de quelques restaurants ; les « boutiques de ghetto » destinées à approvisionner les populations juives non pratiquantes forment la seconde catégorie. L’autorisation de ces établissements demeure conditionnée à l’accueil d’une clientèle exclusivement juive [64]. Deux cafés restaurants, dits « restaurants rituels juifs », dont les tenanciers sont originaires d’Afrique du Nord, bénéficient dans le quartier de cette mesure : celui de René Gharbi au 7 de la rue François Miron [65] et le café restaurant tunisien d’Élie Sabba au numéro 50 de la même rue [66]. À la demande des Allemands, la Préfecture de Police est chargée de veiller à la bonne exécution de la dérogation [67], tandis que des contrôles inopinés cherchent périodiquement à appréhender les « aryens » qui fréquenteraient ces établissements.

LE TEMPS DES RAFLES

Aaron Benhaqui, natif d’Oran et locataire au 27 de la rue des Rosiers, est boucher salarié. Marié à une non-juive, ce père de trois jeunes enfants a été arrêté dans un café interdit à la clientèle juive. On mesurera mieux le caractère tragique du courrier envoyé le 19 septembre 1942 par son épouse Odette née Dupont au maréchal Pétain, si l’on sait que la veille, le malheureux a été déporté de Drancy par le convoi n° 34 en direction d’Auschwitz-Birkenau – ce qui n’empêche évidemment pas le CGQJ de faire le 11 novembre 1942 à l’épouse éplorée la réponse évasive habituelle :

Me trouvant dans le malheur et ne sachant plus ce qu’avec mes enfants je vais devenir, je me tourne vers vous, Monsieur le Maréchal dont la bonté est si grande et vous supplie de venir à mon aide, si toutefois cela vous est possible. Je suis Française, âgée de 37 ans, catholique. J’ai 3 enfants de 7 ans, 2 ans et 1 an, tous les trois baptisés. J’ai avec moi ma mère âgée de 75 ans, qui n’a comme ressources qu’une pension de guerre, mon frère ayant été tué en 1915. Je suis mariée à un excellent homme, mais qui malheureusement est juif. Mon mari Aaron Benhaqui est né le 2 juillet 1904 à Oran. Il a fait son service militaire et est ancien combattant de 1939. C’est un bon mari et un bon père de famille, qui a toujours mené une existence régulière et n’a jamais subi la moindre condamnation. Si dures que soient les lois actuelles, il s’y est plié sans révolte, mais hélas le 4 courant étant entré dans un café rue François Miron pour dire bonjour à la propriétaire qui est la marraine du plus jeune de ses enfants, il a été arrêté et se trouve maintenant au camp de Drancy. Je ne peux savoir combien durera son internement, mais l’on m’a dit que ce peut être très long. Je suis donc seule avec mes trois enfants et ma vieille maman presque impotente. Je ne travaille pas et suis au bout des petites ressources que je possédais encore lorsque mon mari a été arrêté ; Qu’allons nous devenir ? Monsieur le Maréchal, je vous crie au secours et vous supplie de faire libérer mon mari […] [68].

Cela dit, les arrestations ont débuté bien plus tôt. Parmi les victimes des rafles du 20 au 23 août 1941 opérées dans le XIe et les arrondissements voisins, qui visent indistinctement Juifs français et étrangers de 18 à 50 ans à l’exception des ressortissants américains, se trouvent plusieurs hommes du quartier Saint-Gervais comme Michel Guedj, né à Marseille en 1916 et domicilié au 31 de la rue du Roi de Sicile, dont l’épouse, Germaine, essaie de plaider la cause auprès du Maréchal le 23 août 1941 au motif que « l’absence de mon époux m’expose, moi et mes jeunes enfants à la misère et à la déchéance [69]». Employé aux usines Citroën, Isaac Chamak est victime de la même rafle sur le chemin de retour à son domicile ; éperdue, son épouse, mère de huit enfants, s’adresse elle aussi le 23 août à Pétain. « Je vous demanderais Éminence de bien vouloir remettre en liberté mon époux qui ne demande qu’à élever nos enfants dans le respect et la dignité [70]».

Liste de convois de déportation camp de Drancy Jewpop

Les arrestations se multiplient en 1943. Aux rafles et aux mesures d’arrestation individuelle s’ajoutent les traques organisées par les inspecteurs de la Police des questions juives (PQJ). Police antijuive mise à la disposition du CGQJ – et à laquelle fera suite la Section d’enquête et de contrôle (SEC) –, elle s’emploie à dénicher les biens non déclarés, à débusquer les infractions à la loi portant statut des Juifs du 2 juin 1941, à contrôler la bonne application des mesures antijuives. En 1943, plusieurs Juifs originaires d’Algérie sont ainsi conduits à Drancy auprès des milliers d’internés en instance de déportation [71]. Plus d’une lettre adressée au CGQJ par les familles en détresse paraissent aujourd’hui à la fois naïves et fatalistes, comme décalées. Le 19 mai 1943, plus de sept mois après l’arrestation de sa fille, survenue le 4 octobre 1942, sa mère Nedjma fait parvenir ces pauvres mots au CGQJ :

Je viens vous demander de bien vouloir vous occuper de ma fille, je suis vieille, j’ai 72 ans, je suis malade et je n’avais que ma fille car je suis fille-mère ; or nous étions concierges 12, rue des Rosiers. Le 4 octobre 1942 à 7 heures du matin, les inspecteurs sont venus l’arrêter et la transférer au camp de Drancy, matricule 16 852, esc. 16, 2e étage ; elle est restée jusqu’au 13 février 1943 et là on l’a déportée je ne sais où depuis qu’elle est partie de Drancy. Je n’ai jamais eu de nouvelles d’elle et je ne sais pas où on l’a conduite. Elle est née le 1er mai 1897 et elle se nomme Marie Touboul. Je vous donne ces détails dans l’espérance que vous voudrez bien entreprendre quelques recherches à son sujet car je suis une pauvre mère bien malheureuse. Dans le cas où cette lettre ne serait pas dans vos attributions, je vous demanderais de la faire parvenir à qui de droit car je ne connais personne. Je suis sourde et ne sais ni lire et écrire [72].

Photo du camp de Drancy Jewpop

Le camp de Drancy en août 1941 © Archives fédérales allemandes (Deutsches Bundesarchiv)

De même, la requête de Marcelle Ben-Daoud après l’arrestation de son père :

Mon papa comme le destin l’a voulu a été pris dans une rafle et mis dans un camp de concentration à Drancy depuis deux ans. Il est Français (algérien) mais Israélite, âgé de 62 ans, malade et assez vieux à son âge. Je suis sa fille, et c’est un bon père pour moi et une grande séparation pour ma sœur âgée de 18 ans qui est aveugle, dont mon père avait la charge […] je voudrais vous demander un appui si c’est possible et avoir des nouvelles de mon père, savoir où il est, s’il est mort ou vivant car depuis sa dernière lettre du 23 septembre 1942, je n’ai plus de nouvelle […] dans mon désespoir je vous demande Messieurs d’être humain. Si papa est encore vivant voici l’identité : M. Amouyal Eliaou matricule 286, esc. 2, chambre 17 à Drancy, sa dernière adresse est actuellement 4, rue Simon le Franc à Paris, son domicile. Je suis femme de prisonnier avec deux petits enfants et de tout mon cœur je demande votre bonté [73].

Bien entendu, toutes ces requêtes sont rejetées, comme à l’accoutumée [74]. En 1944, les entrées à Drancy se multiplient encore. Le 8 janvier c’est l’internement du Bônois Jacob Mezraeh domicilié au 27, rue des Jardins Saint-Paul ; le 11 du même mois, ceux de l’Oranaise Élisa Bibi-Roubi et d’Abraham El Kouby natif de Marrakech, tous deux domiciliés 10, rue des Jardins Saint-Paul. Le 15 mars le malheur frappe les époux Benkemoun logeant au 22, rue des Écouffes : Sultana est d’Aïn-Temouchent, Judas son époux, d’Oran. Le motif de leur internement ? « Infraction aux ordonnances allemandes », lit-on sur leurs fiches d’arrestation [75]. Le 15 avril c’est au tour de Maurice Chamak, le 25 mai de Rose Sitbon native de Guelma et domiciliée au 10, rue des Jardins Saint-Paul. Rose est veuve, mère de 4 enfants de moins de 15 ans. Sa fiche d’arrestation mentionne « 8e ordonnance [76]», manière d’indiquer l’infraction faite au port de l’étoile. Le 26 juin, arrestation de Jacob Elbeze de Batna, domicilié au 56 du quai des Célestins et de l’Algérois Moïse Williams Boukaya du 12 rue des Écouffes ; le 1er juillet de Mimoun dit Armand Guedj d’Alger vivant au 40 du quai des Célestins. Ce sinistre inventaire va ainsi s’égrenant pratiquement jusqu’à la veille de la Libération : sont arrêtés le 7 juillet la veuve Berthe Draï, née à Alger, et ses trois enfants, nés à Paris, Charles, Marcel et Perlette, domiciliés au 15 de la rue François Miron ; le 24 Joseph Allouch, Constantinois d’origine, arrêté à Lyon ; le 28 Henriette Allouche et sa fille Cécile du 25 rue des Écouffes, Constantinoises elles aussi ; le 31 Marie Serfati, originaire de Tlemcen et domiciliée au 68 de la rue François Miron.

Dans la grande majorité des cas les internés ne passent pas plus d’un mois au camp. Pour les malheureux que nous venons d’évoquer, le séjour va de 4 jours pour Moïse Williams Boukaya à un mois pour Maurice Chamak et Armand Guedj. La plupart des déportés ont fait partie des derniers convois : les époux Benkemoun et David Maryoussef sont déportés le 27 mars 1944 par le convoi n° 70 ; Maurice Chamak le 15 mai par le convoi n° 73 ; Rose Sitbon le 30 mai par le convoi n° 75 ; Moïse Williams Boukaya le 30 juin par le convoi n° 76, enfin Joseph Allouch, Henriette Allouche et sa fille Cécile, Armand Guedj ainsi que la famille Draï par le convoi n° 77 du 31 juillet.

UNE PÉRILLEUSE PARTIE DE CACHE-CACHE AVEC LEURS PERSÉCUTEURS

En réaction à l’avalanche de mesures qui rendent toujours plus aléatoire la simple survie quotidienne, beaucoup cherchent à passer, avec plus ou moins de difficultés, en zone libre. Lucienne Bibi-Roubi et sa famille gagnent Lyon ; son père et plusieurs de ses sœurs, accompagnées des leurs, rallient Marseille, à l’instar des Jaïs et des Chamak. Les Allouch rejoignent Vichy puis Lyon.

Passage de la ligne ou pas, l’alliance avec un non Juif facilite grandement les choses. Or nombre de familles originaires d’Algérie sont dans ce cas. Les mariages mixtes ne sont pas rares dans le quartier [77], signe d’une acculturation en marche dont on perçoit bien d’autres signes annonciateurs. Par exemple M’Rhaïma Alzerat, bien qu’attachée au costume indigène, a sa propre interprétation de la cacherout. « Elle avait des dérogations constate son fils. On pouvait manger sauf du cochon, certains poissons ou quoi que ce soit quand elle mangeait au restaurant ». Les deux tantes par alliance non-juives de Gilette Amram sont bien intégrées dans la famille Touitou. Pendant l’Occupation, c’est justement l’une elles qui conduit la famille à la gare de Lyon – la proximité des gares étant interdite aux Juifs –, puis l’aide à franchir la ligne de démarcation. C’est également parce qu’elle n’est pas juive que Berthe Minary, l’épouse de Roger Gharbi, peut continuer à tenir le Petit Marseillais, le café de la rue François Miron. Cette même condition « d’aryenne » permet à Andrée Korchia de soustraire quelques affaires dans l’appartement de Viviane Assuli rue des Rosiers, avant la pose des scellés.

Photo du Pletzl avant guerre Jewpop

D’autres décident de retourner en Algérie ; Jacques Biélinky signale que « plusieurs centaines de Juifs algériens se font rapatrier à la suite du décret qui, après 70 ans, abolit l’acte de Crémieux [78] », c’est-à-dire après la loi qui, le 7 octobre 1940, retire collectivement la nationalité française aux Juifs des trois départements algériens, réduits désormais au statut de simples « sujets français ». Dans le quartier, c’est le cas de Rubens domicilié au 31 rue François Miron, de Gaston El Baze, exploitant le restaurant du 46 rue François Miron, du boucher Albert Allouche qui, de Bordeaux, gagne Constantine sa ville natale [79] Tiar, un locataire de l’immeuble du 27 rue des Rosiers, et Chiche, marchand de quatre saisons du 16 rue du Figuier, en font autant [80]. Leurs maris mobilisés, c’est à l’instigation et en compagnie de sa cousine que Viviane Assuli du 26 rue des Rosiers gagne Oran avec leurs quatre jeunes enfants. Esther Arous enjoint à son fils Prosper, après les premières arrestations, de se mettre à l’abri chez une tante à Alger. Finalement son cousin Marcel Moha et son amie sont aussi du voyage, mais, la tante étant incapable de les héberger tous, ils rentrent rapidement en France. Les deux cousins seront déportés.

PARMI LES JUIFS ALGÉRIENS RESTÉS EN FRANCE, CERTAINS TENTENT DES DÉMARCHES POUR RECOUVRER LA CITOYENNETÉ FRANÇAISE

Mal leur en a pris : non seulement les requêtes sont rejetées, mais les noms et adresses des demandeurs sont portés sur une liste spéciale destinés aux autorités allemandes [81].

Revêtir l’identité d’un Arabe de confession musulmane constitue un subterfuge maintes fois utilisé. La langue arabe, longtemps langue vernaculaire du judaïsme nord-africain, est encore couramment pratiquée dans les familles installées en France. Ainsi Pierre Allouch, arrivé de Constantine en 1934 à l’âge de 5 ans, la parle couramment puisque, explique-t-il, « mon père et ma mère quand ils parlaient, c’était trois mots en français, deux mots en arabe, c’était comme ça, ce qui fait que c’est rentré dans la tête sans y prendre garde ». Du coup, c’est d’instinct que les Juifs nord-africains jouent sur l’ambiguïté, aussitôt qu’ils sont menacés. À la sortie d’une soirée orientale, en plein couvre-feu, Joseph Fhal, le musicien, et son épouse sont appréhendés dans la rue et conduits au commissariat. « C’est à ce moment raconte sa petite-fille Gilette Amram, que mon grand-père Fhal s’est fait passer pour un Musulman, il s’est mis à parler arabe avec sa femme. Ils ont été relâchés, étant pris pour des Arabes ». Réfugié à Marseille, Joseph Fhal est à nouveau arrêté sur le Vieux Port, par les occupants cette fois. Aussitôt, rapporte sa fille Louise, il se met à leur parler arabe, se fait passer pour un Arabe. À Marseille toujours, arrêtée dans des circonstances analogues, Louise Chamak a le même réflexe de survie : « Nous on a eu de la chance, reconnaît son fils Raymond, ma mère parlait arabe ! ». Son mari, Albert Ruben Chamak, chauffeur de four dans les tuileries marseillaises, se prétend mozabite. Fort de son patronyme, de son lieu de naissance et de son apparence – teint mat et couche de poussière sur le visage, il parvient à abuser l’officier allemand qui l’a interpellé.

Parler l’arabe est un atout, mais porter un patronyme d’origine nord-africaine en est un autre ; tant les autorités vichystes que les forces occupantes ont du mal en effet à les identifier, comme l’illustrent les deux anecdotes suivantes : misant sur cette ignorance, J. Azoulay, domicilié rue du Temple, se risque à revenir sur sa première déclaration, à laquelle il avait pensé être astreint après le recensement des Juifs prévu par l’ordonnance allemande du 27 septembre 1940, assurant que les noms de ses ascendants « Pérez », « Amar » et « Hadjadj » ne sont pas juifs. Les services du CGQJ lui font en septembre 1941 la réponse escomptée : « si vous êtes issu de trois grands-parents aryens, vous n’êtes pas considéré comme juif par la loi et que vous avez eu tort de vous déclarer au Commissariat de police de votre quartier. Il vous appartiendra, en conséquence, d’établir la preuve que vos trois grands-parents ne sont pas juifs en produisant par exemple, leurs actes de baptême. Au vu de ces pièces, il sera en mon pouvoir de vous délivrer un certificat d’aryanité [82]».

Quant à Lucette Bouchoucha, elle frémit encore de son aventure :

[…] quand je suis allée chez une amie, j’ai dépassé l’horaire un soir, alors qu’est-ce que j’ai fait, j’ai enlevé « mon Juif [manière de désigner son étoile jaune] » et je l’ai mis au fond de mon sac, et alors en montant du métro, il y avait une rafle. Ma mère m’avait dit,
– « Si on t’arrête, surtout tu ne t’appelles pas Cohen, tu t’appelles Benichou » [83][83] Benichou était le nom de jeune fille de la mère de….
Alors, je me rappelle ce type, il me regarde comme ça dans les yeux, il me dit,
– « Comment tu t’appelles ? » Je lui réponds,
– « Je m’appelle Benichou »,
– « Est-ce que tu es juive ? »
– « Monsieur, je ne sais pas ce que c’est », j’ai répondu.

Et s’il avait ouvert mon sac, il y avait « mon Juif » au fond. Il ne l’a pas ouvert. Grâce à Dieu. Et je me revois en train de monter les escaliers et je faisais pipi sur moi. Métro Saint-Paul, il était plus que 8 heures du soir, c’était un peu plus tard, en 1943. Je n’ai rien raconté à la maison, parce que c’était tellement grave, on savait que si on prenait un des membres de la famille, on savait ça, toute la famille était arrêtée.

Lettre dénonçant l'aide de la Mosquée de Paris aux juifs sous l'Occupation Jewpop

Très tôt cependant les services du CGQJ s’avisent de débusquer fraudeurs et contrevenants. Dans son cabinet, le commissaire Xavier Vallat charge notamment El Maadi Mohamed Lakhdar le 29 octobre 1941 « d’étudier toutes les questions relatives à l’Afrique du Nord et d’assurer la liaison, en ce qui concerne ces questions, avec le Direction de l’Aryanisation économique, à Paris et à Vichy, ainsi qu’avec les services chargés des questions juives en Afrique du Nord [84]». Mais, parmi les différentes directions, c’est celle du statut des personnes qui tient le rôle essentiel. Le remplacement du premier Statut des Juifs (3 octobre 1940) par le second Statut du 2 juin 1941 visait, entre autres choses, à dissiper les imprécisions et zones d’ombre attachées à la définition de l’individu juif en recourant à la catégorie raciale ; la mesure n’eut pour effet que de multiplier les ambiguïtés. L’équivoque de la définition, l’obligation faite aux intéressés de fournir certificats et attestations sur « l’adhésion à l’une des autres confessions reconnues par l’État avant la loi du 9 décembre 1905 » font de cette Direction une entité stratégique puisqu’il lui revient de déterminer la position raciale des individus au regard de la loi. Elle élabore donc une doctrine en la matière, s’adjoint des experts et des traducteurs pour transcrire et authentifier les certificats en langues étrangères qui lui sont soumis, fait appel à la collaboration des différents représentants religieux pour évaluer, par des avis étayés, les déclarations des postulants à la race aryenne. Les autorités musulmanes constituées sont donc consultées pour statuer sur les requérants se réclamant de a religion musulmane.

La Direction n’en soupçonne pas moins les différentes institutions religieuses de se prêter à des conversions de complaisance, mais, ne pouvant se passer d’elles, elle les sollicite néanmoins, quoiqu’avec la plus grande défiance. C’est très tôt qu’apparaît, sous l’aiguillon de l’occupant, ce soupçon de collusion. Ainsi, dès le 24 septembre 1940, bien avant la création du CGQJ, Vichy est prévenu des possibles agissements de la Mosquée de Paris en la matière : « Les autorités d’occupation, révèle une note interne au ministère des Affaires étrangères, soupçonnent le personnel de la mosquée de Paris de délivrer frauduleusement à des individus de race juive des certificats attestant que les intéressés sont de confession musulmane. L’imam a été sommé, de façon comminatoire, d’avoir à rompre avec toute pratique de ce genre. Il semble, en effet, que nombre d’israélites recourent à des manœuvres de toute espèce pour dissimuler leur identité [85]». Il nous a été malheureusement impossible de vérifier la véracité de cette assertion.

L’onomastique, le lieu de naissance et la filiation sont les trois critères retenus par la Direction du statut des personnes pour déterminer la race, car la circoncision, pratiquée également par les musulmans, n’est pas dans le cas des Juifs nord-africains un indice probant. Une note signée E. Boutmy adressée le 14 septembre 1943 au directeur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris demande son avis « sur le patronyme de Amsellem Salomon, Yacouta née Ben Rhamin Bent Chemoun et enfin Ben Aroch Messaoudah. En effet, des personnes portant ces noms se disent originaires d’Algérie et d’une façon plus précise, de Saïda, Oujda, Miliana. Je vous demanderai également de bien vouloir me dire si ces noms vous semblent être ceux que portent les musulmans ou les arabes, et si, selon votre sens, les juifs d’Algérie peuvent porter ces mêmes noms. Une prompte réponse de votre part m’obligerait [86]». Le 23 septembre suivant, même demande concernant un individu natif de Guelma, Joseph Krief (ou Kriel) qui, s’étant déclaré juif par erreur alors qu’il serait musulman, souhaiterait revenir sur cette première déposition. De façon inattendue, la Direction laisse la Mosquée de Paris libre d’invoquer l’incertitude, ce qui jouera au bénéfice de l’examiné. Mais le verdict, cinglant et circonstancié, tombe comme un couperet moins de deux semaines plus tard :

L’Institut Musulman à qui j’avais soumis aux fins d’authentification le document que vous m’avez communiqué, vient de m’indiquer que votre nom était un nom juif algérien. Le nom de votre père, Vidal Kriel, confirme cette origine. Par ailleurs, en ce qui concerne le document que vous m’avez remis, il y a lieu de noter :

1) que le titre de Grand Mufti du département de Constantine n’existe pas ;

2) que ce même document daté du 16 juillet 1942 affirme que l’année 1319 (1901) de l’année musulmane, au mois de mars vous avez la « Tahara » (circoncision) selon le rite musulman. Il est à se demander sur quels faits se sont basés les témoins pour affirmer 42 ans plus tard que vous avez reçu la circoncision. Enfin, vous vous êtes déclaré juif à la Préfecture de police.

Quant à la pièce émanant de l’Institut catholique de l’Afrique du Nord, signée d’un soit disant RP Mathieu, émaillée de fautes de français et d’orthographe, c’est un faux indubitable. Je vous rappelle, par ailleurs, que le rapport ethno-racial vous a été défavorable. En conséquence, je vous donne un délai de 48 heures, pour vous mettre en règle du point de vue du port de l’étoile et autres mesures de police concernant les juifs. À défaut, vous vous exposerez aux sanctions prévues par la loi. J’envoie copie de la présente à votre Administrateur [87].

Ces demandes d’expertise auprès de la Mosquée de Paris n’ont rien d’exceptionnel. Avec cette institution, les échanges du CGQJ sont répétés sinon réguliers ; ce dont E. Boutmy, ce fonctionnaire zélé que nous connaissons déjà, se targue pour adresser le 17 juin 1944 une nouvelle requête à Si Kaddour Ben Ghabrit [88., directeur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris, au sujet de la position raciale de Germaine Roland, née Marzouk, originaire de Tunisie. « Vous avez eu l’amabilité, à diverses reprises, de me donner votre avis sur des cas d’espèce analogues à celui-ci, lui écrit-il. Puis-je vous demander à nouveau de me faire savoir si l’attestation dont il s’agit peut être tenue pour valable ou non et si les patronymes des ascendants de l’intéressée sont d’origine juive ou musulmane […] [89]». Le 12 juillet 1944, le CGQJ avise le mari de l’intéressée qu’en vertu des conclusions convergentes de la Mosquée de Paris et de l’« expert ethno-racial » George Montandon (personnage dont nous aurons à reparler), Germaine Roland sera considérée comme juive au regard de la loi du 2 juin 1941. Transférée le 5 août 1944 du camp parisien de Bassano à celui de Drancy, elle n’évite la déportation qu’en raison de la date tardive de son internement [90].

Non contente de passer ainsi au crible les individus sur qui pèsent des présomptions d’origine juive, la Direction se penche aussi, le cas échéant, sur leurs conjoints non-juifs, leur délivrant soit une lettre de présomption de qualité aryenne soit, s’ils ont fourni des justificatifs suffisants, un certificat de non appartenance à la race juive. L’obtention de ce certificat est conditionnée par la fourniture de plusieurs documents authentifiés ayant trait, pour la plupart, à l’affiliation religieuse de l’individu ou de son ascendance – attestations de baptême, de mariage religieux, d’inhumation religieuse des parents ou grands-parents, etc. Aux yeux du CGQJ, et malgré sa défiance, ce type de documents offre la meilleure garantie contre les éventuelles fraudes et contrefaçons, en même temps qu’un indicateur prisé du ralliement des conjoints « aryens » aux thèses raciales de Vichy et de l’occupant : 10 336 certificats de « non appartenance à la race juive » auraient été distribués de juin 1941 au 31 mai 1944 [91]. Pour les postulants, le précieux certificat ouvre surtout l’espoir de voir le conjoint juif interné accéder aux catégories classées non déportables. Bien des fois – est-il utile de le préciser ? – cet espoir demeure vain. Ainsi a-t-on inscrit en marge de la lettre du 11 novembre 1942 où Odette Benhaqui née Dupont supplie le maréchal Pétain de libérer Aaron Benhaqui, son mari interné à Drancy, la mention « Femme aryenne pas de certificat de NARJ [non appartenance à la race juive]. Darquier de Pellepoix [92]». En fait Aaron a été déporté près de deux mois plus tôt [93]. Le 25 août 1943, Marie née Bertrand, l’épouse du cafetier Charles Alliel, qui a fourni tout le dossier nécessaire, reçoit une attestation provisoire [94]. Peine perdue : ni le certificat, ni les services de Charles Alliel pendant la campagne de Syrie en 1920-1921 comme matelot ne lui éviteront la déportation [95]. La qualité de « conjoint d’aryen » de Félix Cohen-Solal n’a pas plus d’effet [96]. Malgré ses 76 ans et un état de santé déficient, le commerçant en bonneterie est interné à Drancy. Il semble cependant avoir échappé à la déportation [97].

Le CGQJ n’est pas l’unique rouage administratif impliqué dans la détermination raciale. Il faut mentionner également, en ce qui concerne les Juifs originaires d’Afrique du Nord, le service des affaires nord-africaines de la Préfecture de Police, dépendant du troisième bureau de la Direction des étrangers et des affaires juives. André Tulard, bien connu pour être le concepteur du fichier issu du recensement d’octobre 1940 en zone nord, en assure la sous-direction [98]. C’est à l’instigation de ce service que la situation au regard de la loi du 2 juin 1941 de Rachmine dit Raymond Allouch, Français né à Blida et demeurant 10 rue des Jardins Saint-Paul, est examinée, car, selon le service, sa filiation juive ne fait aucun doute. Sur les conclusions transmises, le CGQJ-Direction du statut des personnes enjoint en retour à la Préfecture de tenir l’intéressé pour juif [99]. Plus d’une fois la Préfecture fait ainsi office de courroie de transmission auprès du CGQJ, signalant les cas douteux et veillant, une fois la décision entérinée, à l’application scrupuleuse des mesures prises, tant au regard des personnes que de leurs biens.
Une fois les possibilités de se procurer les différents certificats religieux de baptême, de mariage ou d’inhumation épuisées,il ne reste plus en dernier recours qu’à affronter le diagnostic du « professeur » George Montandon, « expert ethno-racial » à la solde des Allemands. Ses « expertises », rédigées dans un style pseudo-scientifique, sont officiellement facturées 400 francs, voire jusqu’à plus de 10 000 francs en cas de déplacement, sans compter les dessous de table, car l’homme est vénal [100]. Se targuant de connaissances religieuses encyclopédiques, il tente de confondre un homme se prétendant musulman chiite en lui posant une question sur la correspondance entre les calendriers musulman et grégorien. Examen probant, selon lui, car « à la demande du soussigné d’indiquer l’année de notre calendrier correspondant à l’an 1321 de l’ère musulmane, l’examiné dit ne pouvoir bien le calculer. Or l’Hégire étant de 622, on ajoute 621 à l’année musulmane, ce qui donne ici 1942 [101]». Montandon se veut aussi spécialiste d’onomastique. Jules Saffar a bien failli bénéficier de cette forfanterie : lors d’un premier examen de son cas, George Montandon, peu familier des patronymes nord-africains, exonère l’examiné ; en effet, il a été « tenté de le considérer non juif, sous prétexte que les noms de ses parents, Saffar et Atlan, n’étaient pas spécifiquement judaïques [102]».

AMÈRE LIBÉRATION

C’est ainsi qu’à l’heure de la délivrance, en août 1944, les Allemands en retraite ont vu leur départ de la capitale salué par des bordées d’insultes en arabe. « Ma grand-mère Messaouda vivait avec nous à l’époque, raconte André Cohen. Comme il faisait chaud, ma mère la mettait devant le 26, rue de Rivoli, sur un banc ou sur une chaise, ma grand-mère, elle, avait le foulard et quand elle voyait tous ces Allemands qui foutaient le camp, elle les insultait en arabe ».

Mais c’est l’abattement qui prime, comme chez tous les Juifs rescapés. Comme on l’a vu, la déportation a frappé les Juifs d’Afrique du Nord résidant en métropole [103]. Peu, très peu de familles auront le bonheur de voir rentrer l’un des leurs. Armand Guedj, le frère et la sœur Marcel et Perlette Draï sont de ceux-là, rescapés du convoi n° 77 du 31 juillet 1944. Outils de travail disparus, logements mis à sac : tel est le lot de la grande majorité des familles juives, entre autres celle de Jacques Pariente, qui déplore auprès du service de restitution le pillage de son appartement situé 1, rue Tiron [104]. C’est le cas des Chamak, comme des Allouch. Son mari déporté, Guemara Allouch, encore à Lyon, envoie ses fils reprendre possession de leur appartement du 12, rue de Fourcy :

Quand on est arrivé, se souvient Pierre Allouch, ils avaient enlevé même les fils électriques, il ne restait plus rien, c’était nu. Même le plancher. Nous sommes rentrés comme ça. Grâce à des organisations juives, c’était rue Elzévi… je suis allé chercher des meubles vers Montparnasse, des chaises là, des armoires encore ailleurs.

Autre variante : l’appartement familial est indûment occupé. C’est ce que découvrent les Bibi-Roubi, de retour quarante-huit heures après la libération de Paris. Le propriétaire, invoquant le congé donné par la famille et sans tenir compte de la situation de contrainte dans laquelle celle-ci s’était trouvée, a reloué. Lucienne Bibi-Roubi entame alors un procès contre le propriétaire qui se voit signifier qu’il a six semaines pour faire libérer les lieux. Mais entre-temps, « L’occupant [entendons le locataire précédent] avait fait sauter les baguettes d’électricité, il avait coupé les fils et recloué les baguettes par-dessus ». L’appartement des Arous, rue des Deux-Ponts sur l’Ile Saint-Louis, a connu le même sort. Esther ainsi que trois de ses cinq enfants, Prosper, Diamante et Ninette, ne sont pas rentrés de déportation, et ce sont les deux filles survivantes qui retournent dans l’appartement.

À la Libération, raconte Jeanne Arous, ma sœur Marie Benitah a dit, « il faut qu’on récupère l’appartement de maman, il n’y a pas à dire, il est à nous. » Marie fait un procès. L’appartement était loué à un gendarme, donc on fait le procès. Elle a gagné et il a été obligé de partir. Mais en partant il a tout cassé. Il avait laissé des cochonneries je ne vous dis pas quoi, mais il avait tout cassé. La cuisine il n’y avait plus de robinet, il n’y avait plus rien, plus rien. Le sol pareil. Bon, on a donc récupéré l’appartement, et puis on est reparti comme ça.

La vie reprend ses droits en effet, vaille que vaille. Louise, la mère de Raymond Chamak, reprend sa médaille de quatre saisons et recommence à exercer le métier, ainsi que Guemara Allouch, dont le fils Pierre s’embauche comme tapissier rue de Charenton, tout en travaillant comme débardeur, la nuit, aux Halles. La vie a ses exigences…

AU TERME DE CETTE ÉVOCATION, ON AURA AMPLEMENT VÉRIFIÉ QU’EN PLEIN YIDDISHLAND PARISIEN S’EST BIEN ÉTABLIE DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES UNE COMMUNAUTÉ JUIVE NORD-AFRICAINE, ALGÉRIENNE SURTOUT.

C’est au sud du Marais, au delà de la rue de Rivoli, qu’elle a accordé sa préférence, réussissant à y conserver intacts les modes de vie, les traditions et coutumes du pays quitté pourtant des années, voire des décennies, plus tôt. Ce fort particularisme, ainsi maintenu, a sérieusement contribué à limiter les contacts avec les coreligionnaires yiddishophones d’Europe centrale et orientale, bien plus nombreux comme on sait dans ce secteur. Pourtant l’acculturation et la modernité sont déjà à l’œuvre chez ces Juifs « orientaux », se traduisant en particulier par des mariages mixtes, unions qui, pendant l’Occupation, vont s’avérer d’un grand secours. Par ailleurs, les traits partagés par les Juifs et les Arabes d’Afrique du Nord – la langue arabe, certains patronymes et prénoms – vont parfois contribuer à semer le trouble et la confusion chez les persécuteurs. Reste que la déportation décima malgré tout nombre de ces familles qui, pour avoir traversé la Méditerranée en des heures plus fastes, partagèrent le sort trop souvent funeste du judaïsme de France comme ses difficultés d’après-guerre : biens pillés, disparus, et appartements occupés.

Jean Laloum

Étude publiée dans la revue “Archives Juives, revue d’histoire des Juifs de France” n°38/2 (2005) © Belles Lettres, reproduite avec l’aimable autorisation de son auteur et des Éditions Les Belles Lettres

Lire la 1ère partie de cette étude sur Jewpop

NOTES
  • 45]
    En février 1940 un certain nombre de ces familles figure parmi les personnes assistées par le Comité de bienfaisance israélite de Paris (CBIP). En 1941, elles bénéficieront pour la plupart d’une aide financière oscillant entre 100 et 200 francs. Archives du CBIP, 2D2, Legs Morhet et Deyme en faveur des habitants du 4e arrondissement pour l’année 1940 et ibid., 1D6. Legs Morhet et Deyme en faveur des habitants du 4e arrondissement pour l’année 1941.
  • [46]
    Communiqué de la Préfecture de Police paru dans le quotidien Le Matin, le 15 juin 1941.
  • [47]
    L’article 8 de la loi du 2 juin 1941 prévoit en effet la possibilité d’obtenir une dérogation au Statut pour services exceptionnels rendus à la Nation.
  • [48]
    AN, AJ38, 187, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – RT à RZ.
  • [49]
    Ibid., 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AR à ARZ.
  • [50]
    Ibid., Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ASS. Courrier du 14 juillet 1941 ; ibid., 189, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – SH à SK.
  • [51]
    Ibid., 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AST à ATZ. Même détresse au foyer de Mme Charbit situé 16, rue de Sévigné (Ibid., 162, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – CHAR à CHAT).
  • [52]
    Cf. la réponse faite le 1er juin 1942 à Camille Fredj, coiffeur au 3 rue du Grenier sur l’Eau, ibid., AJ38, 168, Direction du Statut des personnes. Dossiers individuels, 1941-1944 – FRE à FREZ.
  • [53]
    Ibid., 1192 à 1222, fichier topographique des entreprises du département de la Seine (Classement par nom de rue sans distinction entre Paris et la banlieue).
  • [54]
    Ibid., 3197, dossier 35 858 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Yetta Mardochée – alimentation – 56, rue Ferdinand Duval Paris (4e).
  • [55]
    Ibid., 3190, dossier 16 423 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Vve Boukhalter – épicerie – 68, rue François Miron Paris (4e). Au lendemain de la Libération, une circulaire du service de restitution figurant au dossier, signale le décès de la propriétaire.
  • [56]
  • Ibid., 3121, dossier 14 306 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Pariente Jacques – bazar couleurs – 68, rue François Miron Paris (4e).
  • [57]
    Ibid., 3174, dossier 37 754 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Allouche Albert – boucherie – 74, rue François Miron Paris (4e).
  • [58]
    Ibid., 3188, dossier 14 191 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Menahem & Salfati – café-hôtel – 23, rue des Jardins Saint-Paul Paris (4e).
  • [59]
    Ibid., 1821, dossier 36 418 (section IC R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Lelouche Maurice – tailleur – 111, rue Saint-Antoine Paris (4e).
  • [60]
    Ibid., 3187, dossier 10 994 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Mimoun Esther – café – 13, rue de Jouy Paris (4e).
  • [61]
    Suivant le rapport de l’administrateur provisoire en date du 16 septembre 1942, ibid., 3191, dossier 19 022 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Yakoubovitch Abraham – restaurant – 25, rue des Rosiers Paris (4e).
  • [62]
    Ibid., 3109, dossier 10 863 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Per’nic – matières premières pour les produits alimentaires – 3 bis, rue des Rosiers Paris (4e).
  • [63]
    Le culte n’étant pas interdit, son exercice nécessitait le respect des prescriptions rituelles concernant la nourriture.
  • [64]
    Jean Laloum, « Une aryanisation paradoxale : les commerces d’alimentation dans le Marais » dans La Caisse des dépôts et consignations, la Seconde Guerre mondiale et le XXe siècle, sous la direction de A. Aglan, M. Margairaz et P. Verheyde, Paris, Albin Michel, 2003, pp. 369-394.
  • [65]
    AN, 3109, dossier 10 726 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Gharbi René – café – 7, rue François Miron Paris (4e).
  • [66]
    Ibid., 3186, dossier 10 728 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Sabba Élie – café – 50, rue François Miron Paris (4e).
  • [67]
    Ibid., 899, Chemise « commerce rituélique : correspondance ».
  • [68]
    AN, F/9/5606/2, Fichier « familial » de la Préfecture de Police de la Seine, et AJ38, 156, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – BENH à BENZ.
  • [69]
    Ibid., AJ38, 171, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – GUG à GUIN. L’internement de Michel Guedj fut bref car, le 7 septembre 1941, il réussit à s’évader de Drancy avec deux autres internés. À cette date seuls cinq autres internés avaient réussi à s’évader du camp, cf. ibid., F/9/5644/2, Fichier « individuel » de la Préfecture de Police (adultes), et Archives CDJC, DLIX-18, Liste des internés évadés de Drancy établie le 2 avril 1942 par le capitaine Richard, commandant le service de gendarmerie du camp du 21 août 1941 au 31 mars 1942.
  • [70]
    AN, AJ38, 162, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – CHAM à CHAP. Même démarche angoissée de l’épouse de Youna Mimran domiciliée au 133 de la rue Saint-Antoine : ibid., 182, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – MIA à MLD.
  • [71]
    CDJC, DLIX-1 à 6, Listes nominatives des internés entrés et sortis du camp de Drancy pour la période du 1er janvier au 30 juin 1943 ; AN, F/9, fichiers conservés sous forme de microfilms. Il s’agit : du Tlemcénien Henri Serfati du 68 rue François Miron, le 18 janvier ; de la Batnéenne Raymonde Elbeze du 56 quai des Célestins, le 8 mars ; de la Sétifienne Rose Allouche du 14 rue du Figuier, appréhendée en compagnie de ses enfants Georges et Colette pour « défaut de carte » le 9 mars ainsi que le Batnéen Albert Fhal du 31 rue du Roi de Sicile ; du Tlemcénien Henri Ettouati du 3 rue des Francs-Bourgeois ainsi que de l’Algérois Charles Alliel du 12 rue Pavée, le 17 mars ; de Maurice Sebbane du 43 rue Vieille-du-Temple, natif de Nemours, le 20 mars ; de l’Algérois Judas Dadoun du 12 rue des Rosiers, le 12 juin ; de la Tlemcénienne Férahé dite Berthe Dadoun du 11 rue Mahler, le 13 juin ; du Constantinois Adolphe Nabet du 20 rue de Jouy, le 18 juillet ; de la Bônoise Meriem Lévy du 27 rue des Rosiers, le 28 décembre.
  • [72]
    AN, AJ38, 191, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – TOR à TOZ. Marie Touboul, née le 1er mai 1897 à Oran, est déportée le 13 février 1943 par le convoi n° 48 à Auschwitz.
  • [73]
    Ibid., 156, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – BEM à BENG.
  • [74]
    Le CGQJ invoque les mêmes motifs pour rejeter les demandes de dérogations professionnelles.
  • [75]
    AN, F/9/5606/2, Fichier « familial » de la Préfecture de Police de la Seine.
  • [76]
    Ibid., F/9/5626/2, Fichier « familial » de la Préfecture de Police de la Seine. La 8e ordonnance allemande (29 mai 1942) annonce l’obligation du port de l’étoile jaune. Son entrée en vigueur est pour le 7 juin. Il va être désormais « interdit aux juifs, dès l’âge de six ans révolus, de paraître en public sans porter l’étoile juive ». La mesure concerne la zone occupée.
  • [77]
    Ont ainsi fait des mariages mixtes : le garçon boucher Aaron Benhaqui domicilié 27 rue des Rosiers ; le cafetier Charles Alliel du 12 rue Pavée ; le coiffeur Maurice Albou domicilié au 52 rue du Roi de Sicile ; le commerçant en bonneterie Félix Cohen-Solal du 11 rue Mahler ; le contrôleur électricien Adolphe Nabet habitant au 20 rue de Jouy ; Rosette Chassepoux, née Allouche, domiciliée au 1 rue Ferdinand Duval.
  • [78]
    Jacques Biélinky, Journal…, op. cit., entrée du 18 octobre 1940, p. 62.
  • [79]
    AN, AJ38, 3162, dossier 33 247 (section VIII R), déjà cit. ; ibid., 3199, dossier 37 141 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de El Baze Michel (anciennement Bouskila) – restaurant – 46, rue François Miron Paris (4e) ; ibid.,
  • 3174, dossier 37 754 (section VIII R), déjà cité.
  • [80]
    Ibid., 2526, dossier 22 102/7 (section VB R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Schmoulowsky Abraham – immeuble – 27, rue des Rosiers Paris (4e). Yad Vashem / CDJC, Collection Georges Epstein.
  • [81]
    CDJC, V88, Rapport journalier n° 255 du 14 mai 1941. Cf. Michel Abitbol, Les Juifs d’Afrique du Nord sous Vichy, Paris, Maisonneuve § Larose, 1983, pp. 63-64.
  • [82]
    AN, AJ38, 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AV à AZ.
  • [83]
    Benichou était le nom de jeune fille de la mère de Lucette Bouchoucha.
  • [84]
    AN, AJ38, 176, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – KO à LANZ.
  • [85]
    Ministère des Affaires étrangères, Série Guerre 1939-1945, Vichy, C État français, 139. Je remercie Catherine Nicault de m’avoir communiqué ce document.
  • [86]
    AN, AJ38, 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AR à ARZ. On relèvera le caractère approximatif des connaissances géographiques de l’administration : Oujda ne se trouve pas en Algérie, mais au Maroc, à la frontière de l’Algérie il est vrai.
  • [87]
    Ibid., 176, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – KRA à KRI. Les termes soulignés le sont dans le texte.
  • [88]
    Selon le site officiel internet de la Mosquée de Paris, « Durant la Guerre 1939-1945 la Mosquée de Paris par ses caves et son accès à la Bièvre (petit cours d’eau parisien) dût jouer un rôle actif dans le sauvetage de nombreux juifs et de résistants puisque le regretté ami de la Mosquée Abraham Assouline avance le chiffre de 1700 personnes… » ; enfin, selon Nidam Abdi dans un article paru dans Libération du 13 juillet 2005 relatant le décès le 2 juillet 2005 de Salim (Simon) Hallali, « La chanson maghrébine orpheline. Précurseur du flamenco chanté en arabe et des cabarets orientaux parisiens, Salim Hallali est mort près de Cannes » […] « À Paris, l’Occupation rattrape l’insouciant Salim. Son ami Mohamed el-Kamal part collaborer à Radio-Berlin, laissant seul le jeune chanteur de charme. Un homme le sortira de la tourmente : le fondateur et recteur de la mosquée de Paris, le Marocain Hadj Benghabrit, le fera passer pour musulman en lui fournissant de faux papiers et en inscrivant le nom du père du chanteur sur une tombe du cimetière de Bobigny ».
  • [89]
    CDJC, 164a.
  • [90]
    Ibid., Souche 6973 du carnet de fouille n° 161 du camp de Drancy datée du 5 août 1944. Germaine Roland y dépose à son entrée au camp une somme de 252 francs. Bassano (un hôtel particulier ayant appartenu aux Cahen d’Anvers dans le 16e arrondissement) compose avec deux autres sites parisiens, « Lévitan » et « Austerlitz », les trois camps annexes de Drancy où les Allemands entreposent e
  • t font réparer le produit de leurs rapines par des femmes de prisonniers et des conjoints d’Aryens – catégories classées en principe non déportables, avant de les expédier en Allemagne. Cf. Jean-Marc Dreyfus, Sarah Gensburger, Des camps dans Paris, Austerlitz, Lévitan, Bassano. Juillet 1943-août 1944, Paris, Fayard, 2003.
  • [91]
    Michel Laffitte, Un engrenage fatal. L’UGIF face aux réalités de la Shoah 1941-1944, Paris, Liana Levi, 2003, p. 189.
  • [92]
    Darquier, dit de Pellepoix, a succédé à Xavier Vallat à la tête du CGQJ.
  • [93]
    AN, AJ38, 156, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – BENH à BENZ.
  • [94]
    Ibid., 153, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ALG à ALL.
  • [95]
    Interné à Drancy le 17 août 1943, Charles Alliel est déporté le 7 octobre 1943 par le convoi n° 60 de Drancy à Auschwitz, AN, F/9/5605/1, Fichier « familial » de la Préfecture de police de la Seine.
  • [96]
    AN, AJ38, 2034, dossier 18 016 (section ID NR). Dossier d’aryanisation établi au nom de Cohen-Solal Félix – bonneterie – 11, rue Malher Paris (4e).
  • [97]
    On sait seulement que sa famille a entrepris des démarches pour son transfert à l’hôpital Rothschild, certificat médical à l’appui, et que le 17 janvier 1944, le CGQJ transmet le courrier aux Allemands. AN, AJ38, 189, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – SLA à SOR.
  • [98]
    Bottin administratif de l’exercice 1943. Paris, annuaire du commerce Didot-Bottin, 1943, p. 398.
  • [99]
    AN, AJ38, 153, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ALG à ALL.
  • [100]
    Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton, Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, 1981, p. 277. Michel Laffitte, op. cit., p. 191. Nicolas Chevassus-au-Louis, Savants sous l’Occupation. Enquête sur la vie scientifique française entre 1940 et 1944, Paris, Éditions du Seuil, 2004, pp. 173-184.
  • [101]
    CDJC, XXXVI-104.
  • [102]
    AN, AJ38, 187, Direction du statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ROSENW à SALZ.
  • [103]
    Concernant la liste des Juifs natifs d’Algérie déportés de France, cf. Jean Laloum, « La déportation des Juifs natifs d’Algérie », Le Monde juif, n° 129, janvier-mars 1988, pp. 33-48.
  • [104]
    AN, AJ38, 3121, dossier 14 306 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Pariente Jacques – bazar couleurs – 68, rue François Miron Paris (4e)

© photos :  Mémorial de la Shoah / Musée de la Résistance / DR

Article publié le 18 novembre 2019, tous droits de reproduction et de représentation réservés © Belles Lettres / Jewpop 2019

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