Autocritique dans le monde arabe suite aux attentats de Bruxelles : il est inacceptable que des musulmans justifient ces attentats ; reconnaissons que la plupart des actes terroristes sont commis par « des musulmans »

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Suite aux attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, qui ont fait 35 morts et plus de 300 blessés, de nombreux articles accusant l’Occident et divers adversaires régionaux ont paru dans la presse arabe. A côté de cela, certains journalistes se sont adonnés à une autocritique, imputant la responsabilité des bombes humaines et des attentats meurtriers aux cultures et aux conceptions des pays islamiques. Ces journalistes dénoncent les « musulmans » qui ne s’élèvent pas contre le terrorisme ou ne font pas assez pour l’éliminer, allant parfois jusqu’à le justifier, refusant par ailleurs d’en endosser le moindre degré de responsabilité. 

Le rédacteur en chef d’Al-Hayat : Nous avons échoué, nous fuyons nos pays, et le monde tente de fuir la vague de bombes humaines produite par notre culture

Dans un article intitulé « Nous avons bel et bien échoué », (1) le rédacteur en chef du quotidien saoudien Al-Hayat, basé à Londres, Ghassan Charbel, dénonce les « Arabes » et les « musulmans » qui sèment la destruction et la peur dans ces mêmes pays européens qui avaient accepté de les accueillir alors qu’ils fuyaient leurs Etats défaillants. Selon Charbel, les Arabes et les musulmans n’ont pas réussi à façonner des États et des citoyens capables de s’intégrer au monde moderne, et doivent reconnaître leur échec et recommencer à zéro. Extraits :


Sommes-nous [les Arabes et les musulmans] simplement une partie de ce monde, ou sommes-nous une charge explosive implantée dans les entrailles [du monde] ? Sommes-nous un quartier normal dans le village mondial, ou sommes-nous un quartier de bombes humaines dans [ce village] ? Ces massacres qui se déplacent [d’un endroit à l’autre] ont-ils pour but d‘annexer les communautés arabes et musulmanes d’Occident au lexique du massacre et du suicide ? Faisons-nous partie du présent et de l’avenir du monde, ou sommes-nous une tempête obscure qui cherche à renvoyer [le monde] aux cavernes qu’il a abandonnées lorsqu’il a choisi la voie du progrès et de la dignité humaine ?

Cherchons-nous à défendre notre nature, nos droits, notre identité ? Ou cherchons-nous à imposer cette nature aux autres ? Le choix que nous proposons est-elle de nous ressembler ou d’exploser, afin de mêler nos membres respectifs ? Est-il vrai que nous ne nous sentons apaisés qu’à la vue des rues du monde de l’autre barricadées de cadavres et de verre brisé ? Qui est celui qui a permis à des musulmans fanatiques de tuer un Turc dans les rues d’Istanbul, un Français dans les rues de Paris et un touriste dans les rues de Bruxelles ?

Un homme arrivé en tant que réfugié ou immigrant dans un pays étranger qui l’a accueilli et lui a fourni un toit, une adresse, une assistance sociale et des soins médicaux, a-t-il le droit de se faire sauter dans ses rues en raison du fait qu’il [le pays d’accueil] n’a pas adopté sa nature, son interprétation, son mode de pensée et son mode de vie ? Le discours sur le chômage et la non-intégration dans la société occidentale atténue-t-il [l’horreur] du crime ? Une personne malveillante a-t-elle le droit de tuer l’autre simplement parce qu’il ne boit pas à la même source qu’elle ? Avons-nous le droit de continuer de nous immerger dans les sources historiques pour y puiser des torts passés qui nous ont été infligés et les utiliser pour justifier le massacre d’innocents dans un pays vers lequel nous avons fui à cause d’un tyran ou d’une guerre civile [chez nous] ? Qui nous a donné le droit de dicter aux autres la nature de leurs régimes, leurs valeurs et leur mode de vie ?

Nous avons bel et bien échoué.

Telle est la vérité qui ne peut plus être occultée ou ignorée. Nous avons échoué à la création d’un Etat normal, un État qui vit à l’intérieur de ses frontières. Un Etat institutionnel tout entier impliqué dans le progrès et le développement, appliqué à fournir à ses citoyens des opportunités d’emploi et d’engagement, un Etat qui coopère avec ses voisins et le monde sans se laisser paniquer ou entraver par l’hostilité. Nous n’avons pas réussi non plus à façonner un citoyen normal, en phase avec le stade actuel de développement dans un monde en évolution rapide.

Nous avons bel et bien échoué.

Depuis des décennies et [même] des siècles, nous sommes la proie du laisser-aller. Nous avons eu peur, et nous nous sommes refermés sur nous-mêmes. Nous avons puni l’opposant. Nous avons anéanti ceux qui semaient le doute et accusé de trahison quiconque soulevait des questions. Nous avons emprisonné les gorges, les doigts et les rêves. Et ainsi nos institutions se sont décomposées, si elles ont toutefois jamais existé. Les écoles, les universités et nos programmes scolaires ont pourri. Les enfants sortent diplômés de nos écoles avec des imaginations malades et des émotions inflexibles… L’étudiant est devenu un numéro… puis une bombe. Nous sommes restés immobiles sur le quai du monde, alors que [lui] avançait, pour aller de plus en plus loin, et nous sommes devenus plus tristes et plus en colère. Nous avons continué à sentir que le monde avait été construit sans nous, et en notre absence, qu’il avait été construit contre nous. Et c’est ainsi que nous avons préparé nos corps et les charges explosives et que nous nous sommes fait sauter.

Nous avons bel et bien échoué.

Ces impressions m’ont saisi lorsque j’écoutais les Syriens à Berlin narrant comment ils avaient été entassés dans les bateaux de la mort, dans l’espoir de se lover, eux-mêmes et leurs enfants, dans le giron d’un pays européen, en écoutant les Irakiens qui ont utilisé les passeports des Syriens – et quand j’ai vu la tragédie dans les yeux des yézédis, qui fuyaient l’enfer de l’Etat [islamique] d’[Abu-Bakr] Al-Baghdadi. C’est effrayant. Combien [d’écrits] avons-nous lu au sujet de nos patries et de leurs racines historiques profondes, alors qu’aujourd’hui, nous rêvons juste de leur échapper, de les laisser dépérir et se tortiller d’agonie autour des hymnes communautaires et des victoires des milices. Combien nous sommes-nous bercés d’illusions d’être un peuple, avant que nos propres compatriotes nous assassinent. Il ne nous reste que les bateaux de la mort pour fuir nos pays qui sombrent…

Nous avons bel et bien échoué.

Le monde cherche la meilleure façon d’échapper à la foule des réfugiés que nous envoyons, et aux vagues de [terroristes] suicides issus de notre territoire et de notre culture. Le monde nous traite aujourd’hui comme la source du danger pour sa sécurité, son progrès, sa démocratie et sa stabilité. La seule solution qui nous reste est de reconnaître cet échec complet et retentissant, ce terrible effondrement. Nous devons recommencer à zéro, comme une ville dévastée par un tremblement de terre meurtrier. Continuer de nous cacher derrière des mensonges et des faux-semblants ne fera que prolonger notre séjour dans les grottes. Nous ne pouvons progresser vers l’avenir avec nos concepts archaïques et nos vêtements en lambeaux. Nous ne pouvons prendre le train sans payer le prix de notre stagnation, de nos illusions et nos perceptions inflexibles.

(1) Al-Hayat (Londres), le 28 mars 2016

Lire les autres auto-critiques en anglais

Acerca de MEMRI

El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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