Le 20 novembre 2016, Ayman Odeh, dirigeant de la Liste arabe unifiée, alliance des partis arabes à la Knesset, a participé à une conférence organisée par le Centre palestinien Masarat pour la recherche et la politique. Cette conférence, qui a eu lieu simultanément à Al-Bireh et à Gaza, sous le titre « Réalité et horizons du combat des Palestiniens de 1948 [les Arabes israéliens] », a attiré des dizaines de politiciens, d’universitaires et d’activistes sociaux. Odeh, qui a participé à la conférence depuis Al-Bireh, a abordé les choix politiques des Arabes israéliens, affirmant que, lorsqu’un conflit surgit entre leur identité palestinienne et arabe et leur citoyenneté israélienne, c’est leur identité palestinienne et arabe qui prime, et que c’est la raison pour laquelle ils évitent d’accepter des postes dans les différents ministères israéliens.
Il a ajouté que les Arabes israéliens ont l’obligation de soutenir la lutte palestinienne et ont un intérêt national à voir la fin de l’occupation, la création d’un Etat palestinien et le retour des réfugiés.
Dans un discours prononcé à Ramallah le 10 novembre, lors d’une cérémonie marquant l’anniversaire du décès de Yasser Arafat, Odeh avait expliqué que les Arabes israéliens étaient des Palestiniens au plein sens du terme. Il a réitéré son message dans un discours prononcé le 30 novembre lors de la cérémonie d’ouverture du Septième Congrès général du Fatah à Ramallah. Extraits de ces trois discours :
Odeh à la Conférence Masarat : Notre identité nationale est plus stable que l’Etat d’Israël et que le peuple juif ; nous sommes tenus de soutenir la lutte palestinienne
Dans son discours à la Conférence Masarat, Odeh a affirmé que les Arabes israéliens « sont des Arabes palestiniens, et vivent et ont un rôle actif dans la nation arabe. Notre identité nationale est plus stable que l’Etat d’Israël et que le peuple juif, et elle n’est pas menacée, en dépit de la peine que se donne l’establishment israélien pour façonner une [identité] arabe israélienne déformée… »
Abordant la relation entre l’identité palestinienne des Arabes israéliens et leur citoyenneté israélienne, Odeh a déclaré : « Lorsqu’un conflit [entre les deux] surgit, l’identité palestinienne prime. C’est pourquoi les Palestiniens [israéliens] ne travaillent pas dans les ministères de la Défense, des Affaires étrangères, de l’Intégration, de la Justice, etc. Afin de préserver leur identité nationale, et cela malgré la tentation de travailler dans ces ministères, qui offrent un tiers des postes [dans le secteur public israélien]. Nous accordons la priorité aux intérêts nationaux par rapport à nos intérêts personnels. Nous ne voulons pas simplement rester dans notre patrie, mais influer sur le processus de décision politique afin de mettre fin à l’occupation… »
« Mettre fin à l’occupation exige de s’opposer à l’occupant. Nous sommes tenus de soutenir la lutte palestinienne et d’influer sur l’opinion publique dans le pays occupant, afin qu’il fasse respecter les droits du peuple [palestinien] occupé, qui aspire à la liberté et à l’indépendance… L’intérêt [des Arabes israéliens] à voir la fin de l’occupation, la création d’un Etat palestinien, le retour des réfugiés et l’égalité pour les Palestiniens à l’intérieur d’Israël ne découle pas de considérations morales mais nationales… »
Odeh a appelé à « créer une structure culturelle commune [aux Palestiniens israéliens et non-israéliens] pour renforcer l’identité nationale, avec l’accord de l’OLP ». Soulignant que l’OLP ne peut représenter les Palestiniens à l’intérieur d’Israël, et que ces derniers ne peuvent être membres de l’OLP ou de son Conseil national, il a ajouté qu’une « séparation fonctionnelle est nécessaire, qui prendra en compte la [position] unique des Palestiniens à l’intérieur [d’Israël] », et « l’exécution de cette idée exige un débat et des analyses ».
Selon le rapport de Masarat sur l’intervention d’Odeh à la conférence, il a ajouté que le Premier ministre israélien Binyamin Netanyahou « s’efforce de transformer le conflit [israélo-palestinien] en conflit religieux, afin de gérer le conflit au lieu de le résoudre, et aussi pour marquer des points dans son dialogue avec l’Occident – car le narratif religieux est plus simple que le discours politique, qui concerne un peuple sous occupation ». Il aurait également déclaré : « Il y a trois lois auxquelles les Palestiniens à l’intérieur [d’Israël] n’obéissent pas : la loi sur le service militaire, la loi sur les démolitions de maisons et la loi sur la Nakba, et si la loi sur le muezzin est adoptée, nous ne la respecterons absolument pas [non plus]. » [1]
Odeh lors d’une cérémonie à la mémoire d’Arafat : La création d’un Etat palestinien est une nécessité historique
A l’occasion d’une cérémonie à la mémoire de Yasser Arafat, le 10 novembre 2016 à Ramallah, Odeh a déclaré : « Nous autres, Arabes palestiniens qui sommes restés dans notre patrie malgré la Nakba et la politique de déportation, sommes uniques car nous sommes des citoyens d’Israël. Le gouvernement israélien veut créer une identité ‘arabe israélienne”. Cet ‘Arabe israélien’ est arabe parce qu’il parle sa langue [arabe], connaît bien les Muallaqat [chefs-d’œuvre de la poésie arabe pré-islamique], fait la différence entre les [poètes du début de l’islam] Al-Farazdaq et Jarir, et connaît bien les reproches adressés par le [dirigeant musulman du dixième siècle] Sayf Al-Dawla au [poète] Mutanabbi [2] – mais il ne devrait rien connaître de l’histoire palestinienne et ne pas éprouver de solidarité avec le combat de son peuple [palestinien]. C’est un Arabe perverti et non un Palestinien. Dans le même temps, c’est aussi un mauvais Israélien, parce que seul un Juif peut être entièrement israélien dans l’Etat juif. C’est leur paradigme. Au contraire, notre paradigme veut que nous soyons des Arabes palestiniens au plein sens du terme, qui luttent parallèlement pour la pleine citoyenneté [en Israël]… »
« Nous avons notre propre place et notre unicité, que nous souhaitons utiliser pour aider notre peuple. Notre caractère unique tient au fait que nous exerçons une influence sur le front politique israélien, et personne ne reconnaît notre puissance quantitative et qualitative mieux que Netanyahou. C’est pourquoi il s’efforce de nous délégitimer, afin de nous empêcher d’exercer notre influence. Alors que je prononce ce discours, ils suivent chaque mot afin d’inciter à la violence [contre nous, Arabes israéliens] et pour que Netanyahou puisse nous dépeindre comme des ennemis et comme [des gens] privés de légitimité pour agir dans l’arène politique israélienne… »
« Nous sommes ici pour défendre l’adhésion du président de [l’Autorité palestinienne] Abou Mazen à la solution à deux Etats, qui découle d’une bonne compréhension de la réalité et d’une position morale aspirant à une réconciliation [avec Israël] pour parvenir à une solution juste. Nous sommes ici pour dire que l’existence d’un Etat de Palestine est une nécessité historique… »
Odeh a ajouté : « Je tiens à m’abstenir d’intervenir dans toute question palestinienne liée à l’AP ou à l’OLP, mais une question [d‘importance] nationale est une source de préoccupation et de douleur pour nous, à savoir, le manque d’unité [entre les différentes factions palestiniennes] dans la gestion du conflit principal, le conflit avec l’occupation abjecte. [Toutes les factions] – le Fatah, le Hamas, les Fronts [populaire et démocratique] et le Parti Al-Shab – sont sous occupation ; la Cisjordanie et Gaza sont sous occupation ; le peuple palestinien tout entier est sous occupation… Nous implorons notre peuple de mettre fin à cette division destructrice et de s’efforcer de formuler une vision et des stratégies partagées [par tous], dans toute la mesure du possible, avec pour seul objectif Jérusalem comme capitale de l’Etat palestinien. » [3]
Odeh lors du Septième Congrès général du Fatah : Le prochaine Congrès du Fatah se tiendra à Jérusalem-Est, capitale de la Palestine indépendante
Odeh a tenu des propos du même acabit lors de la cérémonie d’ouverture du Septième Congrès général du Fatah, le 30 novembre 2016 à Ramallah. Il s’est adressé au Fatah comme au « Fatah des grands sacrifices » et au « Fatah des martyrs et des prisonniers » et, s’exprimant au nom de son parti, a appelé les factions palestiniennes à mettre de côté leurs différends pour se focaliser sur le combat principal, celui contre l’occupation. Il a expliqué que les Arabes israéliens avaient un rôle à jouer pour aider les Palestiniens sous occupation et faire vaciller l’opinion publique en Israël. Il a terminé son discours par une citation d’Arafat et un appel à ce que le prochain Congrès du Fatah se tienne à Jérusalem : « Comme l’a dit le grand Arafat, ‘les gens pensent que [l’Etat palestinien] est encore loin, mais nous voyons qu’il est tout près’. Le prochain Congrès du Fatah se tiendra à Jérusalem-Est, capitale de l’Etat palestinien, et nous y serons à vos côtés. » Le discours d’Odeh a été accueilli par des applaudissements et le slogan, formulé par Arafat, « des milliers de martyrs marchent sur Jérusalem ». [4]
Voir le clip de MEMRI TV sur les déclarations d’Odeh lors du Septième Congrès du Fatah et la transcription sur MEMRI.fr.
Notes :
[1] Masarat.ps, le 20 novembre 2016.
[2] Mutanabbi était un poète dans la cour de Sayf Al-Dawla, mais a perdu la faveur de ce dernier lorsqu’il a développé des ambitions politiques.
[3] Aymanodeh.com, 12 novembre 2016.
[4] Alarab.com, 30 novembre 2016.
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