Combats pour les victimes, contre le terrorisme

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Le CRIF a publié un recueil de textes en hommage au 70e anniversaire du CRIF, qui a été offert aux invités lors du 29e Dîner de l’institution. Ce recueil est composé de trente articles rédigés par des intellectuels, écrivains, journalistes, sociologues, philosophes… Nous reproduisons ci-après le 19e article de ce recueil : la tribune de Françoise Rudetzki, Déléguée au terrorisme, Fédération Nationale des Victimes d’Attentats et de Catastrophes collectives (FENVAC), SOS Catastrophes & Terrorisme.

Fondée en janvier 1986, SOS Attentats, créée « par des victimes, pour des victimes », a milité pour faire progresser le droit des victimes et la lutte contre le terrorisme. L’infraction terroriste n’existait pas dans le droit français, en dépit des nombreux actes commis entre 1974 et 1985 par différents groupes français, nationalistes ou internationaux. Cependant, rien et aucune cause ne peut justifier le terrorisme, qui représente la plus lâche de toutes les violences. Albert Camus le disait : « Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente. » Le terrorisme, cherche à affaiblir, à atteindre, à anéantir, au-delà des vies des populations civiles qu’il frappe, la démocratie, l’État de droit, l’unité nationale, notre liberté.

Mais c’est grâce au combat d’une association de victimes qu’une reconnaissance et une meilleure prise en charge sociale et psychologique ont été obtenues à travers plusieurs lois relatives aux droits des victimes, dont la création du fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme (loi du 9 septembre 1986) et le statut de victime civile de guerre (loi du 23 janvier 1990) pour toutes les victimes du terrorisme et les otages. Nous avons aussi lutté pour que les victimes ne tombent pas dans l’oubli. Un mémorial, « Parole portée », dédié à toutes les victimes du terrorisme a été érigé et financé par l’association et inauguré en 1998 à l’Hôtel national des Invalides à Paris par le Président de la République, M. Jacques Chirac.


En premier lieu, la France s’est dotée d’un système original d’indemnisation des victimes, fondé sur la solidarité nationale. Le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) indemnise intégralement les victimes blessées et leur famille en cas de décès pour les actes de terrorisme commis sur le territoire national et les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité.

Cette procédure est déconnectée de la procédure pénale. Le fonds, organisme public autonome, définit les règles d’indemnisation. Il est dirigé par un conseil d’administration composé de neuf personnes : un Président, quatre représentants des Ministères des Finances, de la Justice, des Affaires sociales et de l’Intérieur, un professionnel du secteur de l’assurance, trois personnes ayant manifesté leur intérêt pour les victimes.

La voix des victimes se fait entendre à travers Françoise Rudetzki depuis 1986 et Stéphane Gicquel, secrétaire de SOS Catastrophes & Terrorisme, qui, après la dissolution de SOS Attentats en 2008, a pris le relais.

Tous les préjudices physiques, psychologiques et professionnels (selon la nomenclature Dinthilac) sont pris en charge.

Un préjudice spécifique des victimes d’actes de terrorisme a été créé suite à une étude épidémiologique initiée et financée par SOS Attentats et menée par l’Institut national de la Recherche médicale (INSERM) en 1986 et 1987 sur un échantillon de 313 victimes d’attaques terroristes commises entre le 1er janvier 1982 et le 17 septembre 1986. Les résultats ont mis en évidence des conséquences spécifiques relatives à l’état de santé des victimes d’actes de terrorisme, proches de celles de victimes de guerre : orthopédiques, blast ORL, pulmonaire avec l’inhalation de la fumée condensée par des matières plastiques et un stress post-traumatique intense et fréquent s’agissant d’une population civile. Nous œuvrons aujourd’hui pour qu’un préjudice spécifique des ayants droit soit également créé sur le modèle des catastrophes collectives. Le financement du FGTI provient d’une contribution de solidarité nationale prélevée sur les contrats d’assurance de biens (multirisque habitation, entreprise et automobile) fixée à 3,30 € par contrat depuis 2004. Il y a 80 millions de contrats d’assurance de biens en France. Depuis le 1er janvier 1985, le FGTI a indemnisé près de 4 000 victimes de 740 événements terroristes.

Ce fonds, doté de moyens importants, devrait permettre une plus juste indemnisation. Cependant, les victimes des attentats de Marrakech (2011), de Montauban, de Toulouse (en 2012) et les familles des otages récemment tués ou libérés sont confrontées à des difficultés qui n’existaient pas dans le passé – en dépit des propos tenus par le Président François Hollande le 19 septembre 2012 : « Chaque fois, c’était la France et ce qu’elle représente qui étaient visés. Elle vous doit donc, la France, en retour, la plus grande solidarité ». Les victimes ont ensuite obtenu l’adoption de la loi du 23 janvier 1990 qui leur permet de bénéficier des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité. Les victimes du terrorisme sont assimilées, dans leurs droits, à des victimes civiles de guerre. Le terrorisme est ainsi considéré comme une guerre en temps de paix. Cette loi accorde aux enfants le statut de pupille de la Nation.

En second lieu, l’association, qui s’est prononcée contre la peine de mort, prône la lutte contre le terrorisme par la voie judiciaire. Ce combat contre l’impunité, pour la justice et la vérité, reste aujourd’hui le plus difficile à mener. Nous restons persuadés que la justice demeure, lorsque la prévention a échoué, la seule réponse digne des États démocratiques.

La justice internationale progresse, chacun s’en félicite, contre les responsables des génocides, des crimes de guerre ou de crimes contre l’Humanité. Elle doit aussi évoluer pour que tous les responsables d’actes de terrorisme, les auteurs, les complices, ceux qui fournissent des armes, ceux qui utilisent des moyens idéologiques, les financiers, les commanditaires, y compris les dirigeants en exercice, soient poursuivis, jugés et condamnés sans aucune forme d’immunité ou d’impunité. C’est dans ce but que les victimes et l’association se constituent parties civiles dans les procédures pénales instruites par les magistrats antiterroristes et jugées par les tribunaux français.

Nous veillons au respect des droits de la défense, mais nous permettons que, pour les victimes, qui ne sont pas « au cœur du procès », une juste et réelle place soit réservée, qu’elles aient des droits, qu’elles soient écoutées et entendues. Cette présence demande une préparation, une information et un accompagnement associatif et effectif tout au long des procédures. Les témoignages des victimes apportent une dimension humaine à ce type de procès où la société, les valeurs démocratiques et les magistrats sont contestés. Malheureusement, les réponses judiciaires ne sont pas à la hauteur de nos attentes et de nos espoirs.

Nous nous heurtons parfois à l’absence d’ouverture d’informations judiciaires, à des grâces présidentielles, à des amnisties, à des prescriptions, à des immunités accordées à certains auteurs d’actes de terrorisme, à des non-lieux, à des affaires classées sans suite, à des instructions judiciaires qui n’aboutissent pas faute de coopération judiciaire européenne et internationale et à des refus d’extradition au sein même de l’Union européenne.

Les instructions sont trop longues (40 ans pour l’attentat du Drugstore Saint-Germain, 34 ans pour celui de la synagogue de la rue Copernic, 32 ans pour celui de la rue des Rosiers, 30 ans pour les attentats pour lesquels « Carlos » a été condamné par la cour d’assises de Paris en 2012) et elles mettent parfois en jeu la raison d’État. Cette longueur s’explique faute de moyens mis à la disposition des enquêteurs et des magistrats. Pourtant, la lutte contre le terrorisme devrait s’intensifier dans le domaine du droit face aux enjeux qui menacent les démocraties et les populations civiles.

Les actions de prévention et de répression doivent être conçues à l’échelle mondiale. Tous les continents sont concernés par le terrorisme.

Après 10 ans de combat judiciaire mené par SOS Attentats contre les auteurs de l’attentat commis par six hauts fonctionnaires libyens, le 19 septembre 1989, contre un avion d’UTA (170 civils tués), l’association avait déposé plainte contre le colonel Kadhafi en tant que donneur d’ordre, mais, la Cour de Cassation a interrompu la procédure en accordant « au guide de la révolution » l’immunité, c’est-à-dire l’impunité… Les statuts de la Cour pénale internationale (CPI) excluent toujours le terrorisme de ses compétences.

Il faudrait une meilleure coopération européenne, mais aussi internationale. Le mandat d’arrêt européen ne suffit pas, il faudrait créer un parquet européen qui pourrait diriger des enquêtes transnationales et unifier les poursuites des auteurs et les incriminations. Les frontières judiciaires dans l’Union européenne devraient être totalement abolies. Le défi du terrorisme devrait fédérer dans la durée, au-delà de l’émotion, pour que justice soit rendue, pour que toutes les responsabilités soient établies. Les victimes continuent leurs combats, essaient de mobiliser l’opinion publique, lancent des appels aux pouvoirs publics, aux associations de défense des Droits de l’homme, mais elles se sentent souvent oubliées, incomprises, manipulées.

Pourtant, le terrorisme, c’est l’affaire de tous, c’est la responsabilité de chacun.

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