Conférence sur la sécurité de Munich : Appel du ministre des Affaires étrangères Lavrov à un nouvel ordre mondial pour contrer l’influence américaine en Europe

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Le discours du ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov lors de la 53e Conférence sur la sécurité de Munich contenait les éléments d’une nouvelle idéologie politique, que le président russe Vladimir Poutine s’efforce d’élaborer. L’Union soviétique a été bâtie sur les fondements d’une idéologie communiste cohérente. Toutefois, avec la chute de l’Union soviétique, la Russie est restée sans idéologie pour contrer le « nouvel ordre mondial » et, plus important encore, l’influence américaine en Europe occidentale et orientale. Comme l’a écrit le philosophe pro-Kremlin Alexandre Dugin : « Toute l’histoire russe est une argumentation dialectique avec l’Occident et la culture occidentale, une bataille pour l’affirmation (parfois conçue de manière intuitive uniquement) de sa propre vérité russe. » [1]

A présent, Poutine ne détient pas encore cette « vérité russe », car il tente toujours de définir les fondements d’une nouvelle idéologie. Toutefois, il apparaît clairement que la nouvelle idéologie en cours d’élaboration est basée sur le rejet de « l’ordre mondial libéral ». Pour le rejeter, la Russie doit empêcher les Etats-Unis/l’Occident d’exporter des valeurs libérales en instaurant le concept de « pragmatisme » en politique étrangère. Le pragmatisme est un outil destiné à protéger sa souveraineté et à éviter les révolutions de couleur, et par extension, l’influence américaine. Le directeur général du think-tank RIAC, financé par le gouvernement russe, Andrey Kortunov, a affirmé que l’accent mis par le Kremlin sur la « souveraineté » illustre « la crainte évidente de la pénétration des idéologies étrangères en Russie, plutôt que la volonté de promouvoir une autre idéologie universaliste à l’étranger ».[2] Toutefois, comme mentionné ci-dessus, l’accent mis sur la souveraineté peut être interprété comme un principe fondamental pour rejeter l’ordre libéral [qui règne] dans la politique actuelle, notamment concernant l’Europe occidentale et orientale ; et contrairement à Kortunov, Dugin considère que ce différend avec le libéralisme n’est nullement un fondement erroné pour bâtir une nouvelle idéologie. Extraits du discours de Lavrov :

Le discours de Poutine en 2007 


Le discours du ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov à la 53e Conférence sur la Sécurité de Munich (MSC) a fait écho au discours du président russe Vladimir Poutine prononcé dix ans auparavant, lors de la 43e MSC. De fait, Lavrov a mentionné la manière dont le discours de Poutine, remettant en cause l’establishment de l’après-Guerre froide, décrit encore la réalité dans laquelle nous vivons.[3] Dans son discours de 2007, Poutine a souligné le danger d’un monde unipolaire, affirmant : « La Guerre froide nous a laissé des munitions, métaphoriquement parlant », comme « les stéréotypes idéologiques, les doubles standards et d’autres aspects caractéristiques de la pensée fondée sur la logique des blocs de la Guerre froide ». Concernant l’expansion de l’OTAN,  Poutine a déclaré : « Je pense qu’il est évident que l’élargissement de l’OTAN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance en elle-même ou avec le maintien de la sécurité de l’Europe. Au contraire, il représente une grave provocation qui diminue le niveau de confiance mutuelle. Et nous avons le droit de demander : contre qui est dirigé cet élargissement ? Et qu’est-il arrivé aux assurances que nos partenaires occidentaux avaient données après la dissolution du Pacte de Varsovie ? Où sont ces déclarations aujourd’hui ? Personne ne s’en souvient plus. » [4]

Lavrov : « L’ordre mondial postérieur à la Guerre froide a pris fin »

Dix ans plus tard, Lavrov a déclaré que cet ordre mondial postérieur à la Guerre froide « a pris fin », car les institutions de la Guerre froide, dont l’OTAN fait partie, n’ont pas réussi à s’adapter aux nouvelles réalités. L’élargissement de l’OTAN a créé « un niveau de tensions en Europe jamais observé au cours des trente dernières années ». Il a ensuite ajouté : « On dit que les guerres commencent dans la tête des gens, mais selon cette logique, c’est aussi dans la tête des gens qu’elles doivent prendre fin. Ce n’est pourtant pas le cas avec la Guerre froide. Certaines déclarations de politiciens en Europe et aux Etats-Unis semblent confirmer cela particulièrement clairement. »

Dans son discours, Lavrov a également réfuté les allégations selon lesquelles la Russie tenterait de saper le dénommé « ordre mondial libéral », qui a triomphé du communisme après l’effondrement de l’Union soviétique. Toutefois, dans le même temps, il a souligné le fait que la Russie rejetait « l’ordre mondial libéral », qu’il a défini comme un modèle qui a fait son temps, devenant simplement « un instrument pour assurer la croissance d’un club de pays d’élite et sa domination sur tous les autres ». [Notons, comme mentionné ci-dessus, que Lavrov a ouvert son discours en affirmant que l’ordre mondial d’après la Guerre froide, à savoir « l’ordre mondial libéral », a pris fin]. Il a ensuite exhorté les dirigeants dotés d’ « un sens des responsabilités » à choisir un « ordre mondial post-occidental », dans lequel chaque pays développera sa propre « souveraineté » dans le cadre du droit international, en respectant l’identité de chacun.

Le pragmatisme comme moyen pour protéger la souveraineté

Le concept de « souveraineté » est revenu, lorsque Lavrov a discuté des relations entre la Russie et les Etats-Unis. Lavrov a affirmé que Moscou désirait que ces relations soient fondées sur le pragmatisme. Il a expliqué la signification de relations « pragmatiques », lors d’une conférence de presse du 17 janvier 2017, en affirmant qu’en 2016, le monde avait assisté à un affrontement entre le pragmatisme et le « messianisme » en politique étrangère.[5] Lavrov a défini le messianisme comme « l’aspiration à diffuser des valeurs dans le monde », à se conformer à une interprétation qui a évolué et s’est développée au sein d’un groupe de pays en Occident. Le messianisme ne respecte pas la souveraineté et les identités des différents pays, mais souhaite leur imposer les valeurs de l’ordre mondial libéral que Lavrov considère comme corrompues. Lavrov a fait remarquer que ces valeurs avaient peu en commun avec celles que les « grands-parents des Européens d’aujourd’hui ont épousées, mais quelque chose de nouveau et de modernisé, une mêlée générale », les dénigrant ensuite comme des valeurs « post-chrétiennes ». Il a souligné le fait que ces valeurs post-chrétiennes incluent la « permissivité et l’universalité des approches libérales de la vie de l’individu » qui sont « indécentes sur le plan humain ».

Dans ses remarques lors de l’Heure du Gouvernement à la Douma d’Etat de l’Assemblée fédérale, le 25 janvier 2017, Lavrov a expliqué : « L’état actuel des affaires internationales est dans une large mesure attribuable à la décision des adeptes du concept obsolète d’hégémonie unilatérale de maintenir leur domination mondiale à tout prix et d’imposer leurs valeurs pseudo-libérales à tous les niveaux, sans tenir compte de la diversité culturelle et civilisationnelle du monde actuel. Jamais auparavant les principes d’autodétermination et de respect des droits de l’homme n’ont été utilisés si cyniquement pour couvrir l’expansion politique et économique. » [6]

Contrairement à l’Occident, Moscou a fait le choix du pragmatisme, fondé sur les intérêts fondamentaux de la Russie. Ces intérêts consistent à assurer que le bien-être des citoyens russes s’améliore, et que l’économie et le secteur social de la Russie se développent régulièrement « dans une atmosphère de sécurité ».[7] Comme l’a expliqué Lavrov devant la Douma, dans le cadre de relations pragmatiques, toute interférence dans les affaires souveraines des autres pays sans leur autorisation est interdite. Et il a expliqué que c’était « l’exportation des valeurs » et la « volonté de n’accepter que la conception européenne des choses » [à savoir le messianisme] qui avaient déclenché la crise en Ukraine,  et conduit au « dénommé ‘Printemps arabe’ » lequel, à son tour, a déclenché « l’importation de migrants en Europe » [8]. Soulignant le concept de pragmatisme, comme principe de respect de la souveraineté, Lavrov a expliqué devant la Douma : « Nous sommes prêts à construire des relations avec les Etats-Unis, l’Union européenne et l’OTAN, fondées sur les principes d’égalité, de prise en compte des intérêts de chacun, de respect mutuel et, je le répète, sans importer de valeurs ou tenter de nous imposer des valeurs, d’autant plus à présent que – comme l’indiquent les dernières guerres de l’information – ces valeurs ou pseudo-valeurs ont déjà été sérieusement discréditées… » Il convient d’observer que la conception de la politique étrangère approuvée par Poutine en novembre 2016 soulignait également l’engagement de la Russie envers une politique étrangère pragmatique, en spécifiant que cette conception reflète « le rôle unique que la Russie a joué pendant des siècles en tant que contrepoids dans les affaires internationales » à l’égard de l’Occident. [9]

Les relations Russie-UE

Lavrov a ensuite abordé les relations entre la Russie et l’Union européenne. Il a réitéré sa conception de l’identité russe eurasienne développée dans son livre La politique étrangère russe : contexte historique (publié le 3 mars 2016), soulignant le fait que la Russie avait joué un rôle important dans le façonnement de l’histoire européenne et des politiques européennes contemporaines.[10] Dans ses ouvrages, Lavrov a écrit que, contrairement à la croyance répandue en Occident, selon laquelle la Russie serait un outsider politique en Europe, elle fait partie intégrante du contexte européen, ajoutant que si, au cours de l’histoire, la puissance de la Russie avait été entravée par les pays européens, la géographie de l’Europe, et ses interconnexions historiques et intrinsèques avec la Russie, signifiaient que la première devra toujours tenir compte de la seconde. Dans son discours, Lavrov a affirmé que malgré « les millions de citoyens soviétiques qui ont sacrifié leur vie pour la liberté de l’Europe », l’UE est incapable de « rassembler une force suffisante et de renoncer à sa politique russe fondée sur le principe du plus petit dénominateur commun, dans lequel les intérêts fondamentaux et pragmatiques de ses Etats-membres sont sacrifiés sur l’autel des spéculations russophobes ».

Lire le rapport dans son intégralité en anglais

Acerca de MEMRI

El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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