Récemment, on a pu observer des signes de rapprochement entre l’Egypte et le Hamas, dont la visite de responsables du Hamas au Caire début février 2017 [1], le ton plus conciliant adopté par les responsables du Hamas vis-à-vis de l’Égypte et un relâchement des restrictions touchant les Palestiniens au niveau du passage frontalier de Rafah [2]. Dans le même temps, le responsable du Hamas Izzat Al-Rishq a précisé que le réchauffement des relations entre le Hamas et l’Égypte ne se ferait pas au détriment des relations du mouvement avec d’autres parties (c’est-à-dire d’autres pays arabes ou musulmans, et notamment l’Iran). [3] L’Egypte, pour sa part, n’a fait aucune concession dans sa guerre contre les tunnels de contrebande entre Gaza et l’Egypte, continuant de les inonder et de les dynamiter, des mesures qui ont déjà fait plusieurs morts et blessés parmi les activistes à l’oeuvre à l’intérieur des tunnels.
Le 17 janvier 2017, l’armée égyptienne a ainsi démoli six tunnels et, le 25 février, elle en a démoli un autre dans une opération qui a fait trois morts. Le Hamas a réagi par une déclaration condamnant ces actions, précisant que « rien ne justifie le recours continu de l’Egypte à une politique dangereuse pour la population assiégée de la bande de [Gaza] » et que l’Égypte « doit ouvrir le passage de Rafah de manière permanente afin de mettre fin aux souffrances de Gaza et de ses habitants ». La déclaration ajoute que « c’est le droit de notre peuple de vivre dans la dignité et la liberté comme les autres peuples du monde ; la communauté internationale doit intervenir pour mettre fin à ce siège répressif. » [4]
Suite à la découverte de nombreux tunnels par l’armée égyptienne, plusieurs articles condamnant le Hamas pour la contrebande d’armes, de fonds et le transfert de terroristes par les tunnels ont paru dans le quotidien égyptien indépendant Al-Masri Al-Yawm, ces manoeuvres mettant en danger la sécurité de l’Egypte. Parmi ceux à avoir abordé le sujet, on compte le propriétaire du quotidien, Salah Al-Diab, et l’auteur et historien égyptien Abbas Al-Tarabili. Extraits :
L’éditeur d’Al-Masri Al-Yawm : Les tunnels sont devenus une pomme de discorde majeure entre le Hamas et les gouvernements égyptiens
Salah Al-Diab écrit : « Le Hamas a inventé les tunnels et les a utilisés pour en profiter, lui plutôt que les Palestiniens de Gaza. Les tunnels sont devenus une pomme de discorde majeure entre le Hamas et les gouvernements égyptiens, discorde qui a culminé lorsque l’Égypte a découvert que les tunnels étaient utilisés à la contrebande d’armes, de terroristes et de fonds… Le Hamas engrange des bénéfices considérables de la contrebande, jusqu’à 20 000 dollars par jour. L’Egypte, pour sa part, a détruit 5 000 tunnels et a été obligée de construire une barrière de fer, de 10 km de long et de 20 à 30 mètres de profondeur, d’un coût de 2 milliards de dollars. C’est une barrière de 50 cm d’épaisseur, résistante aux explosifs. Elle contient également un conduit d’eau de mer de 10 km , avec des ouvertures tous les 30 à 40 mètres, afin de créer des fissures dans tout tunnel susceptible d’être creusé. » [5]
Un historien égyptien : « Chaque jour, on apprend l’existence d’un nouveau tunnel qui amène la mort à notre peuple et à notre Etat »
L’auteur et historien égyptien Abbas Al-Tarabili a également publié un article dans Al-Masri Al-Yawm dénonçant les agissements du Hamas. Il affirme que, tout en justifiant sa présence à la frontière égyptienne par la prétendue prévention du creusement de tunnels, le Hamas ne fait pas assez pour mettre fin à ce phénomène menaçant pour la sécurité égyptienne. Et d’ajouter qu’en réalité, l’organisation en tire profit en taxant les marchandises qui y transitent. Il appelle les autorités égyptiennes à poursuivre leur politique ferme à l’égard les tunnels, à exiger du Hamas qu’il révèle leur emplacement et à faire de la destruction des tunnels une condition sine qua non aux efforts égyptiens pour parvenir à la réconciliation intra-palestinienne, ainsi qu’une condition à l’ouverture du passage de Rafah.
Al-Tarabili écrit : « Combien de temps encore l’Egypte fera-t-elle preuve de patience avec les frères palestiniens qui nous poignardent [dans le dos ?]… Chaque jour, nous découvrons à notre réveil un nouveau tunnel qui tue notre peuple et notre Etat. Est-ce là notre destin ? Sans vouloir nous vanter d’avoir accordé la grâce à qui que ce soit, nous avons, plus que quiconque, aidé les Palestiniens dans leurs agonies qui durent depuis près d’un siècle. Oubliez tous les arguments de ceux qui prétendent défendre les Palestiniens, et ils sont nombreux ; en toute honnêteté, ceux qui font commerce du problème palestinien sont [tout aussi] nombreux. »
« Selon le porte-parole de l’armée égyptienne, la Garde des frontières égyptienne a [récemment] découvert un grand tunnel au nord du Sinaï, manifestement différent des nombreux petits tunnels. Il est regrettable que cela se produise alors que l’Egypte essaie de réunir les factions belligérantes palestiniennes, notamment le Fatah et le Hamas. Le Caire accueille leurs représentants pour qu’ils se rencontrent et pour unir toutes les forces palestiniennes qui aspirent au pouvoir. Plus étrange encore : immédiatement après leur retour à Gaza, voilà que les dirigeants du Hamas affirment qu’ils n’autoriseront pas d’ingérence [dans les affaires] de sécurité nationale égyptienne ; la farce atteint son comble lorsque nous découvrons de nombreux tunnels. Le Hamas annonce le renforcement de la présence sécuritaire de son côté [de la frontière]… comme s’il ignorait que tous ces tunnels sont creusés pour que ses hommes puissent gagner Rafah du côté égyptien avec des armes et des formateurs à l’attention des rebelles du Sinaï, et pour obtenir des produits alimentaires subventionnés d’Egypte et les vendre côté palestinien contre des shekels israéliens. Il y a aussi le problème persistant de la contrebande de stupéfiants et de cigarettes [vers l’Egypte]. »
« A ce sujet, toutes les personnalités nationales respectables et moi-même pensons qu’il faut adopter une politique de réciprocité : si [l’Égypte] a éloigné les résidents de Rafah, côté égyptien, de la frontière pour leur propre sécurité et payé un prix lourd pour cela, [6] pourquoi le Hamas – qui a le contrôle exclusif de la bande de Gaza, y compris de Rafah, côté palestinien – n’évacue pas ses résidents de la frontière pour éviter qu’ils ne creusent des centaines de tunnels pour faire commerce des vies et des moyens de subsistance des Égyptiens ? Aucun des [résidents de Gaza] ne peut même tousser sans que le Hamas le sache, alors ne parlons pas de creuser des tunnels ! La raison pour laquelle le Hamas n’agit pas en ce sens est qu’il bénéficie de ces tunnels en facturant des droits et des taxes, et perçoit certains profits des marchandises qui y sont transportées. Il ne suffit pas d’annoncer le renforcement de ses patrouilles à la frontière ; le Hamas doit aussi nous envoyer des cartes des tunnels. »
« Si [le Hamas] ne peut pas contrôler les entrées de tunnel de son côté, pourquoi ne pas nous permettre de collaborer pour révéler l’emplacement des tunnels et détruire chaque tunnel qui s’ouvre de son côté ? Je crois que l’Egypte devrait lier ses efforts de réconciliation des parties palestiniennes à la révélation de l’emplacement des tunnels – ce qui signifie que le Hamas doit coopérer avec nous pour lutter contre ces tunnels, en échange de quoi nous continuerons à promouvoir la réconciliation… Le Hamas devrait faire un geste et coopérer avec nous contre le terrorisme, et surtout les tunnels, car la plupart des armes passées en contrebande dans ces tunnels sont destinées à être utilisées contre nous. En fait, l’Egypte devrait officiellement annoncer qu’elle met fin à toute tentative de réconciliation [entre les factions palestiniennes] tant que le Hamas n’aura pas répondu à la demande légitime de l’Égypte. Nous devons conditionner l’ouverture du passage de Rafah, et des passages de marchandises au sud de celui-ci, à la destruction des tunnels de leur côté. Et ne nous parlez pas de l’aspect humanitaire, [des gens] des deux côtés du passage et de ceux qui requièrent des soins médicaux. Comme le dit l’adage : ‘si le vent entre par la porte , fermez-la et reposez-vous’ »…
« Nous exigeons une mesure décisive, et non de la part du Hamas. Une démarche encore plus décisive s’impose. Nous devons cesser d’enfouir nos têtes dans le sable. » [7]
Lien vers le rapport en anglais
Notes :
[1] Al-Quds (Jérusalem), 4 février 2017.
[2] Palinfo.com, 6 mars 2017.
[3] Amad.ps, 8 février 2017.
[4] Palinfo.com, 25 février 2017.
[5] Al-Masri Al-Yawm (Egypte), 17 mars 2017.
[6] Dans le cadre de la lutte contre les tunnels, en octobre 2014, l’Égypte a démoli les maisons des habitants de Rafah et les a relocalisés à une plus grande distance de la frontière.
[7] Al-Masri Al-Yawm (Egypte), 22 février 2017.
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