De hauts dignitaires religieux saoudiens : il faut intégrer les femmes dans l’establishment religieux

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Récemment, des débats ont eu lieu en Arabie saoudite sur la désignation de femmes à des postes liés aux institutions religieuses, comme émettre des fatwas et occuper le poste de juges religieux (qadis).

Dans son émission du mois du Ramadan sur la chaîne télévisée Al-Majd, Abdallah Al-Mutlaq, membre du Conseil saoudien des oulémas, a appelé le Grand Mufti d’Arabie saoudite à nommer des femmes muftis pour trancher des questions féminines de droit religieux. De la sorte, a-t-il affirmé, elles pourront être très utiles aux muftis de sexe masculin. Il a déclaré qu’aujourd’hui, certaines femmes sont versées dans le droit musulman et peuvent aider dans ce domaine, soulignant que les femmes de sa propre famille l’aident régulièrement à rendre des décisions sur ces questions.

Il convient d’observer qu’il y a deux ans déjà, un autre membre du Conseil, Abdallah Al-Muni, avait déclaré qu’il n’existait aucun obstacle légal empêchant les femmes d’être désignées comme muftis, ou même comme membres du Conseil des oulémas, sous réserve qu’elles possèdent les qualifications requises pour ces postes et qu’il n’y ait pas de mixité.


En juin 2018, les membres du Conseil de la Choura saoudien Dr Latifa Al-Shalan, Dr Faisal Aal Fadl et Atta Al-Sabiti ont recommandé d’autoriser les femmes à siéger comme juges religieux, observant que cela était compatible avec le programme saoudien Vision 2030 du prince héritier Mohammed Ben Salman, qui inclut la valorisation des femmes de son pays. Selon eux, une telle mesure est nécessaire en raison de la pénurie de juges religieux dans le royaume.[1]

Plusieurs articles dans les médias saoudiens ont récemment appelé à nommer des femmes à différents postes au sein des institutions religieuses. Selon ces articles, les justifications religieuses à l’exclusion des femmes de ces postes n’étaient pas fiables, et même à l’époque du prophète Mahomet, des femmes étaient juges et émettaient des fatwas. De même, que la nomination de femmes à des fonctions religieuses influerait sur la nature des décisions rendues, car celles-ci ne se limiteraient plus à un point de vue masculin, ce qui modifierait toute l’approche de la société envers les femmes et leur statut.[2]

Le présent rapport se focalise sur les appels à la désignation de femmes à des fonctions religieuses en Arabie saoudite. 

Un membre du Conseil des oulémas saoudien : il faut nommer des femmes muftis pour traiter les questions liées à la menstruation et à l’accouchement

Dans son émission sur Al-Majd TV, Abdallah Al-Mutlaq, membre du Conseil des oulémas saoudien a appelé le Grand Mufti saoudien à nommer des femmes muftis pour statuer sur les questions religieuses liées aux femmes. Il a déclaré : « Je demande à Son Honneur le Mufti d’engager dans les universités des femmes expertes dans le domaine de la charia, telles que l’université islamique Imam Muhammad Ibn Saud et l’université Umm Al-Qura et d’autres, afin de nous épargner de devoir répondre à des questions sur des sujets concernant la menstruation et le flux de sang suite à un accouchement. Cela en raison du fait qu’une femme experte en droit musulman est indubitablement plus versée [dans de telles questions] que nous [hommes religieux], et par conséquent, les femmes intéressées à poser des questions de religion devraient pouvoir [en parler] avec des personnes du même sexe, plus discrètement, librement et ouvertement… »

« Mes filles et épouses… m’aident et me facilitent [la prise de décisions] sur ces questions. Selon moi, les femmes sont gênées de poser certaines questions liées à leurs problèmes religieux personnels. [Le sujet de] la menstruation est à lui seul lié aux trois piliers de l’islam : la prière, le jeûne et le pèlerinage. En outre, une femme révèlera plus de détails à une femme [mufti] qu’à un homme mufti… Pour cette raison, j’appelle le [Grand] Mufti à embaucher des femmes, même à temps partiel, [mais] à les engager sous contrat, pour qu’elles bénéficient d’une description [de poste] officielle… »

« Dans le passé, lorsque nous ne disposions pas de dignitaires religieux de sexe féminin, nous pensions être obligés [de trancher sur les questions relatives aux femmes]. Mais aujourd’hui, nous disposons d’un grand nombre de sœurs et de filles dévouées et compétentes qui sont expertes dans le domaine du droit musulman. » [3]

Un autre dignitaire du Conseil : il n’existe aucun obstacle légal ou religieux à nommer des femmes muftis

Il y a deux ans déjà, le membre du Conseil des dignitaires religieux Abdallah Al-Muni avait exprimé son soutien à la désignation de femmes muftis. Dans une interview en 2016, il avait déclaré au quotidien saoudien Okaz qu’une femme « peut émettre des fatwas, à condition de posséder les aptitudes requises. De nombreux Compagnons du Prophète n’ont-ils pas fait appel à Aïsha [épouse de Mahomet] pour lui demander son avis religieux, car elle était dotée de connaissances religieuses et d’une certaine compréhension en la matière, et était capable de trancher des questions religieuses selon son propre jugement ? Je n’ai aucune objection à ce que [des femmes émettent des fatwas]. [Même les épouses du prophète Mahomet] Aïsha et Hafsa, et plusieurs des femmes parmi les Compagnons du Prophète exprimaient leurs avis en droit religieux sur des questions tant générales qu’individuelles. »

Dans la même interview, Al-Muni a exprimé son soutien à l’introduction de femmes au sein du Conseil des oulémas : « Il est inapproprié de limiter les pouvoirs des femmes. Fondamentalement, elles sont comme les hommes, comme l’a dit le Prophète : ‘Les femmes sont les sœurs des hommes’, et les hommes et les femmes ont aussi des traits spécifiques… En conséquence, il ne semble pas qu’il existe le moindre obstacle légal ou religieux à ce que [des femmes] deviennent membres du Conseil des oulémas et expriment leurs opinions… tant qu’il n’existe pas de mélange des genres. A savoir, elle devra siéger dans un endroit spécial à proximité de la salle des [dignitaires] et exprimer son opinion si elle est qualifiée pour ce faire. » [4]

Un auteur saoudien : nommer des femmes muftis enrichira l’interprétation religieuse d’un point de vue féminin

Dans son éditorial publié dans le quotidien saoudien Al-Watan, Sattam Al-Megren a écrit : « Ceux qui s’opposent à la désignation de femmes comme juges religieux et muftis se fondent sur le hadith selon lequel ‘les personnes qui sont dirigées par une femme ne seront jamais couronnées de succès’. Ils se fondent sur le fait que les mots ‘personnes’ et ‘femme’ sont indéfinis et figurent dans une phrase négative, [pour en conclure] qu’à aucun moment une femme ne peut être en position d’autorité… [Ils parviennent à cette conclusion] alors que ce hadith, selon sa lettre, ne vise pas à exprimer une [opinion générale], mais à se prononce [strictement sur la question du] décès du roi de Perse [5]… et qu’il ne constitue donc pas une décision générale interdisant la nomination de femmes à de tels postes… »

« Je crois que de nombreux cheikhs [souffrent] aujourd’hui d’une stagnation de la pensée, car ils suivent les traces des [cheikhs] d’antan, malgré les changements modernes qui sont intervenus dans la société actuelle. Quelques cheikhs, malheureusement, traitent les problèmes actuels avec les idées d’hier, et ne parviennent pas pour la plupart à traiter [comme il convient] les problèmes de la société contemporaine… »

« Sans se prononcer sur la fiabilité du hadith selon la chaîne des narrateurs, ou sur la confiance accordée à ce hadith ou à d’autres, il existe un autre critère sur lequel se fondent les cheikhs traitant de hadiths : ils en comparent le contenu à ce qui est écrit dans le Coran… [Dans ce cas], il n’y a pas de soutien dans le Coran à ce hadith – [au contraire,] le Coran relate l’histoire de la reine de Saba, fait son éloge et la dépeint comme possédant une certaine expérience politique et agissant logiquement. Néanmoins, des prédicateurs en doutent et soutiennent qu’elle a vécu dans l’erreur et dans l’incroyance… Toutefois, ceux qui lisent attentivement les versets constatent que la reine de Saba a réussi à libérer son peuple de l’oppression et l’a ramené de la déviation vers le droit chemin – à la différence des hommes, comme Pharaon, Nimrod et leurs semblables… »

« J’ai lu dans des livres d’histoire et de biographies sur le prophète Mohammed que la plupart des femmes parmi les Compagnons du Prophète ont émis des fatwas. Les plus connues d’entre elles étaient la mère des croyants, Aïsha,[6] la mère des croyants Safiyya, Umm Habiba, Asmaa la fille d’Abou Bakr, Umm Sharik, Umm Al-Dardaa, Aïsha fille de Zayid, et encore beaucoup d’autres. Il est établi que les femmes peuvent émettre des fatwas. Il est possible d’extrapoler qu’elles peuvent également être juges, car dans ces deux domaines, les décisions sont prises en fonction du droit religieux [islamique]. »

« Les femmes ont le droit d’entrer dans le domaine des décisions et des jugements religieux afin de formuler leur proche perception vis-à-vis de la religion et de ses lois – car il serait inapproprié de restreindre l’interprétation religieuse à la seule perception masculine. Sur ce fondement, l’on peut dire qu’il est possible d’interpréter les textes religieux selon une perception féminine, et ce faisant, d’influencer la perception des cheikhs, des dignitaires religieux et de [l’ensemble] de la société à l’égard des femmes. » [7]

Une femme universitaire : les femmes sont identiques aux hommes et ne doivent pas être exclues des rôles religieux

Dr Hotoon Al-Fasi, universitaire saoudienne et militante des droits droits des femmes qui a récemment critiqué la manière dont le décret royal autorisant les femmes à conduire a été appliqué,[8] et a par la suite été arrêtée, a appelé à la promotion des femmes dans le domaine religieux également. Elle écrit : « A travers l’histoire, nous avons assisté à un monopole masculin à l’égard des postes de pouvoir dans la hiérarchie religieuse, qui a engendré une tradition d’approbation [religieuse] de l’exclusion des femmes des postes de prise de décision. Cela s’est fait en diffusant des hadiths peu fiables et non reconnus, qui contredisent le Coran, tels [les hadiths utilisés pour justifier] l’exclusion des femmes de l’étude pendant des siècles, dans de nombreux endroits du monde musulman. En conséquence, les postes [de pouvoir dans la hiérarchie religieuse] sont devenus la stricte propriété des hommes. Ces postes ont acquis une [aura] de sainteté et ils semblent risquer d’être désacralisés, s’ils étaient approchés par une femme. »

« Je ne pense pas que quiconque contestera que les femmes, comme les hommes, ont reçu le message de l’islam, et aussi qu’elles sont liées par lui. En conséquence, [je pense] qu’il n’est pas opportun que les femmes soient exclues des fonctions religieuses et des fonctions d’organisation [au sein de la hiérarchie religieuse], après avoir entendu et vu les propos du cheikh Abdallah Al-Mutlaq, membre du Conseil des oulémas, demandant au Grand Mufti du royaume Abd Al-Aziz Aal Al-Sheikh d’autoriser la nomination de femmes muftis au Conseil des oulémas, dans son émission télévisée du mois de Ramadan 1439. Je crois que nous ne devrons pas attendre très longtemps avant que ces demandes ne soient acceptées et que nous voyons une femme dans le corps judiciaire. » [9]

Lien vers le rapport en anglais

Notes :

[1] Okaz (Arabie saoudite), 9 juin 2018.

[2] Al-Watan (Arabie saoudite), 26 juin 2018.

[3] Twitter.com/News_Sa24, 11 juin 2018. Il convient de noter que, tout en appelant à la désignation de femmes muftis et en soutenant d’autres droits des femmes, Al-Mutlaq s’est récemment opposé à l’abolition du système de tutelle des hommes en Arabie saoudite. Lors d’une émission sur la Première chaîne télévisée saoudienne, il a affirmé que la demande d’abolition de la tutelle était « contraire à la charia ». Il a expliqué que les maris étaient comme des directeurs d’école, alors que les femmes sont comme des directrices adjointes, et qu’il était inconcevable que le directeur adjoint ait une compétence égale à celle de son chef. Akhbaar23.com, 1er juillet 2018.

[4] Okaz (Arabie saoudite), 30 juin 2016.

[5] Selon le hadith, le Prophète a prononcé ces mots après avoir été informé que les Perses avaient nommé une fille du roi Kisra pour régner sur eux après sa mort.

[6] Chaque épouse du prophète Mahomet était qualifiée de « Mère des croyants ».

[7] Al-Watan (Arabie saoudite), 26 juin 2018.

[8] Voir Dépêche spéciale de MEMRI n° 7530, Female Saudi Columnist Who Has Obtained Saudi Driver’s License: The King Allows Women To Drive – But The Kingdom Is Slow In Making The Necessary Arrangements, 19 juin 2018.

[9] Al-Riyadh (Arabie saoudite), 15 juin 2018.

Acerca de MEMRI

El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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