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La militante saoudienne des droits des femmes Nassema Al-Sada a appelé l’État à prendre des décisions « qui entraîneront un changement qualitatif dans la vie des femmes » et amèneront à reconnaître que « la femme est une citoyenne égale dotée de maturité mentale ». La question de la tutelle des femmes a été discutée dans un débat télévisé diffusé sur Rotana Khalijiya le 30 octobre 2016. Une autre militante, Aziza Al-Youssef, a raconté le cas d’une femme « qui aurait pu mourir » car l’hôpital ne trouvait pas son mari qui devait approuver sa césarienne. « L’Etat considère toujours la femme comme inférieure et non pleinement apte », a-t-elle affirmé.
Extraits :
L’activiste saoudienne Aziza Al-Youssef : La question de la tutelle est beaucoup plus simple que celle [de la conduite pour les femmes], car ce sont des mécanismes qui ont été introduits dans le système étatique en 1980. Ils ont été inventés. Ils n’existaient pas avant. En 1970, par exemple, il n’y avait pas de portes fermées [séparant les hommes des femmes] à l’Université King Saud. Les étudiantes pouvaient s’inscrire toutes seules, sans avoir besoin de l’approbation de leur tuteur. À partir de 1981, la situation a commencé à changer. […] Depuis la création du Royaume d’Arabie saoudite et jusqu’en 1981, n’étions-nous pas une société musulmane ? Sommes-nous soudainement devenus une société musulmane ? Certainement pas. Ils ont commencé à inventer toutes sortes de lois.
Journaliste : Pourquoi ?
Aziza Al-Youssef : Ils ont dit que c’était pour répondre aux [revendications de] la société, mais la société était opposée à tout cela, et pourtant elles ont été imposées. C’étaient toutes des lois gouvernementales.
Journaliste : L’attribuez-vous à l’extrémisme religieux qui a vu le jour dans les années 1980 ?
Aziza Al-Youssef : Je l’attribue à de nombreux facteurs, dont l’extrémisme religieux, mais au bout du compte, il s’agit d’arrêtés gouvernementaux. […] Il existe de nombreuses lois de ce type – dans les hôpitaux, par exemple, pour les opérations. Je connais le cas d’une femme qui a accouché par césarienne. Ils avaient besoin de la signature de son tuteur, son mari. C’était à l’Hôpital des Forces de Sécurité. Son mari l’avait déposée et était reparti. La femme avait des contractions. Le mari était occupé et il est reparti en voiture. Ils ne voulaient pas procéder à l’opération. Ils avaient besoin de la signature du mari. La femme aurait pu mourir. Après plusieurs interventions, qui ont duré quatre heures, un autre homme a signé, et ils ont opéré. Pourquoi tout cela est-il arrivé ? Car le mari doit approuver la césarienne.
Journaliste : C’est ainsi pour toutes les opérations, ou y a-t-il des accommodements ?
Aziza Al-Youssef : Non, c’est ainsi seulement dans certains cas. Comme les césariennes, et tout ce qui concerne les naissances.
Journaliste : Pour les césariennes, la signature du mari est requise ?
Aziza Al-Youssef : Aujourd’hui, le ministère de la Santé dit qu’ils n’ont pas besoin de la signature du tuteur ; toutefois il ne punit pas [les hôpitaux] qui l’exigent. Les hôpitaux publics exigent la signature du tuteur pour se protéger. On part toujours du principe que la femme n’est pas pleinement apte, qu’elle ne peut assumer ses propres dépenses, qu’elle n’a pas la capacité de prendre ses propres décisions et que l’homme doit l’aider à prendre des décisions. C’est un problème. La perception de la femme comme étant un être inférieur doit changer. Le changement doit se faire au niveau institutionnel. Peu m’importe ce que pense la société.
L’activiste saoudienne Nassema Al-Sada : À mon avis, la femme saoudienne, en tant que citoyenne… Nous ne vivons pas dans une jungle. Il est du devoir de l’Etat de protéger ses citoyens, et l’Etat doit protéger les femmes. Et si la femme est soumise à la violence de son tuteur lui-même ? Qui est responsable de sa protection ? Le système de tutelle enchaîne la femme plus qu’il ne la protège. Nous ne vivons pas dans une jungle. […] Lorsqu’une femme commet une transgression et va en prison – pour quelque raison que ce soit – elle ne peut être libérée que si un tuteur vient la récupérer. Si son tuteur est en colère contre elle, s’en lave les mains et refuse de la recueillir, elle reste en prison et ne peut en sortir.
Journaliste : Même si elle a terminé de purger sa peine ?
Nassema Al-Sada: Même dans ce cas. Elle est donc punie deux fois. […] Il me semble que bien que les femmes aient fait entendre de nombreuses revendications, il n’y a pas eu beaucoup d’accomplissements. C’est là que se situe le fossé. Je crois que la société est plus progressiste que les régimes existants, et non l’inverse.
Journaliste : Les gens disent que la société n’est pas prête…
Nassema Al-Sada : À mon avis, c’est l’inverse. La société est plus progressiste que les régimes existants et elle veut aller de l’avant, mais les régimes freinent ce progrès. […]
Nous attendons des décisions qui entraîneront un changement qualitatif dans la vie des femmes, afin qu’elles puissent participer, de manière naturelle et égale, au service de la société et à son développement.
Journaliste : Pensez-vous qu’un dialogue national soit nécessaire sur les questions relatives aux femmes, non pas un dialogue entre libéraux et islamistes, mais entre hommes et femmes ?
Nassema Al-Sada : Il y a eu un dialogue national sur la question des femmes. Je ne pense pas que nous ayons besoin d’un tel dialogue. Nous avons besoin d’une décision.
Journaliste : Ne pensez-vous pas que vous devriez convaincre les hommes de vos droits ?
Nassema Al-Sada : Il n’est pas nécessaire qu’il soit convaincu de mes droits et qu’il me les accorde. Ce sont là mes droits fondamentaux et divins avec lesquels je suis née. Nul n’est en droit de me refuser ces droits, ni un tuteur ni un décisionnaire. Les droits sont non-négociables. […]
Nous avons besoin d’un vrai changement. Nous devons traiter la maladie, non les symptômes. Malgré nos efforts pour traiter certains symptômes, la maladie est toujours présente, même si nous essayons de la cacher. Ce dont nous avons besoin, par conséquent, c’est de la reconnaissance explicite et claire du fait que la femme est une citoyenne égale dotée de maturité mentale. Cela doit devenir le point de vue dominant, et quiconque ne traite pas les femmes de la sorte devrait être passible de mesures punitives prévues par la loi.
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