Francia – Soral, el odio y la ley

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En octobre 1947, le journal pétainiste L’Époque publie une enquête intitulée “La médecine française envahie par les métèques”. En se défendant d’avoir des motivations xénophobes ou racistes, l’auteur de l’enquête de 1947 cible très précisément les Juifs originaires d’Europe de l’Est en prenant bien soin de ne pas les nommer.

Publié dans Le Monde le 22 mars 2018, par Emmanuel Debono

En octobre 1947, le journal pétainiste L’Époque publie une enquête intitulée « La médecine française envahie par les métèques ». Les articles qui la composent s’inscrivent dans la continuité de la dénonciation de la « pléthore médicale », en vogue dans les années 1930 : une vague de protestation nationaliste s’était alors élevée contre les médecins étrangers, parmi lesquels une forte proportion de Juifs. En se défendant d’avoir des motivations xénophobes ou racistes, l’auteur de l’enquête de 1947 cible très précisément les Juifs originaires d’Europe de l’Est en prenant bien soin de ne pas les nommer.

L’anti-France en embuscade


Depuis le rétablissement de la législation républicaine en 1944, le décret-loi Marchandeau (21 avril 1939) est à nouveau susceptible d’être appliqué, « lorsque la diffamation ou l’injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, aura eu pour but d’exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants ». Écrivant sous pseudonyme, l’auteur joue sans grande subtilité avec la loi : « Je ne les nomme pas parce que ces messieurs sont susceptibles et qu’ils sont privilégiés et tabous au point qu’ils considèrent comme une provocation le simple fait de les nommer. » (22 octobre 1947) Il évoque donc « une nuée de sauterelles ‘bessarabiennes’ » qui s’est abattue sur les facultés françaises, une « cohorte de barbares, des cancres et des métèques tarés que les écoles et les facultés de leur pays avaient refoulés » (24 octobre 1947) Incompétence professionnelle, charlatanisme, immoralité, insatiable volonté d’enrichissement… toutes les accusations y passent. Le complot se profile, immanquablement : la « colonisation de la médecine fait partie du programme de nos politiciens. » (25 octobre 1947) Ce sont les « politiciens de l’anti-France » (26 octobre 1947) L’auteur s’est pourtant voulu formel : « Nous sommes profondément antiracistes. Nous ne tenons pas à être colonisés ni par la race des seigneurs, ni par la race élue. » (22 octobre 1947)

Définir l’excitation

Le 31 mars 1949, la 17e chambre correctionnelle du tribunal de la Seine rend son jugement dans un procès qui oppose diverses associations d’anciens résistants, combattants et déportés juifs au journal. Pour les magistrats, l’identification des Bessarabiens à des Juifs ne fait aucun doute. Les injures et les diffamations sont caractérisées et l’intention de l’auteur de soulever le corps médical et l’opinion public contre les Juifs est reconnue. Le directeur de L’Époque est condamné.

L’affaire rebondit cependant en appel. Le 9 avril 1951, la 11e chambre de la cour d’appel reconnaît le caractère diffamatoire des imputations mais déclare que celles-ci n’entrent pas dans le cadre de la loi au motif « que cette disposition de loi exigerait, pour punir de telles imputations, que leur auteur ait entendu provoquer les citoyens ou les habitants aux troubles et aux désordres sociaux, et par suite à la violence ». Plus précisément, l’arrêt définit l’excitation à la haine : « le soulèvement de passions génératrices de troubles, de désordres sociaux et raciaux et d’agitation, en un mot de violences. » Pour les juges, cet élément faisait précisément défaut dans l’enquête de L’Époque.

Le 26 juin 1952, la Cour de cassation annule l’arrêt de 1951, soulignant « l’intention manifeste et d’ailleurs avouée de [l’auteur]d’incriminer plus particulièrement les médecins de confession israélite ». L’arrêt fait valoir que la cour d’appel a ajouté à la lettre de la loi « et l’a par là même violée » : la loi exigeait le but d’excitation à la haine et non celui de l’excitation à la violence.

Haine sans exhortation…

Le mardi 20 mars 2018, le militant d’extrême droite Alain Soral, jugé pour provocation à la haine pour avoir diffusé un photomontage sur le site Égalité & Réconciliation, a été relaxé par le tribunal correctionnel de Paris. La publication litigieuse, rappelle Marc Knobel, directeur des études au CRIF, représentait Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, « les bras ouverts, porteurs d’un brassard évoquant ouvertement celui des nazis mais où la croix gammée [était] remplacée par le signe du dollar, avec devant lui le globe terrestre et derrière lui les photographies de Messieurs Patrick Drahi, Jacob Rothschild et Jacques Attali, et les drapeaux israélien et américain, la légende inscrite sur ce photomontage étant ‘En Marche vers le chaos mondial.’ »La 17e chambre correctionnelle dans son jugement du 20 mars 2018 a estimé que le document ne tombait pas sous le coup de l’accusation de provocation à la haine.

Mais surtout, le jugement a été motivé par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a estimé, dans un arrêt rendu le 7 juin 2017, qu’une « incitation manifeste » ne suffisait pas à caractériser le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales : pour être éventuellement condamnable, encore fallait-il que cette dernière contînt un « appel » ou une « exhortation ». La 17e chambre correctionnelle a estimé que ça n’était pas le cas.

…ruine de la loi ?

Il y a 65 ans, l’avocat Claude-Frédéric Lévy commentait la décision de justice de 1951 en alertant sur le fait qu’elle était de nature à empêcher les poursuites dès lors que la haine pouvait s’exprimer en des termes modérés. Force est de constater que le sujet demeure d’actualité. Faut-il attendre les appels ou les exhortations à la violence pour sévir ? Faut-il rappeler que ces derniers ne sont pas forcément les plus redoutables ? Que le racisme et l’antisémitisme sont des poisons dont la distillation, même à doses modérées, empoisonnent la paix sociale et peuvent précéder le passage à l’acte ?

En 1955, le professeur de Droit Roger Pinto (1910-2005) estimait que la Cour de cassation, par l’arrêt de 1952, avait rétabli une saine interprétation de la loi. Elle passait par le constat suivant : « La haine peut être génératrice de violence. Elle n’est pas la violence. » La question est donc posée en 2018 : veut-on combattre la haine ou doit-on se résigner à attendre la violence ?

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