La directrice des programmes du think tank russe Valdai Club : Moscou a beaucoup à perdre du Brexit

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Le 5 avril 2016, le site Internet du think tank russe pro-Kremlin Valdai Club affichait un article intitulé “Comment le Brexit affectera la Russie”, de la directrice des programmes du Club Valdai, également professeur à l’Institut public des Relations internationales de Moscou, (MGIMO), Andrey Sushentsov. [1] Dans cet article, Sushentsov affirme que la sortie de la Grande-Bretagne (Brexit) de l’Union européenne influerait négativement sur l’économie et la politique étrangère de la Russie. Sushentsov explique que le résultat du référendum sur le Brexit, qui aura lieu en Angleterre le 23 juin, affectera l’économie russe dans plusieurs domaines. Tout d’abord, le Brexit pourrait déclencher une “guerre commerciale” entre le Royaume-Uni et l’UE, qui pourrait mettre en danger les investissements russes non seulement en Grande-Bretagne, mais aussi aux Pays-Bas et à Chypre, principaux partenaires commerciaux de la Russie. En outre, Sushentsov mentionne le fait que le Brexit pourrait influer sur la sécurité des réserves d’or et de devises russes, qui sont les troisièmes au monde par leur taille, car “les problèmes économiques liés au Brexit de l’UE” pourraient entraîner la dévaluation de ces réserves.

Sushentsov écrit que le Brexit affecterait aussi la politique étrangère de la Russie en Europe. Tout d’abord, le Brexit rendrait moins viable le concept russe de fusion entre le projet d’Union économique eurasienne du président russe Vladimir Poutine. Deuxièmement, la Russie redoute que le Brexit ait pour conséquence que l’UE, privée de la Grande-Bretagne, ne devienne un bloc dominé par l’Allemagne – scénario qui pourrait avoir des répercussions négatives pour Moscou. Enfin, en conséquence du Brexit, la Grande-Bretagne pourrait se rapprocher des Etats-Unis, pour constituer une nouvelle “alliance anglo-saxonne”, dont les inclinaisons politiques pourraient s’avérer plus hostiles à la Russie. Extraits de l’article de Sushentsov :

Le Premier ministre du Royaume-Uni, David Cameron (Source : Valdaiclub.com)


‘Le référendum sur le Brexit est resté dans l’ombre dans les médias russes’

Le Brexit va indubitablement porter atteinte à l’économie du Royaune Uni comme à celle de l’UE. En fin de compte, il affectera aussi la Russie, en l’amenant à modifier ses priorités financières et à chercher un abri plus sûr pour son argent et ses investissements. Un élément central de l’ordre du jour européen, le référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne (Brexit) en juin, est quasiment demeuré dans l’ombre dans les médias russes, alors qu’en Angleterre, la Russie est décrite comme un des principaux bénéficiaires du Brexit. Cela est étonnant parce qu’il n’existe pas une seule déclaration d’homme politique russe pouvant être interprétée comme une évaluation de l’importance du Brexit pour la Russie. Cela est dû en partie au fait que la Russie doit encore prendre le temps d’étudier les conséquences de cette mesure. Mais dans le même temps, Moscou a beaucoup à perdre si l’Angleterre se retire de l’UE, et c’est probablement la raison principale pour laquelle la Russie n’est pas pressée de livrer ses évaluations.

Pour la Russie, le Brexit serait un signal d’incertitude, comme pour le reste de l’Europe. Les résultats du référendum sont difficilement prévisibles, tout comme leur impact sur la politique et l’économie européenne. La rupture du statu-quo européen pourrait avoir des conséquences négatives significatives et elle pose des questions auxquelles personne n’est disposé à répondre. En tant qu’acteur historiquement pessimiste, la Russie ne cherche pas la meilleure porte de sortie. Elle cherche plutôt à anticiper le pire.

« Le bien-être économique de la Russie et ses priorités stratégiques et économiques dépendent du résultat du référendum [sur le Brexit]« 

La question est que, dans une certaine mesure, le bien-être économique de la Russie et ses priorités stratégiques et économiques dépendent du référendum britannique. L’économie russe est étroitement intégrée au sein de l’EU et de la Grande-Bretagne et elle sera automatiquement affectée si le résultat du référendum s’avère dommageable pour celles-ci. Pendant plusieurs décennies, l’UE a été le principal partenaire commercial de la Russie. En 2015, elle représentait 46 % du commerce extérieur de la Russie (249 milliards $). La part de la Grande-Bretagne dans ce commerce est insignifiante et les deux nations n’ont presque pas de projets industriels conjoints. Mais le tremblement de terre économique européen induit par le Brexit aurait des conséquences directes et indirectes sur Moscou, parce qu’il affecterait principalement les Pays-Bas et Chypre, principaux partenaires de la Russie. Selon certaines estimations, ce sont ces deux pays qui sont les plus étroitement liés au Royaume-Uni économiquement, et qui seront probablement les plus sévèrement atteints. Il faut se rappeler que les problèmes financiers de Chypre ont contraint la Russie à lui prêter 2,5 milliards $ à des conditions avantageuses en 2010-2011, afin de protéger les activités offshore de la Russie à Chypre.

Le Brexit pourrait déclencher une guerre commerciale entre le Royaume Uni et l’UE, qui mettrait en péril les investissements russes en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et à Chypre. Début 2014, les investissements russes directs cumulés au RU s’élevaient à 9,1 milliards $, auxquels s’ajoutent encore 60,9 milliards $ dans les Îles vierges britanniques. Les investissements russes à Chypre totalisent 19,7 milliards $ et ceux aux Pays-Bas, 19,1 milliards $.

 « Si Londres devient moins attractive en tant que capitale financière mondiale, les sociétés russes pourraient commencer à se délester de leurs actions »

Pas moins importante est la question de savoir comment le Brexit influera sur la sécurité des réserves d’or et de devises russes, les troisièmes au monde, dont 80% sont investies en titres étrangers et déposées auprès de banques étrangères. Le RU représente 9,4 % de ces titres, et l’UE dans son ensemble environ 62 %. En sus de cela, environ 41,5 % des réserves russes sont libellées en Euros. Leur valeur actuelle est estimée à 360 milliards $ mais les problèmes économiques liés au Brexit pourraient entraîner la dévaluation de ces réserves.

Il est peu probable que Londres devienne un centre financier moins populaire si le Brexit se produit effectivement, mais un tel développement pourrait aussi être attendu. Les principales sociétés russes – Gazprom, Rosneft, Lukoil, Sberbank, Tatneft, Megafon, Rusagro – ont commencé à vendre leurs actions sur la Bourse de Londres à la fin des années 1990. Actuellement, la part des sociétés de la CEI sur la bourse de Londres (LSE) est de 17%. Cinq sociétés russes sont dans le Top-20 de la LSE (London Stock Exchange), Gazprom détenant le record en termes de capitalisation depuis plusieurs années. Si Londres devient moins attractive en tant que capitale financière mondiale, les sociétés russes pourraient commencer à vendre leurs actions. Au cours des dernières années, les sociétés russes étaient plus désireuses d’introduire leurs actions en Bourse à Shanghaï, Hong Kong et Singapour, certaines d’entre elles s’étant de fait retirées de la LSE.

La fragmentation actuelle de l’UE est venue comme une ‘surprise lente’ pour Moscou.

Si les conséquences économiques du Brexit peuvent encore être évaluées, ses retombées politiques sont quasiment imprévisibles. La fragmentation actuelle de l’UE est venue comme une surprise pour Moscou. La Russie n’était pas prête pour ces développements et elle escperait que l’UE s’affirmerait en tant qu’acteur global indépendant, libéré de tout patronage américain. Il serait plus facile pour Moscou de commercer avec une UE unie que de discuter de commerce et de visas avec les 28 membres de l’UE simultanément. C’est cette logique qui a inspiré l’initiative de créer un espace commun de Vancouver à Vladivostock, entreprise que Moscou continue de soutenir. En créant l’Union économique eurasienne [EAEU], la Russie a voulu renforcer ses positions dans la négociation pour une ‘intégration des intégrations’, éventuellement en fusionnant l’EAEU et l’UE. A présent, cette priorité est remise en question.[2]

Le Brexit va certainement créer un nouvel équilibre au sein du Conseil de l’Europe. Comment la rivalité franco-allemande va-t-elle s’en sortir, sans le Royaume-Uni qui aplanissait les divergences dans le passé? Paris et Berlin vont-ils s’éloigner, ou au contraire resserrer les rangs ? Il n’est pas non plus impossible que l’Europe se retrouve face à une Allemagne plus forte, qui fera de l’UE son propre projet, en introduisant une réglementation fiscale commune et en incitant les économies plus faibles, comme la Grèce, à quitter l’organisation. Dans ce cas, l’UE cessera d’être une alliance de 27 pays pour devenir un bloc dominé par l’Allemagne et ses alliés. Est-ce une bonne chose, ou la Russie doit-elle le redouter ? C’est une question ouverte, mais clairement pas le meilleur scénario pour Moscou.

Le [Brexit] finira par devenir une nouvelle alliance anglo-saxonne… Une alliance qui établira un « mur polonais-baltique » à sa frontière avec la Russie

Une question non moins importante est de savoir quel rôle assumera le Royaume-Uni après le Brexit. Peu de gens en Russie pensent qu’il choisira de devenir un acteur global indépendant. Pour conserver son influence et éviter des problèmes d’intégrité territoriale, Londres peut se focaliser sur une alliance plus étroite avec les Etats-Unis. Le nouveau bloc pourrait aussi être rejoint par des régimes pro-américains en Europe orientale. Il ne fait aucun doute que l’insistance sur des sanctions anti-russes fera reculer l’argent russe. Cela finira par l’émergence d’une nouvelle alliance anglo-saxonne en Europe, qui établira un “mur polono-baltique” à sa frontière avec la Russie. D’un autre côté, les principaux pays de l’UE – l’Allemagne, la France, l’Italie et d’autres – vont consolider un bloc qui voudra entretenir des relations normales avec la Russie. Une génération plus tard, nous pourrions nous retrouver avec deux Europe distinctes, toutes deux en concurrence l’une avec l’autre. Nous pouvons difficilement souhaiter un avenir de ce type… En fin de compte, cela affectera aussi la Russie [économiquement], en lui faisant modifier ses priorités financières et chercher un havre plus sûr pour son argent et ses investissements. Une conséquence indirecte de cela pourrait être un « retournement vers l’Est » plus marqué de la Russie, en conséquence de sa présence déclinante sur les marchés financiers européens et de la réorientation des marchés boursiers asiatiques”.

Lire la version anglaise du rapport

notes:

[1] Valdaiclub.com, 5 avril 2016.

[2] Voir MEMRI Inquiry And Analysis Series Report No. 1239: « Understanding Russian Political Ideology And Vision: A Call For Eurasia, From Lisbon To Vadivostok,” 23 mars 2016.

 

Acerca de MEMRI

El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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