La montée de l’antisémitisme en Europe dans les années 2 000

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Plus de 70 ans après la Shoah, l’Europe connait une montée exceptionnelle de l’antisémitisme : c’est le cri d’alarme que lançait fin janvier 2014 le Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks. Estimant que l’Europe reste hantée par l’antisémitisme, il ajoutait : « En dépit de l’absence de statistiques officielles dans bien des pays, des recherches et des sondages montrent qu’une hostilité profondément enracinée continue de menacer la sécurité et la dignité humaine des juifs dans toute l’Europe ».

La judéophobie qui se développe en Europe au cours des années 2 000 prend principalement trois formes:

  • La première, peut-être la plus fréquente est le produit d’un transfert sur notre continent des tensions au Proche-Orient ;
  • La deuxième réside dans l’apparition marquée, dans les échiquiers politiques nationaux, d’un populisme politique issu de l’extrême droite traditionnelle;
  • Il faut y ajouter le discours et les actes de l’extrême droite traditionnelle, avec son avatar qu’est le négationnisme.

Les récents travaux des instances européennes, particulièrement ceux de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne de Vienne, ainsi que ceux de l’ECRI du Conseil de l’Europe de Strasbourg donnent de nombreuses illustrations, de ces manifestations de judéophobie.


Le ressenti de l’antisémitisme

Une enquête menée en 2013 par l’Agence des droits fondamentaux auprès de 6 000 juifs dans 8 pays de l’Union européenne ( Allemagne, Belgique, France, Hongrie, Italie, Lettonie, Royaume-Uni et Suède) montre que 2/3 des personnes interrogées (66%) considèrent que l’antisémitisme est un réel problème . ¾ (76%) indiquent qu’il s’est aggravé ces dernières années dans le pays où ils vivent. 75% des personnes interrogées constatent que l’antisémitisme sur Internet est un problème, et qu’il s’est développé ces dernières années.

Un quart des personnes interrogées dans ces 8 pays (26%) révèlent qu’au cours de l’année 2012, elles ont été personnellement victimes d’insultes verbales ou de harcèlements, et 4% déclarent avoir été victimes de menaces ou de violences physiques.

Il en résulte un climat de crainte chez ces juifs interrogés, 46% d’entre eux déclarant avoir peur d’être victimes d’agression verbale ou de harcèlement antisémite dans les 12 mois suivants, et 1/3 (33%) craint une agression physique. Il en résulte que plus de ¼ (27%) évitent certains lieux dans leur quartier, parce qu’ils ne se sentiraient pas en sécurité. 23% déclarent éviter, occasionnellement d’assister à des manifestations juives ou de visiter des sites juifs.

Sans entrer dans le détail de cette enquête qui porte également sur les formes de discrimination, sur la négation ou la banalisation de la Shoah, sur les moyens de faire face à ces phénomènes ou sur leur répartition par pays, je retiendrai principalement que l’antisémitisme est bien réel dans l’Europe des années 2000 et qu’il est perçu comme s’aggravant.

Il est difficile de quantifier avec précision ces manifestations d’antisémitisme. En effet de nombreux pays du continent n’ont aucune statistique officielle des menaces et actes de racisme, d’antisémitisme ou de xénophobie ; et seulement la moitié des Etats membres de l’Union européenne (13 sur 27) collectent des données sur les manifestations d’antisémitisme signalées, dont la France.

Des statistiques en hausse

Prenons quelques pays qui établissent des statistiques fiables :

*En Belgique, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a enregistré en 2012, 88 plaintes à la suite d’actes antisémites, en accroissement par rapport à 2011 (62), et 2010 (57). Elles se répartissent en 2012 entre des déclarations antisémites sur Internet (28), des agressions verbales (15), des affirmations négationnistes (13 et des actes de vandalisme (11). Pour le Président de ce Centre, il ne s’agirait ici que « de la pointe de l’iceberg, car un nombre significatif de victimes ne porte pas plainte ».

*Au Danemark, le Conseil municipal de Copenhague enregistre en 2013, environ une attaque antisémite par semaine.

*En France, l’année 2012 a marqué un sommet dans les violences antisémites, avec 4 morts, dont 3 enfants à Toulouse, et 614 actes antisémites en 2013, contre 389 en2011, soit une augmentation de 58%. Les agressions physiques ou verbales ont augmenté de 84% entre ces deux années.

*En Hongrie, 7% de la population affirme qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz dans les camps de concentration.

**En Norvège, une étude réalisée par la ville d’Oslo indique que 33% des étudiants juifs de la ville sont physiquement menacés ou agressés par leurs camarades au moins deux fois par mois.

*En Suède, dans la troisième ville du pays, Malmö, les incidents antisémites ont triplé au cours des 18 derniers mois, par rapport aux deux années précédentes. Sur les 700 juifs encore inscrits en 2009, une trentaine a déjà quitté la ville.

*En Grande Bretagne, au cours des six premiers mois de 2012, le Community Security Trust a dénombré 299 actes antisémites, dont 148 à Londres.

Esquisse de typologie européenne.

Le transfert en Europe du conflit israélo-palestinien : Ce phénomène est apparu dans les démocraties occidentales après les attaques terroristes aux États-Unis, et au moment de la seconde Intifada de 2000. En France, le mois d’octobre 2000 marque un apogée de violentes antisémites : Une voiture fonce sur des fidèles sortant de la synagogue d’Aubervilliers, dans la banlieue parisienne ; un cocktail Molotov est lancé sur une synagogue du XIXe arrondissement de Paris, des élèves sont agressés à la sortie d’une école juive dans le XIXe. Arrondissement de Paris, de même que devant une autre école juive de Saint-Ouen, une bouteille incendiaire est lancée sur un restaurant cacher parisien, de même sur une école d’Aubervilliers, et sur la synagogue de Clichy-sous-Bois, tandis que des tombes juives sont profanées dans le cimetière de Trappes, 3 cocktails Molotov sont lancés sur la synagogue des Ulis, alors que celle de Trappes est totalement ravagée, le rabbin de la synagogue de Créteil est agressé, deux appartements sont incendiés à Choisy-le-Roi. Pour cette période du 1er au 25 octobre 2000 le chercheur du CRIF, Marc Knobel a relevé une cinquantaine d’agressions antisémites à Paris et en région parisienne. Il précise qu’en une dizaine de jours, 70 incidents antisémites sont alors recensés de Toulouse à Paris, de Lille à Rouen.

Ce phénomène se poursuit, avec une moindre intensité jusqu’en 2014.

Pour une forte part il est lié à un contexte géopolitique marqué par la montée du radicalisme islamique sunnite et chiite, de même que par la sortie du thème du conflit israélo-palestinien des revendications des révolutions du « Printemps arabe », et pour certains, par les perspectives d’un accord de paix entre Israël et la Palestine, sous égide américaine.

Ce nouveau type d’antisémitisme trouve ses racines dans plusieurs milieux et se manifeste de diverses manières : on peut citer un antisionisme provenant de l’extrême-gauche pro-palestinienne ; un prosélytisme de l’islam radical prétendant mener un « Djihad extérieur, auprès de populations musulmanes en France. Il se manifeste de trois manières au moins :

• En développant le thème du complot mondial, cette fois israélo-américain, et son avatar, celui de la finance juive responsable de la crise mondiale ;

• Inversant le thème de la Shoah, en assimilant le sionisme à un nazisme en Palestine. L’amalgame s’énonce de la manière suivante : les juifs hier persécutés par les nazis, sont les nazis d’aujourd’hui qui persécutent les Palestiniens. Le second volet étant de parler de « sionisme » pour désigner le judaïsme.

• En développant la « théorie du double standard » qui revient à mettre à égalité l’extermination de six millions de juifs européens durant la Shoah, avec le racisme et la xénophobie dont souffrent certaines populations musulmanes ou immigrées, en forgeant le concept, contestable d’ « islamophobie ». Dans ses réflexions sur la judéophobie contemporaine, Pierre-André Taguieff dénonce ce « poncif », ce « cliché de propagande » selon lesquels « l’islamophobie d’aujourd’hui est la répétition de l’antisémitisme d’hier ».

Pour Taguieff, il s’agit « d’une diffamation globale, permanente, entretenue par une partie du système médiatique, rallié au point de vue « antisioniste », et relayant des rumeurs négatives », véhiculées par un « gauchisme culturel ».

On en arrive à ce que Taguieff appelle : « L’expression de la banalisation d’une culture antijuive dans certains milieux issus de l’immigration de culture musulmane, endoctrinés par des islamistes ». C’est ce que le Hamas résume dans sa Charte (article 28- aout 1988) par la formule : « Israël, parce qu’il est juif et a une population juive, défie l’islam et les musulmans. » Ainsi, le conflit israélo-palestinien est-il aujourd’hui transformé en un méga-conflit « sionisto-islamiste ».

Taguieff fait remarquer, à juste titre que la judéophobie dans l’Histoire, n’a cessé de prendre des formes nouvelles, de s’adapter à l’esprit du temps, de trouver de nouveaux alibis, d’inventer des justifications inédites.

En France, pour la première fois, la mouvance antisioniste portée par Alain Sorel, qui se dit « national-socialiste », et Dieudonné M’bala M’bala chef de file d’une liste, financée par Téhéran, au cours des élections européennes, a fait sa jonction avec l’ultra-droite composée de groupuscules tels que Action française, Civitas, Gud, Renouveau français et des militants des associations dissoutes de l’Oeuvre française et des Jeunesses nationaliste, qui ont manifesté ensemble, le 26 janvier 2014 dans le cadre d’un « jour de colère ». Le seul point commun qui les rassemblait dans les rues de Paris était « la haine du juif », autour de slogans antisionistes : une « France fascistoïde » ainsi que la qualifiait le quotidien « Le Figaro ». Ainsi, après l’alliance Brun/Rouge, assistait-on à la naissance d’une alliance Brun/antisionisme.

Le populisme politique : Dans les pays européens à forte tradition antisémite, comme en France, Russie, Autriche, Roumanie, Pologne, Hongrie, Suisse ou Grèce, on retrouve aujourd’hui un discours antisémite structuré par des partis politiques qui ont souvent réalisé des percées significatives. Ces partis politiques se situent dans la mouvance d’extrême droite qualifiée aujourd’hui de « populiste ».

Par contre d’autres pays européens à faible tradition antisémite, comme la Grande Bretagne, Scandinavie, République tchèque, Italie, Espagne, Pays-Bas, les partis politiques d’extrême droite qui s’y développent ne portent pas de rhétorique anti-juive.

L’Allemagne est un cas particulier en raison de son histoire. On y constate néanmoins, depuis peu un ébrèchement, une fragilisation des effets de l’éducation contre le nazisme et l’antisémitisme qui se manifeste par une radicalisation significative des forces politiques de droite. Le relativisme du génocide se développe sur le thème que c’est le peuple allemand qui a souffert de la Seconde Guerre mondiale, et pas les juifs, et que ceux-ci sont moins victimes que ne le sont les Palestiniens.

J’évoquerai enfin les formes de judéophobie véhiculées par l’Extrême-droite traditionnelle : celle-ci se recrute toujours chez les catholiques intégristes ou ultra-conservateurs, et dans certains pays européens parmi les Eglises orthodoxes. Sa caractéristique actuelle est d’avoir fait jonction avec l’Extrême-Gauche « national-socialiste ».

On peut également citer des formes d’antisémitisme archaïques, comme par exemple en Hongrie où il a un peu plus d’un an, un appel était lancé lors d’une séance au Parlement afin de recenser les juifs qui représenteraient « une menace pour la sécurité nationale », ravivant ainsi le terrible souvenir des politiques nazies. Ou encore en Roumanie, où en décembre dernier, une chaine de télévision publique avait diffusé un chant de Noel aux paroles antisémites.

On constate également sur l’ensemble des pays européens que les véhicules de l’antisémitisme se diversifient, allant des écrits, des invectives sur la voie publique aux manifestations publiques comme les rencontres sportives, en passant par l’utilisation de l’Internet et des réseaux sociaux, ou de représentations théâtrales, comme dans le cas, en France de Dieudonné M’bala M’Bala.

Il faut souligner que l’antisémitisme est indissociable des autres formes de racisme et de xénophobie, bien que spécifique dans ses origines et ses manifestations. La lutte contre ces phénomènes racistes attentatoires aux valeurs des Droits de l’homme et à la démocratie nécessite non seulement une forte réaction des pouvoirs publics, et des familles politiques démocratiques, mais aussi, et peut-être surtout de l’ensemble des citoyens européens, des opinions publiques qui doivent, avec fermeté, rejeter ce poison qui risque d’être fatal à nos sociétés.

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