Le 11 février 2017, dans une interview diffusée sur la chaîne égyptienne CBC, le président libanais Michel Aoun défendait la possession d’armes par le Hezbollah : « Tant que des terres [libanaises] sont occupées par Israël, et tant que l’armée [libanaise] ne sera pas assez forte pour combattre Israël, nous aurons le sentiment que les armes de la résistance sont vitales pour compléter celles de l’armée […] Les armes du Hezbollah ne mettent absolument pas en cause l’Etat et sont un élément essentiel de la défense du Liban. » [1]
Les déclarations d’Aoun ont suscité les critiques de la coordinatrice spéciale pour le Liban, Sigrid Kaag, qui a tweeté le 13 février : « Rappeler la résolution SCR 1701 est vital pour la stabilité et la sécurité du Liban. La résolution appelle au désarmement de tous les groupes armés. Pas d’armes en dehors du contrôle de l’Etat. » [2] Kaag a ensuite déclaré au quotidien libanais Al-Nahar que les commentaires d’Aoun étaient préoccupants et qu’elle avait l’intention de solliciter un entretien avec lui à ce sujet.[3]
Le lendemain, le 14 février, le quotidien libanais Al-Akhbar comportait un article de l’éditorialiste Hassan Aliq, connu pour son soutien au Hezbollah, intitulé « Sigrid Kaag, taisez-vous ! », qui lui reprochait son opposition aux armes du Hezbollah. Dans cet article, il lui demandait de « se taire », allant jusqu’à écrire : “Etranglez-vous de rage”. Il ajoutait que Kaag, à l’instar des autres diplomates occidentaux au Liban, était mécontente de constater que le régime libanais se voyait dirigé par une figure puissante comme Aoun, qui refuse de s’incliner et s’exprime avec franchise. Le Hezbollah, précisait-il, est devenu « une force régionale importante » qui se développe de jour en jour, accumule des armes, possède des armes qui changent la donne, opère au sud du Litani et n’a que faire de la résolution 1701 du Conseil de sécurité. Il ajoutait que les Libanais soutienent la force croissante du Hezbollah et « seraient déçus de la résistance si elle obtenait moins qu’une bombe nucléaire ». Extraits : [4]
Le Liban est attrayant pour les consuls. Il abrite une armée de politiciens, de gens qui aspirent à devenir ministres ou députés, d’hommes d’affaires, de religieux, hommes de médias, personnalités, intellectuels, etc. – qui vouent un culte aux consuls [étrangers] et tirent leur force uniquement de leur [position au service des] ambassades étrangères [au Liban]. Rien n’a de valeur à leurs yeux, si cela ne provient pas [de quelque] grande puissance. Ils affirment que l’ancien ambassadeur de France à Beyrouth, Bernard Emié, a sombré dans une profonde dépression après [son renvoi du Liban] et sa réassignation comme ambassadeur en Turquie. [Tout cela parce] qu’à Beyrouth, Emié a fait équipe avec [l’ancien ambassadeur américain au Liban] Jeffrey Feltman, pour faire en sorte que le régime de Beyrouth [agisse selon leur volonté] après le retrait syrien du Liban. Il était l’invité d’honneur dans d’innombrables réunions et banquets. Personne ne le contredisait. Il était au-dessus de la constitution [libanaise], et son influence dépassait celle de la loi. La différence entre lui et tout haut-commissaire ayant dirigé le Liban avant 1943 ne tient qu’à leurs fonctions officielles. A l’inverse, en Turquie, il est strictement un ambassadeur qui représente les intérêts de son pays, sans serviteurs, sans cortège d’automobiles et sans applaudissements pour accompagner son arrivée lors des réunions. Il ne reçoit pas de cadeaux, n’est pas invité [aux événements officiels] et aucun politicien n’est prêt à tout simplement pour recevoir une recommandation de « Son éminence », pour que son nom soit inclus sur la liste des gens qui recevront quelque Ordre du Mérite du Palais de l’Elysée.
Le poids de l’ambassadeur américain à Beyrouth est plusieurs fois supérieur à celui de l’ambassadeur français. C’est un véritable Dieu aux yeux de nombreux politiciens. L’ambassadeur de Grande-Bretagne et le représentant de l’UE sont traités eux aussi, au bas mot, comme des prophètes. Ces dernières années, à la liste des personnalités adulées [au Liban] s’est ajouté le coordinateur spécial de l’ONU [pour le Liban]. Cette même ONU, qui n’a aucun pouvoir véritable dans le monde, possède un haut-commissaire au Liban qui se rend du domicile d’un politicien [libanais] à un autre, d’un ministère à une administration, et d’une association à une autre, sans que quiconque ne l’arrête… Parce qu’il s’agit du Liban, le coordinateur spécial de l’ONU devient un haut- commissaire au plein sens du terme. Sigrid Kaag occupe actuellement cette fonction. Les commentaires du président Michel Aoun il y a deux jours [le 11 février] concernant le rôle de la résistance [le Hezbollah] au Liban ont irrité [Kaag], qui nous a rappelé la Résolution 1701 [du Conseil de sécurité de l’ONU] et les paroles habituelles et creuses sur le « désarmement de tous les groupes armés ».
Cette dame, qui n’aborde jamais les violations israéliennes de la souveraineté libanaise ou l’occupation de la région de Jaroud Arsal par l’Etat islamique, et qui fonctionne comme une employée de très bas échelon de l’administration américaine, qui s’oppose au renforcement de l’armée libanaise, a affirmé au site [du quotidien libanais] Al-Nahar [le 13 février] que les propos d’Aoun étaient « préoccupants ». Elle a ensuite démenti sur la [chaîne d’information libanaise] LBCI avoir fait des commentaires sur les remarques d’Aoun.
Disons la vérité : Les remarques d’Aoun sont effectivement préoccupantes [pour eux]. Pour la première fois en une décennie, la communauté internationale rencontre un officiel libanais de ce niveau, qui parle franchement…
Mais en vérité, nous devons remercier Kaag pour son courage. Hier, elle a pris sur elle-même de s’exprimer au nom de ses collègues américains, britanniques, français et européens qui sont mécontents d’Aoun et de ses positions, et qui s’opposent à tout ce qui touche à la possibilité même de construire un Etat fort au Liban. Cela parce qu’il vaut mieux pour eux [que le Liban] reste un domaine [privé] et soumis, nécessitant leur protection et rien de plus.
Mme Kaag, merci de votre courage, mais vous pouvez vous étrangler de rage. La résistance libanaise est devenue une importante force régionale. Ses capacités augmentent de jour en jour en termes d’armement, d’équipement et de personnel, et également en termes d’armes capables de changer la donne, tant au nord qu’au sud du Litani. Quant à la Résolution 1701 – c’est le dernier de nos soucis. En fait, on peut supposer que les membres de la résistance qui ont creusé les sites de missiles ont oublié jusqu’à l’existence de [la Résolution 1701] ou qu’ils ne s’en sont jamais souciés. La seule chose qui leur importe, en tant que défenseurs de la sécurité de notre pays, est d’accroître la puissance de notre résistance. De nombreux Libanais seront mécontents si la résistance obtenait moins qu’une bombe nucléaire.
Mme Kaag, ce pays est très différent de ce que vous croyez. Il y a ici des gens qui pensent que c’est une nation indépendante et souveraine, y compris celui qui dirige le pays, Michel Aoun.
Mme Kaag, parlez joliment ou bien taisez-vous.
Notes :
[1] Al-Mustaqbal (Liban), 12 février 2017.
[2] Twitter.com/SigridKaag, 13 février 2017.
[3] Al-Nahar (Liban), 13 février 2017.
[4] Al-Akhbar (Liban), 14 février 2017.
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