Les craintes face à la nouvelle crypto-monnaie de Facebook sont exagérées, alors que l’activité criminelle sur Telegram est ignorée

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Par Steven Stalinsky*

Alors que le califat de l’Etat islamique s’éffondre, le fait nouveau le plus important et le plus dangereux du terrorisme international est l’adoption par les terroristes de crypto-monnaies pour financer leurs activités. Elles sont devenues subrepticement un élément de leur cyber-arsenal, et l’Occident peine à trouver les moyens d’endiguer ce nouveau danger. Cette défaillante ouvre sur un problème beaucoup plus sérieux : la responsabilité des sociétés technologiques à l’égard du djihad mondial.

L’absence de compréhension face à cette menace s’est manifestée par la quasi-hystérie qui a accueilli l’annonce par Facebook, le 18 juin, du lancement de sa crypto-monnaie, la Libra, prévu pour l’an prochain. Les médias américains l’ont qualifiée « d’idée terrible », et la présidente de la commission des services financiers du Congrès, Maxine Waters, a déclaré que Facebook « poursuivait son expansion incontrôlée et élargissait son intrusion dans la vie de ses utilisateurs ». Son appel à tenir des auditions au sujet de la Libra a été soutenu par le membre républicain le plus ancien de la commission, le Rep. Patrick McHenry.


Aujourd’hui, le comité sénatorial des affaires bancaires, d’habitation et d’urbanisme tient une audition sur la monnaie numérique de Facebook. Il a adressé une lettre ouverte à Facebook le mois dernier, pour savoir comment fonctionnait la Libra et si l’avis des régulateurs et des autorités de surveillance du marché était sollicité. En outre, lors d’une conférence de presse en date du 15 juillet, le secrétaire d’Etat au Trésor Steven Mnuchin a exprimé ses « préoccupations très sérieuses » concernant la Libra : « C’est effectivement une question de sécurité nationale. » Quelques jours plus tôt, le président américain Trump tweetait que la Libra « aurait peu de prestige ou de fiabilité ». Et le 10 juillet, le président de la Réserve fédérale Jerome Powell estimait pour sa part que la Libra soulevait « de nombreuses préoccupations graves », y compris des risques potentiels pour la stabilité du système financier, au regard de sa base d’utilisateurs considérable.

Sur le plan international, le gouverneur de la Banque d’Angleterre Mark Carney a déclaré que la Libra devait être « soumise aux normes de réglementation les plus élevées ». Le ministre français des Finances Bruno Le Maire a encouragé les responsables des finances des pays du G7 à préparer un rapport à ce sujet pour le mois prochain. Et le membre allemand du parlement européen Markus Ferber a affirmé que Facebook pourrait devenir « une banque de l’ombre » et que les régulateurs devaient être en état d’alerte maximale.

Si la préoccupation concernant la menace d’une utilisation des crypto-monnaies par des acteurs mal intentionnés, notamment les groupes terroristes, est tout à fait justifiée, elle ne devrait pas se focaliser exclusivement sur Facebook, mais aussi sur l’application de messagerie cryptée Telegram, connue depuis plusieurs années comme étant l’une des favorites des terroristes et des djihadistes, y compris de l’Etat islamique, et déjà utilisée par des groupes terroristes pour la collecte de fonds.

Facebook a déjà montré des signes indiquant qu’il prenait la menace au sérieux, tout d’abord en établissant des partenariats avec Visa, Mastercard, PayPal Holdings et Uber, et à présent en planifiant une régulation par les autorités financières suisses. Cela laisse espérer que sa crypto-monnaie fonctionnera de manière responsable et transparente, contrairement à la future crypto-monnaie de Telegram, plateforme qui a clairement montré qu’elle ne se souciait nullement de la sécurité occidentale.

Lors de l’audition du comité sénatorial des affaires bancaires, d’habitation et d’urbanisme sur « l’examen de la crypto-monnaie proposée par Facebook et des considérations de confidentialité des données », la sénatrice Catherine Cortez Masto a demandé au représentant de Facebook David Marcus ce que la société ferait en cas d’utilisation criminelle et terroriste de la Libra, et de blanchiment d’argent. Il a répondu que Facebook allait s’assurer que le compte de chaque utilisateur serait connecté à un numéro d’identité autorisé par le gouvernement, que Facebook travaillait actuellement avec le Département du Trésor, que la Libra était immatriculée auprès du FinCEN, et a mentionné d’autres mesures – dont aucune ne sera adoptée par Telegram pour sa propre crypto-monnaie.

La menace posée par Telegram va croître de manière exponentielle lors de la mise en service de sa propre blockchain TON et de sa crypto-monnaie Gram, annoncées pour l’automne. En 2018, la société a levé quelque 1,7 milliard de dollars en deux fois. Le 11 avril, il a été rapporté que TON se trouvait déjà en mode d’essai privé. Gram sera apparemment lancée en grande pompe, et chaque utilisateur recevra automatiquement son propre portefeuille adapté. Cela changera la donne pour les appels de fonds des groupes terroristes et cetgte perspective devrait être la préoccupation majeure des responsables de l’antiterrorisme.

Une édition récente de l’hebdomadaire de l’Etat islamique, Al-Naba, diffusé sur sa chaîne Telegram, a mis en lumière le rôle du financement du terrorisme. Les supporters de l’EI, peut-on lire, ont le devoir de donner de l’argent pour soutenir le djihad, lorsqu’ils ne peuvent y participer physiquement en finançant des opérations militaires, par l’achat d’équipement et le soutien aux combattants et à leurs familles. Le 11 juillet 2019, le groupe technologique pro-Etat islamique Electronic Horizons Foundation (EHF) a posté un article sur sa chaîne Telegram, concernant les différentes plateformes de paiement en ligne, leurs services et leurs implications sécuritaires. L’article mettait en garde contre les menaces sécuritaires auxquelles étaient confrontés les partisans des moudjahidines, qui envoyaient et recevaient de l’agent via Internet en utilisant des Bitcoins et d’autres méthodes.

Le mois dernier, la chaîne Telegram d’une campagne de collecte de fonds djihadistes pro-Al-Qaïda a annoncé que depuis son lancement, au début du mois, elle avait reçu des dons de plus de 185 000 dollars pour un centre d’opérations. De même, le mois dernier, à l’occasion du Ramadan, le groupe salafiste basé à Gaza Jaysh Al-Ummah a appelé ses partisans à faire des dons en utilisant des Bitcoins, donnant le coup d’envoi de sa campagne annuelle « Equipez un combattant » sur Telegram. Fournissant son adresse Bitcoin, il a déclaré : « Donnez de l’argent pour Allah en soutenant les moudjahidines à Jérusalem dans leur djihad pour vaincre les juifs… Menez le djihad avec votre fortune et équipez un combattant ». Il a également appelé les musulmans à financer l’achat de lanceurs RPG et d’autres armes.

Un financier du terrorisme notable qui encourage le recours à la crypto-monnaie est le cheikh saoudien basé en Syrie Abdallah Al-Muhaysini. Il a été désigné par le Bureau de contrôle des actifs étrangers (Office of Foreign Assets Control) du Trésor américain comme un élément essentiel de l’organisation affiliée à Al-Qaïda Jabhat Al-Nusra en novembre 2016. Il a rempli un rôle crucial par l’apport de millions de dollars à Jabhat Al-Nusra et à d’autres organisations terroristes. Le 26 mars 2019, dans une vidéo mise en ligne sur sa chaîne Telegram, il a appelé ses followers dans le monde entier à donner des Bitcoins pour aider le Hamas. Le Bitcoin, affirme-t-il, est « une méthode sûre de transfert d’argent » et « de djihad ».

Faisant allusion à un décret relatif à l’autorisation islamique du Bitcoin, du cheikh mauritanien Mohammed Al-Hasan Walad Al-Didu, érudit des Frères musulmans et membre de l’Union internationale des Oulémas, Al-Muhaysini a souligné le fait que ses partisans étaient autorisés à utiliser le Bitcoin pour soutenir cette campagne de collecte du Hamas « afin de surmonter les risques sécuritaires liés aux dons pour le djihad ».

La campagne de collecte du Hamas en Bitcoins a été lancée le 29 janvier 2019, sur ses comptes de médias sociaux Telegram, Twitter, Facebook, YouTube, Instagram et sur d’autres plateformes encore, alors que la branche militaire de l’organisation, les Brigades Al-Qassam – organisation désignée comme terroriste – a appelé à des dons en Bitcoins et autres crypto-monnaies. Elle a publié son adresse Bitcoin et fourni des instructions sur la manière de procéder en utilisant un code QR et une adresse de portefeuille.

Les partisans du djihad du Hamas dans le monde semblent répondre à son appel au financement en Bitcoins. Le résident américain du New Jersey Jonathan Xie, 20 ans, arrêté le 22 mai, a fait un don en Bitcoins aux Brigades Al-Qassam sur leur site Web. La déclaration officielle du FBI évoquait des échanges de mails avec le Hamas, dans lesquels il demandait à « être autorisé à rejoindre » les Brigades et demandait des instructions pour des donations.

La branche syrienne d’Al-Qaïda, Hayat Tahrir Al-Sham (HTS), appelle également aux dons bancaires anonymes en ligne et en crypto-monnaies. Un rapport publié le 18 avril par son agence de presse Ebaa sur sa chaîne Telegram expliquait le Bitcoin à ses supporters, le qualifiant de « monnaie future de l’économie » et d’ « idée révolutionnaire ». Le 13 juillet 2019, le cheikh et juriste de Hayat Tahrir Al-Sham Abou Al-Fath Al-Farghali postait une vidéo sur sa chaîne Telegram, qui compte plus de 10 000 membres, déclarant que le Bitcoin était « autorisé » selon la charia.

Même si le financement par des crypto-monnaies de groupes terroristes et de leurs partisans continue de se répandre, nombre de ceux qui tentent de le contrer, y compris dans les cercles gouvernementaux, ou de l’étudier en profondeur, y compris dans les milieux universitaires, n’ont pas pleinement conscience de l’étendue de la menace, ni proposé d’idées solides pour y faire face. Le FinCEN Improvement Act de 2019, adopté le 11 mars à la Chambre des Représentants, stipule notamment que le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN) doit lutter contre le terrorisme, sans toutefois mentionner Telegram. Une étude récemment publiée et largement citée de la Rand Corporation, « Terrorist Use of Cryptocurrencies: Technical and Organizational Barriers and Future Threats », [utilisation terroriste des crypto-monnaies : barrières techniques et organisationnelles et menaces futures], ne mentionnait pas une seule fois Telegram, et concluait même : « Il existe peu d’indications que des organisations terroristes utilisent des crypto-monnaies de manière étendue ou systématique. »

Ces dernières années, j’ai rencontré des officiels du gouvernement, des législateurs et d’autres organismes pour évoquer la nécessité d’agir contre l’utilisation terroriste de Telegram. Des pressions ont également été exercées pour contraindre les plateformes comme YouTube, Twitter et Facebook à traiter les contenus terroristes, et des cadres supérieurs de chacune de ces sociétés ont été appelés à témoigner devant le Congrès ce mois-ci. Des pressions similaires devraient être exercées sur le fondateur et PDG de Telegram, Pavel Durov. La menace ne concerne désormais plus seulement Telegram ; ses TON et Gram constituent une catastrophe imminente pour la lutte antiterroriste.

Lire le rapport dans l’original en anglais avec toutes les références

*Steven Stalinsky est le directeur exécutif de MEMRI et l’auteur de American Traitor: The Rise and Fall of al Qaeda’s U.S.-born Leader Adam Gadahn, et de The Coming Storm: Terrorists Using Cryptocurrency à paraître ce mois-ci.

 

Acerca de MEMRI

El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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