Les naufragés syriens de la frontière turque

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Il est 14 heures, un camion distribue la nourriture pour le repas du soir. Tout autour, des enfants jouent. Une cordelette, quelques gravats, leurs rires résonnent dans les allées. Aujourd’hui, près de 5000 personnes vivent ici. Mahmoud Mosa nous invite dans sa tente. Ancien professeur d’anglais, il est arrivé ici en juin dernier. La conversation est régulièrement interrompue, une nouvelle attaque a eu lieu cette nuit dans sa ville d’origine et Mahmoud s’inquiète. «Je me sens tellement loin des miens ici. Tellement loin de ceux qui luttent». Alors Mahmoud tente d’agir, malgré tout. «Depuis quelques jours, on a l’électricité dans chaque tente. Je me suis acheté une clé 3G pour aller sur Internet et je m’occupe de tenir les comptes des atrocités commises dans mon village. Je donne des nouvelles aux gens ici, j’essaie de les rassurer». C’est la seule occupation qu’il ait trouvée.

Les Syriens qui ont fui leur pays sont considérés comme invités sur le sol turc, impossible pour eux de travailler légalement. «Au début, j’avais créé une école ici, pour les enfants. Mais les autorités locales ont décrété que ce n’était pas à nous de faire ça et nous avons été remplacés par des professeurs turcs. Mais qu’est-ce que vous voulez que nos enfants fassent en turc ? Nous ne sommes pas ici pour longtemps. Aussitôt que Bachar al-Assad aura été mis dehors, nous rentrerons».

«J’essaie d’oublier»


Au milieu de sa tente, un petit chauffage électrique. Dans un coin, un sac avec des plats, des assiettes et des épices. De l’autre côté, plusieurs couvertures sont empilées. «C’est le coin cuisine. En face, les chambres. Selon le moment, on déballe ce dont on a besoin. On vit les uns sur les autres, on survit plutôt. Chez nous, en Syrie, la maison est grande, on a tous notre espace. Ici, c’est difficile. J’entends toutes les conversations dans les tentes autour. Ce sont devenus mes amis, ma famille, mais je n’aime pas cette promiscuité.» Devant la tente, sa femme prépare un taboulé. Elle entre avec son saladier et y ajoute du sel, de l’huile d’olive, quelques épices. Elle soupire. «Les enfants n’ont pas d’espace pour jouer ici. Je me fais constamment du souci pour eux. Ce n’est pas un endroit pour grandir.»

Dans une des allées du camp, Mohammed a installé son atelier de barbier. Une chaise, un pot rempli d’eau. L’occasion de tromper l’ennui pour les spectateurs du jour. «J’étais menuisier chez moi en Syrie, mais ici il fallait bien que je fasse quelque chose. J’ai vu des scènes atroces, des soldats tirer sur la foule, des femmes crier, des enfants blessés. Chaque nuit, les tirs de fusil retentissaient, on survivait avec la peur au ventre. Le régime est tombé dans l’horreur, ici j’essaie d’oublier.» Le jeune homme sourit et plaisante. Soudain, son regard se fige sur l’horizon. Il s’énerve. «On se crée une vie ici, comme si tout cela était normal. Mais plus rien n’est normal pour nous aujourd’hui.» Une petite fille arrive, un seau vide à la main. Pas d’eau aujourd’hui. «Cela arrive parfois. Surtout en ce moment, les Turcs font des travaux, ils posent des pavés sur le sol afin de limiter les poussières. Les enfants étaient souvent malades à cause de cela. Ils ont aussi rajouté des toilettes pour les nouveaux arrivés. On ne vit pas dans de mauvaises conditions, mais on est parqué ici, sans pouvoir rien faire d’autre qu’attendre», raconte le jeune homme, le poing serré.

«Je veux goûter à la liberté»

Un peu plus loin, tente 397. Khalid vient d’arriver dans le camp et range dans un panier les quelques affaires qu’il a apportées. Il boite et semble souffrir de sa jambe gauche. «Je suis infirmier, mais ces derniers mois, j’ai dû faire mon service militaire. On m’avait placé à Tal Qalar, dans le sud. J’ai vu les soldats de mon régiment tirer sur les foules, j’ai vu des civils innocents tomber. Des femmes, des enfants. Ils brûlaient les hôpitaux. Comment aurais-je pu les regarder faire, je suis parti. Mon pays est devenu fou.» Toujours en colère, il allume une cigarette après l’autre, aspire nerveusement chaque bouffée et écrase ses mégots comme pour les faire disparaître. Cela ne semble pas l’apaiser. «Dès que je serai guéri, j’y retournerai. Je préfère mourir plutôt que de vivre dans cette peur. Je veux goûter à la liberté moi aussi», ajoute-t-il avec défi.

Entre les tentes, de grands fils pour étendre le linge ont été bricolés. Une vieille femme plie des draps. Noura est libanaise. Elle avait quitté son pays en 1975 au moment de la guerre civile. «J’ai peur que les combats continuent, j’ai peur que plus d’innocents encore ne meurent à cause de la folie de Bachar al-Assad. J’ai peur de mourir ici. Je veux rentrer chez moi, mourir dans mon jardin, pas dans ce pays que je ne connais pas.» D’un coup, son sourire s’efface, son regard devient triste et désemparé. Elle ramasse son linge et regagne sa tente.

C’est dans cette province turque d’Hatay que pourraient être mis en place les corridors humanitaires proposés par la France pour protéger les civils. En attendant que les politiques s’entendent pour mettre en place cette aide, de nouveaux réfugiés arrivent, cherchent leur tente.

Photo: D.R.
Source: Le figaro du 7 décembre 2011.

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