Les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles ont déclenché une vague de condamnations de tous les pays arabes et islamiques, affirmant leur opposition au terrorisme. Toutefois, certains de ces articles parus dans la presse arabe dénoncent aussi des tentatives, de la part de chaque pays et de chaque bloc régional, de rejeter le faute des attentats sur leurs adversaires respectifs dans la région, tout en accusant l’Occident de soutenir l’adversaire en question.
Ainsi, par exemple, le régime du président Bachar Al-Assad, et le Hezbollah, ont tous deux déclaré que le terrorisme touchant l’Europe était similaire à celui qui sévissait en Syrie. Selon eux, la responsabilité de la propagation du terrorisme mondial incombe à la Turquie, au Qatar et à l’Arabie saoudite, ainsi qu’aux États-Unis et aux autres pays occidentaux qui les soutiennent. D’autre part, la presse saoudienne et les opposants au régime Assad accusent l’Iran et le régime Assad, ainsi que l’Occident, coupable de fermer les yeux.
Dans le même temps, des articles de la presse égyptienne officielle blâment le principal adversaire du régime Al-Sissi – les Frères musulmans (FM) – ainsi que les pays européens qui, selon eux, ont soutenu les FM au cours des dernières années, en dépit des avertissements de l’Egypte.
La presse palestinienne, pour sa part, accuse l’Occident d’encourager le terrorisme mondial en soutenant la politique israélienne et ne faisant pas appliquer les résolutions internationales relatives à la question palestinienne.
Le régime syrien et le Hezbollah : L’Europe et les États-Unis sont responsables des attentats de Bruxelles, en raison de leur soutien à la Turquie, au Qatar et à l’Arabie saoudite, qui parrainent le terrorisme
Le régime syrien, qui accuse régulièrement les États-Unis, l’Europe, l’Arabie saoudite et le Qatar de soutenir les groupes rebelles qui le combattent, tient ces mêmes parties responsables des attaques de Bruxelles. Selon les organes et les porte-parole du régime syrien, les attaques à Bruxelles et à travers le monde sont le résultat de la « politique erronée » des pays américains et européens qui soutiennent le terrorisme parrainé par l’Arabie saoudite, la Turquie et Israël.
Ainsi, par exemple, une source officielle du ministère des Affaires étrangères saoudien a déclaré : « Les attaques à Bruxelles, et avant cela à Paris et ailleurs dans le monde, illustrent une fois de plus le fait que le terrorisme n’a pas de frontières, et que de telles attaques sont le résultat inévitable de la politique mal avisée [de l’Occident] et de sa solidarité avec le terrorisme. L’objectif est d’appliquer des calendriers spécifiques et de légitimer le terrorisme en qualifiant plusieurs organisations terroristes [à savoir les organisations de l’opposition syrienne] de modérées, alors qu’elles ont en définitive émergé de l’idéologie wahhabite takfirie… » [1]
Ali Nasrallah, éditorialiste pour le quotidien officiel syrien Al-Thawra, reproche à l’Europe sa tolérance envers des pays qui selon lui soutiennent le terrorisme, notamment l’Arabie saoudite et la Turquie. Il mentionne la récente visite du prince héritier saoudien Mohammed bin Nayef en France, au cours de laquelle le président François Hollande lui a décerné l’Ordre de la Légion d’Honneur pour ses efforts régionaux et mondiaux de lutte contre l’extrémisme et le terrorisme. Ali Nasrallah appelle les Français à « ne pas laisser leur président nuire à l’héritage de leur patrie et vendre l’honneur de la France aux wahhabites ». Il ajoute : « Ils doivent immédiatement le poursuivre en justice [Hollande] pour avoir humilié les décorations d’honneur françaises en les épinglant à la robe de l’extrémisme saoudien… De surcroît, tous les parlements européens doivent poursuivre leurs propres gouvernements pour leur politique de tolérance envers le régime des Frères musulmans [du président turc] Erdogan… »
« Les explosions à Bruxelles sont un cri d’alarme qui appelle l’Europe à se réveiller de sa torpeur… Elles sont un prolongement direct du terrorisme qui vise les Syriens, verse le sang du cœur des Irakiens et porte atteinte à de nombreux peuples dans la région et dans le monde. Ce terrorisme ne se serait pas propagé si les organisations et les entités le soutenant n’avaient pas reçu le feu vert américain, et les encouragements occidentaux qui ont poussé les Israéliens à mettre leur savoir-faire au service du Qatar, de l’Arabie saoudite et de la Turquie, pour renforcer Al-Qaïda, Jabhat Al-Nosra et l’Etat islamique… » [2]
Pour sa part, le Hezbollah a publié une déclaration rejetant le blâme sur « les forces régionales et internationales » qui soutiennent des groupes terroristes – une allusion à l’Arabie saoudite et au Qatar – et sur les pays occidentaux qui les soutiennent : « La responsabilité de ces crimes, qui visent les villes les unes après les autres dans le monde, incombe aux attaques des takfiris, et des forces régionales et internationales qui se tiennent derrière eux et leur fournissent un soutien doctrinal, moral et matériel. Ces attaques réaffirment le danger de ces groupes terroristes et montrent que le feu qui a consumé l’Europe ainsi que le reste du monde est le même feu déclenché par certains régimes contre la Syrie et d’autres pays de la région. Malheureusement, le monde entier connaît la source de ce danger et ses financiers. Pourtant, malgré cela, les superpuissances continuent de soutenir et de défendre les pays qui parrainent et exportent le terrorisme. » [3]
Presse saoudienne et opposants au régime Assad : L’Iran et le régime Assad sont responsables du terrorisme mondial
La presse saoudienne rejette quant à elle la faute des attentats sur les ennemis de l’Arabie saoudite, l’Iran et le régime Assad, ainsi que sur les pays occidentaux qui, selon elle, ferment les yeux sur le soutien iranien au terrorisme.
Dans son éditorial paru le lendemain des attentats, le quotidien officiel saoudien Al-Riyad accuse l’Iran en ces termes : «… La guerre contre le terrorisme exige non seulement de traquer les terroristes en Irak et en Syrie, là où ils se trouvent, mais aussi de rechercher ceux qui leur offrent refuge sur leur sol, et ceux qui déclenchent le feu du communautarisme et aident les milices terroristes. [Ces milices] attisent sans relâche les flammes de la haine entre communautés et poussent les Syriens et les Irakiens à se comporter de manière extrémistes, suite à la destruction de leurs pays. Telle fut, et telle est encore la situation, à la fois en Irak et en Syrie, en réalité contrôlés par l’Iran. C’est ce même Iran dont la coopération avec Al-Qaïda a été prouvée dans des documents américains récemment publiés, et qui adopte explicitement l’activisme de l’organisation terroriste Hezbollah. S’abstenir d’affronter [l’Iran] forcera la région à faire face à l’avenir à des scénarios difficiles et à des attaques terroristes en série, comme celles de ces derniers jours à Istanbul et à Bruxelles. » [4]
Randa Taqi Al-Din, éditorialiste pour le quotidien saoudien Al-Hayat, basé à Londres, accuse l’Occident d’avoir fermé les yeux ces dernières années devant les informations selon lesquelles le régime Assad et le Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki collaborent avec des organisations terroristes. C’est l’une des raisons pour lesquelles ces organisations constituent désormais une menace existentielle mondiale, ajoute l’auteure. Elle note : « Sans aucun doute, l’Occident, et notamment les États-Unis, ont vu comment, sous leur nez, Nouri Al-Maliki a transféré des militants de l’Etat islamique d’Irak en Syrie, et comment plus tard, Bachar Al-Assad les a libérés de ses prisons et les a utilisés, à tel point que l’EI est à présent son partenaire dans la calcination et la destruction de la Syrie et dans sa menace au monde. Cette menace est devenue une véritable menace existentielle. » [5]
Les opposants au régime syrien soutenus par l’Arabie saoudite et le Qatar accusent également le régime syrien des attentats de Bruxelles, avec le hashtag Twitter en arabe « Les attaques de Bruxelles sont un produit d’Assad ». Le présentateur syrien d’Al-Jazeera Faisal Al-Qassem a twitté : « Vous souvenez-vous des menaces du mufti de Bachar Al-Assad, Ahmad Hassoun, d’envoyer des bombes humaines en Europe ? Bachar Al-Assad a-t-il enfin commencé à mettre à exécution les menaces d’Ahmad Hassoun ? » [6]
L’artiste syrien Hossam Al-Din Malas a également twitté des accusations contre le régime syrien : « Avez-vous oublié ou occulté la source du terrorisme ? Écoutez les menaces proférées par [le mufti] Al-Hassoun relatives à des attaques visant les villes européennes. » Dans un autre tweet, il accuse l’Occident de la propagation du terrorisme : « C’est le monde qui récompense le terrorisme iranien et signe des accords commerciaux avec lui qui est responsable de la croissance et de la propagation du terrorisme. »
Presse égyptienne : L’Europe a été frappée par le terrorisme en raison de son adhésion aux Frères musulmans
La presse égyptienne reporte la responsabilité des attentats de Bruxelles sur le plus grand ennemi intérieur du régime égyptien – le mouvement des FM – ainsi que sur les pays européens qui le soutiennent. Des articles de la presse égyptienne sur les attaques lient le terrorisme de l’EI aux FM et soulignent que les pays européens qui ont adopté les FM ont fini par être brûlés par lui, car les FM sont « le foyer idéologique de toutes les organisations extrémistes takfiries ».
Ainsi, par exemple, on peut lire dans l’éditorial du quotidien officiel égyptien Al-Ahram : « Ces attaques meurtrières confirment que le point de vue égyptien était juste. Depuis longtemps, [l’Egypte] avertit que le terrorisme se propagera au cœur de l’Europe, et que le mépris [flagrant] de l’Occident pour la guerre que l’Egypte et d’autres pays du Moyen-Orient ont menée pendant des années contre le terrorisme ne signifie pas que le feu du terrorisme l’épargnera… »
« Depuis de nombreuses années, certains pays européens entretiennent des liens avec les groupes religieux extrémistes, ont ouvert les bras à leurs dirigeants et leur ont octroyé la liberté d’action et la liberté de mouvement sur leur sol. Ces pays ont pensé pouvoir utiliser ces organisations pour [leurs] intérêts politiques au Moyen-Orient, et [ont cru] à l’illusion que ces organisations défendraient l’Occident contre diabolisme de groupes encore plus extrémistes. »
« Cependant, l’histoire a montré que les organisations religieuses épousées par l’Occident, principalement l’organisation des Frères [musulmans], sont le foyer idéologique de toutes les organisations extrémistes takfiries… et que la présence de ces éléments sur le sol européen leur a permis d’attirer les jeunes vers leur idéologie radicale et de les recruter pour commettre des actes terroristes. »
« L’Egypte a demandé à plusieurs reprises de formuler une stratégie internationale de lutte contre le terrorisme, qui combattrait toutes les organisations et idées extrémistes, sans exception… C’est ce que fait l’Egypte actuellement. Quelqu’un répondra-t-il à l’appel ? » [7]
De même, le journaliste égyptien Muataz Bellah Abd Al-Fattah a écrit un article intitulé « Bruxelles paye le prix » dans le quotidien égyptien Al-Watan, où il affirme que l’Europe récolte les fruits empoisonnés de son indulgence envers les extrémistes : « L’arbre du terrorisme ne pousse que dans les forêts de l’extrémisme. Ceux qui combattent le terrorisme sans lutter contre l’extrémisme perdront les deux guerres… C’est ainsi que les pays occidentaux fonctionnent quand ils permettent à l’extrémisme de fleurir en leur sein, sous prétexte de liberté d’opinion, de liberté de parole et du droit à l’asile politique. Ensuite, ils sont consumés par les flammes de ceux qui perpètrent des actes extrémistes sur leur sol. »
« Pour le terrorisme politique, l’adoption de l’islam politique est nécessaire, mais pas suffisante… Le problème est que l’Occident ne parvient pas à comprendre qu’il abrite des extrémistes, qu’il est ensuite consumé par le feu du terrorisme et qu’il refuse de se considérer comme responsable… » [8]
Un éditorial palestinien : Le soutien occidental à Israël encourage le terrorisme mondial
Des articles de la presse palestinienne insinuent que l’Occident est responsable des attaques de Bruxelles en raison de son soutien à Israël. Dans son éditorial paru au lendemain des attentats, le quotidien palestinien Al-Qods, basé à Jérusalem-Est, souligne que l’Occident, avec son soutien à Israël et sa « politique destructrice », encourage le terrorisme mondial actuel :
« Les raisons de ces actes terroristes méprisables sont : le recours à deux poids, deux mesures par de nombreux pays qui prétendent défendre la démocratie et les droits de l’Homme, aux détriment de certains peuples, principalement en qui concerne la question palestinienne, et le parti pris pro-israélien aveugle des États-Unis ; l’incapacité du monde à prendre des mesures concrètes pour forcer Israël à mettre fin à son occupation des territoires palestiniens ; l’incapacité à appliquer les résolutions internationales relatives à la question palestinienne, et le soutien continuel de nombreux pays à la politique destructrice d’Israël. Tout ceci encourage le terrorisme mondial. Le monde occidental – notamment les Etats-Unis et la Grande-Bretagne – devrait aborder les véritables causes [de ce terrorisme] plutôt que ses conséquences, ou bien [ce terrorisme] menacera non seulement l’Europe, mais le monde entier, et alors personne ne sera à l’abri… » [9]
Lien vers l’article en anglais
Notes :
[1] SANA (Syrie), 22 mars 2016.
[2] Al-Thawra (Syrie), 23 mars 2016.
[3] Alahednews.com.lb, 22 mars 2016.
[4] Al-Riyadh (Arabie saoudite), 23 mars 2016.
[5] Al-Hayat (Londres), 23 mars 2016.
[6] Voir Dépêche spéciale de MEMRI n° 6236, , Conspiracy Theories In Arab World Following Paris Attacks: Foreign Intelligence Agencies Planned The Attacks; ISIS Only Carried Them Out, 9 décembre 2015.
[7] Al-Ahram (Egypte), 23 mars 2016.
[8] Al-Watan (Egypte), 22 mars 2016.
[9] Al-Qods (Jérusalem), 23 mars 2016.
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