Serge Klarsfeld: “La Corse est bien une île des Justes”

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Des Corses ont été les héros ordinaires de la Seconde Guerre mondiale en protégeant des familles juives traquées par le régime de Vichy. À 18 heures, une séance exceptionnelle de l’assemblée de Corse sera consacrée à la diffusion du documentaire d’André et Clémentine Campana Corse, île des Justes tourné pour France 5.

La projection se déroulera en présence des réalisateurs mais également de Serge Klarsfeld, écrivain, historien qui est, avec son épouse Béate, un redoutable chasseur de nazis. Le couple a été à l’initiative des procès de Klaus Barbie, Paul Touvier, Maurice Papon, et bien d’autres qui, sans son obstination, n’auraient jamais rendu de comptes pour leurs abominations et leur inhumanité. À la veille de sa venue à Ajaccio, Serge Klarsfeld, sentinelle vigilante de la mémoire, nous confie ses sentiments…

Comment avez-vous trouvé le documentaire d’André et de Clémentine Campana ?


Très sympathique et tout à fait objectif sur le problème de la présence des juifs en Corse.Ce n’est ni exagéré ni fantaisiste. Au-delà de témoignages souvent bouleversants qui le traversent, le documentaire établit des faits et met en lumière une vérité qui mérite d’être connue et reconnue du plus grand nombre.

« Corse, île des Justes? » Vous auriez tendance à enlever au titre son point d’interrogation ?

Moi, oui. Il y a la force des témoignages et les recherches archivistiques effectuées en Corse, à Paris et en Italie par le jeune professeur d’histoire Louis Luciani qui a contribué de manière minutieuse à révéler des éléments essentiels du dossier corse pendant les années noires de la déportation. Mais pour donner davantage de poids encore à ce pan remarquable de l’histoire contemporaine de la Corse, je suis prêt à entreprendre moi-même les recherches de vérification.

Elles porteraient sur quoi ?

Il s’agit de déterminer le plus précisément possible le nombre de juifs étrangers qui étaient arrêtables au moment de la rafle du 26 août 1942 lancée dans les quarante départements de la zone libre. Des Juifs issus de pays occupés qui n’existaient plus, Autriche, Pologne, Tchécoslovaquie, etc., des juifs allemands et des juifs apatrides, sans nationalités ni passeports. En Corse, on sait qu’ils ont été protégés par les autorités et par la population.

Il y a eu malgré tout un déporté, un seul, un peu comme l’exception qui vient confirmer la règle…

C’est vrai, Ignace Schreter, un juif allemand réfugié dans l’île a été arrêté le 30 septembre 1942 et déporté à Sobibor où il a péri, mais c’était en quelque sorte accidentel. Il a été arrêté sur ordre du secrétaire général de la préfecture d’Ajaccio qui a profité de l’absence du préfet, retenu ce jour-là à une conférence interrégionale à Marseille, et qui, lui, avait eu le cran de désobéir aux circulaires du pouvoir.

Vous faites référence au préfet Paul-Louis Balley qui, avec les sous-préfets Pierre-Henri Rix à Bastia et Jacques Ravail à Sartène, a dissimulé la présence des juifs étrangers dans l’île…

Avec l’assentiment des services de police et de gendarmerie, ils ont prétexté un afflux de « touristes » et ils ont même délivré de vrais-faux passeports turcs. Les archives sont éloquentes sur cette attitude tout à fait inédite en France au niveau des préfets puisque dans tous les autres départements, il y a eu des déportés en nombre. D’ailleurs, après la diffusion du documentaire, j’ai demandé au comité Yad Vashem d’accorder au préfet Balley, diplômé en langues orientales, qui parlait l’hébreu et dont la fille a été fiancée au fils d’un commerçant juif de Bastia, la Médaille des Justes.

Justement, on se souvient de la polémique avec Yad Vashem qui n’attribue sa reconnaissance de Juste des Nations qu’à titre individuel.Est-ce qu’une exception est possible pour la Corse?

Il s’agit d’un titre ancestral dans la tradition juive, et je ne crois pas que Yad Vashem en change la réglementation.C’est bien trop compliqué. Mais on peut toujours imaginer de sa part une déclaration officielle pour saluer cette solidarité collective dans les villes et villages de Corse.

Il y a eu aussi ce camp de regroupement à Asco, et ça laisse planer malgré tout une certaine ambiguïté…

Ce n’est pas ambigu du tout. 80 adultes avaient été placés en résidence forcée, mais il s’agissait d’une volonté de protection de la part des militaires et des diplomates italiens qui ne partageaient pas la vision antisémite de Mussolini. Ces juifs français bénéficiaient aussi du soutien de la population et du maire. Lorsque la Wehrmacht a envahi les zones d’occupation italiennes, dont l’île, elle a été confrontée à la Résistance corse dont on connaît les actes d’héroïsme mais aussi à quelques régiments italiens.

Les manuels d’histoire ont mis 60 ans à dire que la Corse a été le premier département de France à se libérer…

C’est vrai, on a été trop discret sur cet épisode. Comme on a trop souvent ignoré qu’au Siècle des Lumières, Pascal Paoli avait octroyé aux juifs le statut de citoyen à part entière assorti de la liberté de culte. Mais chaque région a sa propre histoire avec les communautés juives.

Ce qui frappe dans le film, c’est que les protagonistes ne parlent ni de courage ni d’héroïsme, mais d’une hospitalité « normale »…

Et pourtant, il n’y avait rien de normal car les risques encourus étaient réels même si dans le rural les sanctions étaient peut-être un peu moins connues. Les familles corses avaient affaire à des gens innocents qui n’étaient pas différents d’eux. Au-delà de l’élan d’humanité, leur sens de l’hospitalité montre qu’elles étaient imperméables à la propagande antisémite.

Donc, vous êtes heureux de venir en Corse…

D’autant plus que tout au long de ma vie, mes déplacements m’ont conduit forcément dans des terres qui ont vécu les événements tragiques de la Shoah. Pour me sortir singulièrement de mes habitudes, je lui suis déjà très reconnaissant…

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