Soral-Dieudonné : une nébuleuse antisémite

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Tribune de Frédéric Haziza publiée dans le hors-série des Études du CRIF anniversaire des 70ans du CRIF

Le CRIF a publié un recueil de textes en hommage au 70e anniversaire du CRIF, qui a été offert aux invités lors du 29e Dîner de l’institution. Ce recueil est composé de trente articles rédigés par des intellectuels, écrivains, journalistes, sociologues, philosophes… Nous reproduisons ci-après le 8ème article de ce recueil : la tribune de Frédéric Haziza, journaliste à Radio J et à LCP, auteur de « Vol au-dessus d’un nid de Fachos. Dieudonné, Soral, Ayoub et les autres » (Fayard, janvier 2014). Nous publierons par la suite l’ensemble de ces textes.

Aujourd’hui, i, en France, on peut être antisémite, on peut être négationniste et le clamer haut et fort. On peut reprendre la prose de la Russie des pogromes, de l’Allemagne nazie, de l’Espagne d’Isabelle la Catholique et de Torquemada. On peut même publier de la pseudolittérature, animer un site soi-disant politique avec une seule obsession : la haine du Juif. On peut jouer à l’humoriste en recyclant les vieux démons et clichés antisémites. Une nébuleuse s’est constituée autour d’un tandem. Alain Soral en est l’idéologue, Dieudonné M’bala M’bala le propagandiste.


Soral et Dieudonné ont décidé de mener un combat en tandem contre ce qu’ils appellent la « tribu », le « système », le « lobby », la « Banque ». Autant de qualificatifs qui désignent les Juifs. Ils utilisent les mêmes phrases et partagent les mêmes mots d’ordre. Ils ont les mêmes obsessions tournées contre les Juifs, les homosexuels et les féministes, voire les femmes. Une véritable idéologie propagandiste se déploie, relayée par les réseaux sociaux et une multitude de groupuscules néonazis. Parmi ceux-ci, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) et Troisième voie, de Serge Ayoub, deux mouvements dissous après l’assassinat de Clément Méric par l’un de ses fidèles, Esteban Morillo.

Soixante-dix ans après la Shoah, le constat est terrible, effrayant : c’est parmi les plus déshérités que se répand un antisémitisme sous couleur d’antisionisme et de complot juif.

Soral, qui se veut essayiste, philosophe, sociologue et penseur, est devenu le prédicateur de l’antisémitisme et du négationnisme sur la Toile.

Car à longueur de vidéos, de contributions sur son site Égalité et Réconciliation et d’analyses dans sa pseudo-littérature, Soral n’a en réalité qu’une obsession : le Juif. Pour lui, le Juif est partout, les Juifs sont partout. Ce qu’il appelle la « tribu » – comprendre la tribu juive – est partout. Du Juif, des Juifs, de la Tribu, il doit en rêver (pardon !en faire des cauchemars) matin, midi et soir. Le Juif et le « Talmud » le hantent. Freud aurait sans doute pu lui être d’un grand secours…

« La vérité, répond ainsi Soral à Naulleau dans Dialogues désaccordés 1 c’est que j’ai découvert la domination juive alors que j’étudiais la lutte des classes. Moi, le Savoyard, des Juifs je n’en ai jamais entendu parler avant de les rencontrer moi-même dans la mode, le journalisme, le cinéma, l’édition, la politique… tous secteurs où je les ai découverts dominants. »

Et le même Soral de poursuivre, en parlant de « domination juive », de « cette communauté juive organisée internationale qui règne aujourd’hui sur le monde occidental, par la montée du capitalisme financier qui a remplacé la féodalité chrétienne (2) ». Le mal, c’est décidément le « lobby » qui envahit tout l’espace, c’est la tribu. Elle est cause de tout : de tous les maux du monde, de toutes les catastrophes, de toutes les injustices de la terre. Une obsession présente à toutes les pages, sur toutes les lèvres, sur tous les dessins, dans tous les commentaires de la secte Soral. Les délires de Soral et consorts, c’est le Protocole des Sages de Sion version XXIe siècle.

Pour faire bonne figure, Soral troque souvent le terme « Juif » par celui, plus politiquement correct, de « sioniste ». Ce que l’on ne peut pas dire sur les Juifs, sur le Juif, il croit pouvoir le dire sur les sionistes, sur le sioniste. Il y a en outre depuis toujours, chez lui, cette tentation d’attirer à lui les jeunes issus de l’immigration.

C’est ainsi que, dans Comprendre l’Empire(3), il stigmatise « des antiracistes gauchistes toujours immigrationnistes, par haine des peuples enracinés. Mais, désormais anti-islamistes, au nom de la défense de la laïcité. Tout cela voulu bien sûr par la toute-puissance de plus en plus visible du lobby sioniste. Une obscénité communautaire parfaitement illustrée par la prosternation générale du personnel médiatique et des instances républicaines, Président de la République en tête, à l’annuel dîner du CRIF ». Et quand Soral développe sa théorie du grand complot comme moteur de l’histoire, c’est encore le Juif qu’il a en ligne de mire. « La lutte du grand capital mondialiste, manipulant et finançant les révolutionnaires professionnels issus de la bourgeoisie cosmopolite […] pour empêcher la jonction populaire, elle authentiquement révolutionnaire de la petite bourgeoisie et du prolétariat national […] étant l’histoire cachée du mouvement ouvrier (4) ».

Soral mène son « combat » en tandem avec Dieudonné via Internet et les réseaux sociaux. La Toile est devenue un monstre qui se nourrit de lui-même. Le site de Soral Égalité et Réconciliation (E&R) est l’un des blogs « politiques » les plus regardés de France. 100 000, 200 000, 400 000, jusqu’à plus d’un million de fois : c’est le nombre de fois que ses vidéos haineuses ont été vues. Militant anti-Le Pen du début des années 1990, Dieudonné est devenu l’allié de l’ex- Président du Front national. Il choisit même Le Pen comme parrain de sa troisième fille en juillet 2008 et côtoie avec entrain les négationnistes militants. Roger Garaudy, Serge Thion ou encore Robert Faurisson deviennent les « penseurs » de la galaxie de Dieudonné, de la nébuleuse qu’il forme avec Alain Soral et Égalité et Réconciliation. Une rhétorique infâme développée à longueur de spectacles, de vidéos, d’apparitions dans les médias… mais aussi lors de leurs procès.

Car Dieudonné, au fil des années, est devenu un familier des prétoires, un multirécidiviste des délits de provocation à la haine raciale, de la diffamation et des injures raciales, des propos antisémites et négationnistes. Un multirécidiviste condamné à de nombreuses reprises par les tribunaux.

Le net est, pour lui comme pour Soral, un terrain d’action privilégié, un champ de bataille, son royaume. Mais le théâtre de la Main d’Or, dont il est gérant, demeure son lieu de ralliement, l’endroit où se retrouvent tous les nouveaux antisémites de France. Depuis longtemps, Dieudonné n’est plus un humoriste : c’est un agitateur de haine.

Dieudonné et Soral sont devenus, en ce début de XXIe siècle, des Drumont du net et des réseaux sociaux. Deux hommes qui se croient intouchables, se voient en stars, se considèrent tout puissants à travers le magnétisme qu’ils exercent sur la jeunesse, notamment celle des quartiers. Pour ce public réceptif aux thèses conspirationnistes, tout est faux dans les médias « aux mains des Juifs », tout est faux dans les livres d’histoire inspirés par les Juifs.

La seule vérité et la seule Histoire du monde sont celles que décrivent Dieudonné, Soral, les sites et comptes Tweeter liés à Égalité et Réconciliation, à Islam et info, à PAS L’Info !, à Tariq Ramadan ou encore au Centre Zhara et à son leader Yahia Gouasmi, un homme clé de la nébuleuse Soral-Dieudonné.

Ce tandem a trouvé son signe de ralliement : la « quenelle ». Ce geste, inventé par Dieudonné, est devenu en réalité le signe de reconnaissance de la fachosphère et il est désormais considéré comme un salut hitlérien à l’envers.

Chez Dieudonné comme chez Soral, le non-dit est toujours le même, au point que leurs interlocuteurs comprennent à demi-mot leur antisémitisme. La « soralisation » doublée de la « dieudonnisation » des esprits est en marche.

Et ces deux maux représentent un danger mortel pour la démocratie et le vivre ensemble.

Notes :

1. Éric Naulleau et Alain Soral, Dialogues désaccordés, Paris, Hugo, 2013, p. 107.

2. Ibid. , p.107-108.

3. Alain Soral, Comprendre l’Empire, Paris, Éditions Blanches, 2011, p. 190-195.

4. Ibid. , p. 133.

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