Rubinstein indica que Natanyahu está por encima de las leyes y que Israel ya no es un país civilizado

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Rubinstein: « Netanyahu au-dessus des lois, Israël n’est plus un pays civilisé »

Il y a quinze mois, alors que l’enquête sur les malversations présumées du Premier ministre Benjamin Netanyahu battait son plein, j’avais interviewé l’ex-procureur-général Elyakim Rubinstein – qui servait alors sous Netanyahu – qui avait répondu à mes questions assis derrière un bureau croulant sous les documents dans le bâtiment qui accueille la Cour suprême de Jérusalem.

Notre dialogue, ce jour-là, avait porté sur l’un de ses successeurs, le Procureur-général en titre Avichai Mandeblit et j’avais voulu savoir tout particulièrement – même si je n’avais pas soumis mes interrogations de manière aussi directe – s’il estimait que Mandelblit aurait le courage et l’intégrité nécessaires pour décider d’une inculpation du Premier ministre si cela s’avérait nécessaire.

Rubinstein, pour sa part, n’aurait certainement jamais répondu à des questions posées d’une manière si personnelle et sans ménagement, mais il avait clairement affirmé qu’il avait confiance en Mandelblit et qu’il avait la certitude que l’homme en charge du poste le plus sensible du système judiciaire israélien agirait de manière appropriée face aux éléments et aux preuves dont il disposerait.


Un an plus tard, le 29 février 2019, ces preuves ont amené Mandelblit à émettre un procès-verbal très détaillé contre notre Premier ministre d’une décennie.

Il y accuse Netanyahu d’avoir largement abusé de sa fonction pour faire avancer ses intérêts personnels, d’avoir sapé ceux de l’Etat, et il y avertit Netanyahu qu’il pourrait bien devoir répondre de fraude et d’abus de confiance dans trois dossiers et de pots-de-vin dans l’un d’eux à moins que le Premier ministre ne parvienne à le persuader de son innocence lors d’une audience qui a été récemment prévue pour le début du mois d’octobre (Dans l’affaire de pots-de-vin, l’Affaire 4000, Netanyahu aurait adouci des conditions commerciales – mettant les modernisations vitales de l’infrastructure internet en Israël au point mort – pour un montant de centaines de millions de dollars au bénéfice du magnat des télécommunications Shaul Elovitch, qui, en échange, avait offert une couverture médiatique positive des actions de Netanyahu sur le site Walla – deuxième plus important site d’information israélien – lui permettant également de s’assurer une couverture à son goût).

Elyakim Rubinstein, un juge à la retraite de la Cour suprême, près de son bureau dans le bâtiment de la Cour suprême (Crédit : Hadas Parush / Flash90)

Cette semaine, je suis retourné voir Rubinstein – et pas, cette fois, pour débattre de la sagesse et de l’expérience acquises lorsqu’il était procureur-général (de 1997 à 2004, une période durant laquelle il avait lui aussi enquêté sur Netanyahu) mais plutôt pour m’entretenir sur le pan de sa carrière qui avait suivi, lorsqu’il était magistrat à la Cour suprême (de 2004 jusqu’à sa retraite obligatoire en tant que vice-président adjoint du tribunal, en 2017, alors qu’il était âgé de 70 ans).

Il faut dire qu’en Israël aujourd’hui, les affaires légales et judiciaires sont dans la tempête. N’étant pas parvenu à dissuader Mandelblit de publier ses accusations présumées à son encontre, le Premier ministre tente maintenant d’échapper aux poursuites qui le menacent – via un processus en deux temps : Se garantir l’immunité face aux poursuites puis ôter à la Haute-cour l’autorité dont elle dispose, qui a été légiférée par la Knesset, pour s’opposer à cette nouvelle immunité.

On a inventé un nouveau genre de démon qui affirme que la Haute-cour intervient dans la démocratie

Quelque peu circonspect comme à son habitude, Rubinstein, au cours de notre conversation téléphonique, cette semaine, a refusé – ce qui n’est guère surprenant – de spéculer sur l’issue probable du bras de fer judiciaire engagé avec Netanyahu.

L’un de ses prédécesseurs les plus estimés et les plus controversés, Aharon Barak, ancien président de la Cour suprême, a expliqué que s’il était encore aujourd’hui à son poste, il songerait à démissionner si les députés devaient légiférer – plusieurs parlementaires de la prochaine coalition ont clairement dit que telle était leur intention – la fin du droit de la Cour à s’opposer à des lois et à des décisions jugées comme non-constitutionnelles. A quoi servirait de rester ? s’est interrogé Barak au cours d’un entretien accordé à la Treizième chaîne.

« La mission qui est au cœur de la Cour suprême est de protéger la démocratie, de protéger la constitution », a-t-il observé. « Elle ne peut pas protéger la démocratie et elle ne peut pas protéger la constitution si elle ne dispose pas des outils pour le faire ».

Rubinstein, en ce qui le concerne, a refusé de faire part de la réponse que devraient apporter, selon lui, les magistrats à la Cour suprême à ce séisme annoncé qui pourrait secouer le système judiciaire tout entier.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, (à gauche), et le secrétaire de cabinet de l’époque, Avichai Mandelblit, lors d’une réunion du cabinet le 4 janvier 2015. (Marc Israel Sellem/Pool/Flash90)

Mais peut-être très précisément parce que Rubinstein est une personnalité généralement circonspecte et diplomate – il a été diplomate au cours de sa carrière et il a aidé aux négociations du traité de paix avec l’Egypte et pris la tête des pourparlers israéliens avec la délégation jordanienne et palestinienne créée suite à la conférence de Madrid en 1991, dirigeant également les discussions qui devaient aboutir au traité de paix signé en 1994 avec la Jordanie – ses mises en garde, au cours de notre entretien, sur les dangers qui planent dorénavant sur la neutralisation des capacités de la Cour suprême ont une résonance toute particulière.

Je lui ai demandé à plusieurs occasions si le type de législation de « contournement » prônée par certains, au sein de la prochaine coalition, et qui rendrait superflue la plus haute instance judiciaire de l’Etat juif, constituerait la fin d’Israël en tant que démocratie si elle était adoptée.

Et il a choisi à chaque fois de ne pas répondre à la question en utilisant cette formulation exacte.

« Je ne suis pas le type de personne à faire toutes sortes de déclarations extrêmes. Et je ne suis pas pressé de faire l’éloge funèbre de la démocratie », a-t-il rétorqué à un moment de notre interview.

Et pourtant, Rubinstein s’est senti dans l’obligation de dire que si le Premier ministre – par le biais de son immunité et du contournement de la Cour suprême – devait se placer de facto au-dessus de la loi, notre démocratie serait « très certainement » affaiblie et blessée. Et en fait, Rubinstein est allé plus loin : Si le Premier ministre devait « échapper à un procès, que ce soit par le biais d’une nouvelle législation ou avec le soutien de la Knesset sous les termes de la loi actuelle », a-t-il expliqué, « cela ferait vraiment de nous… un pays qui ne serait plus civilisé ».

Ce qui suit est une retranscription légèrement réexaminée de notre entretien qui s’est déroulé en hébreu.

Times of Israel : Lorsque nous nous sommes rencontrés la dernière fois, nous avons évoqué la capacité du procureur-général à faire ce que son travail exigerait de lui. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation complètement différente. L’on porte beaucoup d’attention à la loi sur l’immunité, mais garantir l’immunité face aux poursuites sous les termes de la loi actuelle – ou d’une version amendée – ne suffirait pas à protéger le Premier ministre si la Haute-cour devait rejeter cette immunité.

Je veux donc comprendre ce qui se joue ici, de votre point de vue, en ce qui concerne la menace qui plane actuellement sur l’équilibre entre la Knesset et les tribunaux. Pourquoi cette évocation d’une législation qui permettrait de « contourner » l’autorité de la Cour suprême est-elle dangereuse ? Quel regard portez-vous sur la situation ?

Elyakim Rubinstein : Il me semble que la période entière que nous sommes en train de vivre se caractérise par ce qu’on pourrait qualifier d’attaques contre le système judiciaire – contre les tribunaux mais aussi contre le procureur-général.

De nombreux messages circulent qui dépeignent les tribunaux comme les ennemis du peuple. Par exemple, avec la désignation du futur procureur d’Etat, le message est que n’importe qui pourra être nommé à ce poste, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un juge. Qu’y aurait-il de regrettable à désigner un juge ? Au cours des 30 dernières années, il y a eu des magistrats à cette fonction qui ont fait un bon travail.

Un magistrat qui a l’expérience et les capacités d’assumer ce travail, de faire preuve d’objectivité, d’avoir une vision globale d’une situation sous tous ses aspects : Mais il ne sera pas pris en compte simplement parce qu’il est juge ?! Quel est l’objectif de ce type de message ?

Elyakim Rubinstein à son bureau de la cour suprême de Jérusalem (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Concernant la « clause de contournement », nous n’en avons pas besoin. On a inventé un type de démon que affirme que la Haute-cour intervient dans la démocratie.

Les statistiques que j’ai été amené à voir montrent qu’entre 1992 — moment de l’adoption de la Loi fondamentale : Dignité humaine et liberté et année où a eu lieu ce qu’on appelle dorénavant la « révolution judiciaire » et 2017, il y a eu environ 450 plaintes déposées auprès de la Haute-cour concernant des lois. Dix-huit ont été acceptées. Ce qui est le pourcentage le plus faible de tout le monde occidental, selon les données comparatives disponibles.

La Cour est très prudente là-dessus. L’accuser d’intervenir dans la démocratie, eh bien, comme le disait feu ma grand-mère en yiddish, « cela n’a jamais été le cas et ce n’est jamais arrivé ».

Soit dit en passant : La « révolution judiciaire » a été instituée par la Knesset et non par les anciens présidents de la Haute-cour Aharon Barak, Meir Shamgar ou par la Cour suprême elle-même. Il suffit de lire la Loi fondamentale : Dignité humaine et liberté et il est clair que la Haute-cour dispose d’un pouvoir législatif. Et ce sont les parlementaires qui ont accordé cette autorité à la cour.

De gauche à droite : Le ministre de la Justice Tsachi Hanegbi, le ministre des Affaires étrangères David Levy, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le secrétaire de cabinet Danny Naveh, non-identifié, le procureur-général Elyakim Rubinstein, le ministre de la Santé Yehoshua Matza, le conseiller de Netanyahu Avigdor Liberman, avant une réunion du cabinet à Jérusalem, le 18 avril 1997 (Crédit : AP Photo/Zoom 77)

Deuxièmement, si l’objectif de tout cela est d’accorder l’immunité au Premier ministre face aux poursuites, eh bien, écoutez-moi : Je ne hais pas Benjamin Netanyahu. Je pense qu’il a beaucoup de talent, qu’il a fait beaucoup de choses importantes. Mais au sujet de ce qu’il veut faire pour simplement échapper à un procès – que ce soit par une nouvelle législation ou par le soutien de la Knesset sous les termes de la loi actuelle : Je pense qu’il ferait vraiment de nous un pays du tiers-monde, pas un pays civilisé. Et c’est évidemment très inquiétant.

Je joue l’avocat du diable. Si je suis un citoyen ordinaire, pourquoi est-ce que cela devrait m’inquiéter ? J’ai élu les membres de la Knesset, le gouvernement. Est-ce que ce n’est pas une bonne chose qu’ils prennent des décisions sur ces questions ? Comment la Haute-cour, avec ses pouvoirs actuels, protège-t-elle les citoyens ordinaires, et pourquoi ne pas priver les juges de leurs prérogatives ?

Comment les tribunaux protègent-ils les citoyens moyens ?! C’est très simple. En ce qui concerne les plaintes déposées devant la haute-cour – une partie importante de sa mission est de protéger les sections les plus faibles de la société, de défendre les droits de l’Homme et les droits civils, de défendre les minorités – toutes les minorités. Son devoir est aussi de protéger les droits des femmes. De s’assurer que les budgets sont équitablement distribués, que les nominations à des fonctions ne seront pas entachées d’illégalité, de garantir que les terrains appartenant à l’Etat ne sont pas répartis de manière arbitraire et corrompue, et de trancher sur beaucoup d’autres questions encore.

Bien entendu, il y a des sujets controversés qui doivent être débattus – comme les questions relatives à la religion et à l’Etat. Il n’y a pas de consensus public là-dessus et beaucoup de points de vue diffèrent.

Je ne hais pas Benjamin Netanyahu. Je pense qu’il a beaucoup de talent, qu’il a fait beaucoup de choses importantes. Mais au sujet de ce qu’il veut faire pour simplement échapper à un procès – que ce soit par une nouvelle législation ou par le soutien de la Knesset sous les termes de la loi actuelle : Je pense qu’il ferait vraiment de nous un pays du tiers-monde, pas un pays civilisé

Mais en général, la Haute-cour qui siège en tant que Cour suprême protège les secteurs les plus vulnérables de la société.

En ce qui concerne la législation, c’est écrit dans la Loi fondamentale : Dignité et liberté humaines, que les droits d’un individu ne peuvent être floués que s’ils s’opposent à un impératif approprié qui se conforme aux valeurs qui se trouvent au coeur d’Israël. Qui le détermine ? La Cour suprême. Personne d’autre ne peut le faire. Les valeurs qui se trouvent au coeur d’Israël n’ont pas été écrites et ce sont donc les tribunaux qui sont chargés de les déterminer et de les rappeler sur la base de ce qui a été statué dans la Déclaration d’indépendance et ailleurs.

Ce que je m’efforce de dire, c’est que si nous réduisons le pouvoir des tribunaux, alors c’est la question des droits de l’Homme qui sera endommagée.

Est-ce que je ne peux pas faire confiance au gouvernement pour une gestion responsable de ces questions ?

C’est pour cela que ce modèle de contrôle et d’équilibre a été créé. La loi établit que sous certaines conditions, si un individu clame que ses droits ont été bafoués, alors les tribunaux examineront ses doléances et détermineront si elles sont justifiées, comme je l’ai dit, au regard des valeurs qui se trouvent au coeur d’Israël.

L’objectif de ces contrôles et de ces équilibres entre les différentes hiérarchies [législature, exécutif et judiciaire] est de garantir qu’aucune autorité ne dispose d’un pouvoir absolu. Nous vivons dans un système où la démocratie est préservée par ces contrôles et par ces équilibres. Nous, au sein de l’Etat d’Israël, n’avons pas inventé ça : C’est un système qui existe dans de nombreux pays. Et on veut réduire aujourd’hui les pouvoirs des tribunaux… C’est terrible, tout simplement.

Le juge à la cour suprême Elyakim Rubinstein, à droite, parle avec l’avocat Itamar Ben Gvir lors d’une réunion de la Commission centrale électorale avant les élections israéliennes de 2013 (Crédit :Miriam Alster/FLASH90)

Parmi les 18 lois dans lesquelles la Cour suprême est intervenue, y a-t-il un ou deux exemples dont vous puissiez nous faire part qui puissent démontrer pourquoi il est vital que le tribunal conserve son autorité ?

Je vais vous donner un exemple récent, où la cour est intervenue sur la question des prisons privatisées – pour garantir que les prisonniers resteraient placés sous la responsabilité de l’Etat. Il y a eu aussi le combat sisyphéen qui concerne le partage à égalité du fardeau du service militaire obligatoire – l’idée que les hommes ultra-orthodoxes devaient eux aussi servir au sein de l’armée. [La Cour suprême a rejeté des projets de loi qui offraient de larges exemptions de service militaire pour les membres de la communauté ultra-orthodoxe]. Certaines de ces interventions n’ont pas concerné des législations de la Knesset mais plutôt des décisions gouvernementales – comme, en revenant aux prisonniers, l’espace qui devait leur être alloué. Il y a aussi des questions relatives à l’Assurance nationale : Qui y est éligible ? Si quelqu’un est propriétaire d’une voiture – il est pauvre, mais il a besoin d’une voiture pour se rendre à son travail – est-ce que c’est une raison suffisante pour lui ôter son éligibilité aux indemnisations versées par l’assurance nationale ? Il y a un grand nombre de questions qui sont liées à l’individu et à ses droits.

La Haute Cour de justice se réunit pour une audience sur la loi de régulation à la Cour suprême de Jérusalem le 3 juin 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)

Mais je ne vous ai pas donné encore un tableau complet. Le tableau complet de la Cour suprême, ce n’est pas seulement sa mission de supervision des lois à la Knesset. Le gros de son travail est lié aux décisions gouvernementales. Il y a un grand nombre de décisions gouvernementales auxquelles la Cour suprême a aidé. Par exemple, sur les questions de genre – qu’une femme puisse devenir pilote ou directrice d’une cour rabbinique. Ou sur les droits des minorités – en ce qui concerne les allocations budgétaires. Et aussi, bien sûr, sur les problèmes qui concernent les Palestiniens – la cour n’est pas intervenue sur les implantations construites sur des terrains appartenant à l’Etat mais elle l’a fait lorsque des avant-postes avaient été érigés sur des terres privées.

Si l’autorité de la Haute-cour dans ces domaines – son droit de supervision et d’intervention dans les législations, dans les décisions gouvernementales et de la Knesset – lui est retirée, cela signifie-t-il qu’Israël ne sera plus un pays démocratique ?

Il faut prendre en compte l’accumulation, la direction dans laquelle vont les choses. J’ai dit dans l’interview qu’une « clause de contournement » n’était pas nécessaire. J’y suis défavorable. Mais si certains pensent vraiment qu’elle est vitale, si certains font avancer une loi qui exigerait le soutien de 75 à 80 députés de la Knesset [forte de 120 membres] afin de relégiférer un texte précédemment rejeté par la Cour suprême, alors ainsi soit-il. Cela signifierait que les députés de la coalition et de l’opposition sont inclus là-dedans. Mais si la Knesset n’exige qu’une simple majorité, qui n’impliquerait que la coalition seule, alors ça ne serait pas acceptable.

Dans le monde démocratique tout entier, on ne trouve qu’une clause de contournement au Canada et la cour fédérale n’en a jamais fait usage. Pas une seule fois. Les tribunaux des provinces l’ont utilisée à quelques occasions. En d’autres mots, nulle part, dans le monde démocratique, une telle clause existe – telle qu’elle est envisagée ici.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu salue ses sympathisants après la clôture du scrutin des élections générales israéliennes à Tel Aviv, Israël, le mercredi 10 avril 2019. (AP Photo/Ariel Schalit)

Il faut prendre en compte également la mentalité de l’Etat d’Israël. Il faut penser à ce qui arrivera si on devait adopter une « clause de contournement ». Toutes les semaines, on aura un jugement de la Cour suprême que quelqu’un aura trouvé déplaisant. Et immédiatement, à la Knesset, il y aura quelqu’un qui soumettrait un projet de loi pour contourner le dit-jugement. Au lieu de se préoccuper du système de santé, de la sécurité, de l’économie, du social – non ! il faudra s’occuper d’un jugement des magistrats. Et je vous le demande, ne pensez-vous pas également que c’est très précisément ce qui arrivera ici, dans notre réalité israélienne ?

Alors, encore une fois, comment pourrions-nous définir notre pays si c’est ce qui arrive ?

C’est une accumulation de questions : Si ça arrive, et s’ils le font vraiment, alors nous tirerons des conclusions. Netanyahu est innocent jusqu’à preuve du contraire et il a droit à une audience avant d’être peut-être inculpé. Mais si après tout cela, il y a une inculpation et qu’elle comprend des pots-de-vin, et que la Knesset fait disparaître tout cela en lui accordant l’immunité, alors ce sera le tiers-monde.

Et si la Knesset « fait disparaître tout ça » puis qu’elle empêche l’intervention de la Cour suprême…

Je ne sais pas exactement ce qu’ils sont en train de prévoir mais si cela atteint un niveau où la Cour suprême ne pourrait plus intervenir… On parle de la « loi française » mais alors qu’un président peut échapper aux poursuites judiciaires le temps de son mandat, en France, un mandat présidentiel est limité à dix années. Ici, il n’y a aucune limite pour un Premier ministre. Si la personne concernée continue, continue et continue encore à conserver sa fonction [et à éviter des poursuites], alors nous sombrerons dans l’ensemble dans une bien mauvaise plaisanterie.

Et dans la mesure où le Premier ministre se trouverait au-dessus de la loi, nous ne pourrions plus qualifier notre pays de démocratique ? Je suis désolé d’insister à ce sujet mais il est important d’établir clairement les enjeux.

Je ne suis pas le genre de personne à faire toutes sortes de déclarations extrêmes. Et je ne suis pas pressé de faire l’éloge funèbre de notre démocratie. Mais dire que tout cela affaiblirait notre démocratie, la blesserait : Très certainement.

Si la Knesset accorde l’immunité à Netanyahu, la Cour suprême interviendra-t-elle ?

Je ne veux pas spéculer là-dessus.

Que dites-vous quand vous entendez Netanyahu dire qu’il a reçu un mandat et une démonstration de soutien de la part de la population le 9 avril et qu’il est donc préférable au niveau démocratique qu’il se conforme à la volonté populaire en dirigeant le pays et qu’il s’occupera de ses affaires judiciaires plus tard, quand il ne sera plus à ses fonctions ?

Nous devons faire une distinction claire entre les aspects judiciaire et politique. Avec tout le respect que je dois à Netanyahu et aux élections, si nous commençons à mélanger le judiciaire au politique, alors nous entrons sur un terrain glissant.

Excessivement glissant.

Judge Elyakim Rubinstein, head of the Central Election Committee, tallying votes in Jerusalem on Tuesday. (photo credit: Miriam Alster/Flash90)

Le juge Elyakim Rubinstein, chef de la commission centrale des élections, compte les votes à Jérusalem, le 24 janvier 2013 (Crédit :: Miriam Alster/Flash90)

Que feront les magistrats de la Cour suprême eux-mêmes si la Knesset vote en faveur de la clause de contournement, si les députés réduisent les pouvoirs de la cour ? Que feront-ils ? Que va-t-il se passer ? Il est probable qu’une plainte sera déposée auprès de la Cour suprême pour rejeter la législation neutralisant sa propre autorité ! Et ensuite ?

Je vous ai déjà dit que je ne me livrerai pas à des spéculations sur ce que décidera la Cour suprême, quel que soit le sujet.

Je comprends mais néanmoins…

Ne perdez pas votre temps, je ne vais pas répondre.

Alors aidez-moi à formuler une question à laquelle vous seriez en mesure de répondre, parce que je veux comprendre ce qu’il pourrait se passer. Les juges démissionneraient-ils ? Se mettraient-ils en
grève ?

Dieu nous en préserve, si on en arrive là, il faudra bien trouver le moyen de s’en sortir. Je ne vais pas me laisser à aller à plaisanter maintenant parce que la question est trop grave. Mais Henry Kissinger disait : « Quand on arrivera au pont, alors on le traversera doublement ».

Je comprends votre réponse. Je voudrais néanmoins que vous nous fassiez profiter de votre savoir. Avez-vous connaissance de précédents dans d’autres pays dont nous pourrions tirer les leçons, dans lesquels de telles choses se sont produites ?

Je ne peux pas citer d’exemples concrets d’autres pays. Mais regardez ce qui est en train d’arriver dans l’est de l’Europe – la manière dont le nationalisme, pour des raisons diverses et variées, limite les pouvoirs des tribunaux. Vous savez quels sont les pays auxquels je fais allusion.

Nous ne voulons pas ressembler à ces pays qui, dans le monde, veulent neutraliser leurs tribunaux. Nous n’en sommes pas là et j’espère que nous n’en serons jamais là. Mais les signaux envoyés sont inquiétants

Le président Roosevelt avait tenté « d’emballer » les tribunaux parce qu’il rencontrait des problèmes avec une cour conservatrice au sujet de sa loi du New Deal mais, au final, il avait également reculé.

Nous ne voulons pas ressembler à ces pays qui, dans le monde, veulent neutraliser leurs tribunaux. Nous n’en sommes pas là et j’espère que nous n’en serons jamais là.

Mais les signaux envoyés sont inquiétants.

Ecoutez la manière dont se sont exprimés certains candidats au poste de ministre de la Justice. J’ai entendu l’un d’entre eux déclarer clairement et à voix forte à la radio que la haute-cour était « impudente ». Un autre a dit : « Je vais nettoyer l’écurie ». Il parlait du ministère de la Justice ! De quelle écurie parlait-il donc ? Le bureau du procureur-général, c’est une écurie ?! Le bureau du procureur d’Etat, c’est une écurie ?!

Toutes ces autorités – les tribunaux, le bureau du procureur-général, le procureur de l’Etat – toutes peuvent faire des erreurs. J’ai travaillé dans toutes ces instances. La meilleure preuve qu’il peut y avoir des opinions différentes, c’est qu’il y a de nombreux cas au sein de la haute-cour elle-même où il y a des avis minoritaires et majoritaires parmi les magistrats. Et clairement, la minorité pense que la majorité a tort. Mais qu’un député issu de l’un des partis candidats au portefeuille de la Justice puisse dire qu’il faudrait « utiliser des bulldozers D9 pour raser la Cour suprême » ? Qu’il se prête au calembour en hébreu selon lequel la Cour suprême n’est pas la moelle épinière de l’Etat mais plutôt sa moelle massacrante ? Et pourquoi ? Parce que la cour a émis une ordonnance intermédiaire stoppant la démolition de maisons. Quand il y a une plainte contre des démolitions de maisons, il est impossible de la prendre en compte sans une ordonnance intermédiaire qui permette de geler ces destructions. On ne peut pas d’abord démolir les maisons, puis prendre en compte la plainte…

Que doivent faire maintenant les Israéliens soucieux de préserver les équilibres et les contrôles qui maintiennent en place la démocratie israélienne ?

Il y a beaucoup de choses à faire. Je suis également prêt à participer à toute activité susceptible d’avoir une influence.

D’éminents avocats, universitaires ainsi que des juges à la retraite ont pris la parole pour faire part de leur opposition – un groupe important de personnalités qui ont des choses à dire en la matière.

Les Israéliens brandissent des drapeaux lors d’un rassemblement contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu à Tel Aviv, le 25 mai 2019 (Crédit : JACK GUEZ / AFP)

J’espère également qu’à la Knesset, il y aura des parlementaires qui comprendront et qui souhaiteront écouter, et que ça aura un impact. Je ne peux pas néanmoins prédire ce qu’il va se passer. Je ne fais pas partie du système politique.

Quel est l’état d’esprit des magistrats à la Cour suprême ?

Je ne discute pas de ça avec eux.

Au moment où je vous parle, je fais partie d’un groupe constitué de plusieurs professeurs et d’un général de brigade druze qui tente de promouvoir l’amendement et la correction de la loi sur l’Etat-nation sans endommager d’aucune manière le principe qui se trouve au coeur de la loi, que nous soutenons – à savoir qu’Israël est le foyer national du peuple juif. Nous voulons ajouter une clause supplémentaire qui fait référence à l’égalité pour les citoyens non-juifs.

Nous pensons, pas en termes juridiques – parce qu’il y a des plaintes qui ont été déposées à la Cour suprême – mais par souci d’équité et par nécessité d’afficher notre solidarité avec les citoyens non-juifs qu’un amendement qui établira clairement qu’il y a une égalité, que l’Etat est le foyer de tous ses citoyens, est nécessaire. Je ne suis pas le seul à le penser. Le groupe entier le pense. Je pense que c’est important de le mentionner.

Et enfin, après avoir dit tout ça, il y a deux choses que je souhaite ajouter.

La première : Le système judiciaire israélien et en particulier la Cour suprême sont un atout stratégique pour Israël, reconnu à l’international, et il doit le rester.

La seconde : Israël est un grand pays, un grand Etat, le rêve issu de millénaires d’exil et de persécutions. Il peut s’enorgueillir d’avoir accompli des choses superbes, grâce à Dieu, notamment les traités de paix avec l’Egypte et la Jordanie – auxquels je suis fier d’avoir participé. Nous devons œuvrer à ce que ce bel ouvrage se poursuive.

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