Le principal parti d’opposition en Turquie accuse le gouvernement de l’AKP de crimes contre l’humanité : selon lui, les attaques chimiques en 2013 en Syrie ont été menées par l’EI avec du gaz sarin fourni par la Turquie ; le gouvernement turc a clos l’enquête sur cette affaire et relâché les suspects

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Lors d’une conférence de presse tenue le 21 octobre 2015 à Istanbul, Eren Erdem et Ali Seker, députés du principal parti d’opposition en Turquie, le Parti républicain du peuple (CHP), ont affirmé que l’attaque chimique en août 2013 contre la banlieue de Ghouta, au cours de laquelle des centaines de civils avaient été tués, a été menée par l’Etat islamique (EI) et non par le régime d’Assad, et que le gaz utilisé avait été fabriqué en Turquie et fourni à l’EI en connaissance de cause du gouvernement de l’AKP. Selon eux, le gouvernement avait donné l’instruction au procureur turc de clore l’enquête sur cette affaire. Ils accusent le gouvernement de participation à un crime contre l’humanité. 

Selon Eren Erdem et Ali Seker, le cabinet du procureur général à Adana avait lancé une enquête pour éclaircir les soupçons sur la fourniture par la Turquie d’armes chimiques, via plusieurs hommes d’affaires, à des organisations djihadistes ayant rejoint l’EI en Syrie. L’acte d’accusation contre les suspects incluait également des accusations contre le gouvernement.

Selon ces députés, les membres du cabinet du procureur ont déterminé que les suspects avaient fourni à l’Entreprise industrielle chimique et mécanique, société publique turque, des matières premières qu’ils avaient achetées à l’étranger, utilisées en partie par cette société pour fabriquer du gaz toxique. Les missiles utilisés pour tirer les capsules contenant le gaz toxique ont également été fabriqués en Turquie. En outre, il a été établi que des transactions financières entre l’Arabie saoudite et la Turquie avaient eu lieu concernant ces matériaux.


Brandissant le rapport de 190 pages, Erdem a affirmé que le cabinet du procureur avait procédé à une surveillance technique et à des écoutes minutieuses, ajoutant : « Tout est dans le dossier. Tous les détails et les enregistrements audio sont là, y compris la manière dont le gaz sarin a été fabriqué en Turquie et livré aux terroristes. Leurs conversations téléphoniques révèlent tous les détails, y compris leurs adresses. » Erdem a déclaré qu’un crime contre l’humanité avait été commis et que les responsables étaient le gouvernement de l’AKP et le Premier ministre d’alors, Erdogan, qui ont fourni le gaz sarin aux terroristes de l’EI. Il a affirmé que les représentants du gouvernement de l’AKP avaient donné l’instruction à Mehmet Arikan, le procureur d’Adana responsable du dossier, de « clore l’enquête » et que le ministre de la Justice d’alors, Bekir Bozdag, l’avait convoqué et lui avait demandé de le tenir informé à l’avenir avant d’ouvrir une autre enquête de ce type contre une organisation islamique.

Seker, pour sa part, a déclaré que le gouvernement avait soutenu de manière mensongère que le sarin utilisé dans l’attaque avait été fourni par la Russie et utilisé par Assad contre son propre peuple. Le gouvernement turc a fait ces déclarations, selon Seker, afin de déclencher une intervention militaire américaine en Syrie pour renverser le régime d’Assad, conformément à l’agenda politique d’Erdogan. Il a également souligné que l’accusation et les preuves réunies établissaient qu’un crime de guerre a été commis, au sein des frontières de la République turque. Aucun gouvernement, a-t-il affirmé, ne peut être autorisé à envoyer d’armes et du gaz sarin à un autre pays pour destituer son régime. Si des millions de Syriens frappent aujourd’hui aux portes de la Turquie et de l’Europe, et si le corps du petit garçon réfugié Aylan s’est échoué sur la rive, la responsabilité en incombe à ceux qui ont envoyé ces armes. « L’humanité demandera un jour des comptes à l’ancien Premier ministre [Erdogan] et au ministre de la Justice [Bozdag] », a-t-il déclaré.

Le quotidien d’opposition indépendant Cumhuriyet a publié les transcriptions présumées de certaines des conversations entre les suspects dans l’affaire, au cours desquelles ils affirment que la livraison des armes chimiques, qu’ils désignent comme de « l’eau minérale », à la frontière turque s’est bien passée et que les personnalités officielles ne poseront pas de problème. Selon le journal, l’ensemble des 13 suspects initialement arrêtés ont été relâchés le 1er juillet 2013, après la décision du gouvernement de clore l’enquête, et ont été autorisés à rejoindrelibrement la Syrie. [1]

Les médias ont également rapporté que l’origine du gaz sarin utilisé dans l’attaque faisait l’objet d’une enquête des Nations unies et qu’un rapport sur ce sujet serait bientôt publié. [2]

Notes :

[1] Cumhuriyet, 21 octobre 2015

[2] Cumhuriyet, Todays Zaman, 21 octobre 2015

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