Par : Steven Stalinsky *
« La musique est… la flûte du diable. » – Oussama ben Laden [1]
L’État islamique (EI) a publié une déclaration revendiquant l’attentat du 13 novembre 2015 au Bataclan à Paris, soulignant qu’il s’agissait d’une réaction à la guerre de la France contre l’islam et à son affront à Mahomet. L’attaque contre la France était un avertissement, et seulement la « première pluie », selon la déclaration. Elle a également révélé que huit hommes portant des ceintures d’explosifs et transportant des mitrailleuses avaient visé des lieux « soigneusement choisis » au cœur de la capitale française, y compris, en plus de la salle de concert, le Stade de France et un certain nombre de cibles dans les 10e, 11e et 18e arrondissements de la ville.
A propos de la salle du Bataclan, où les victimes de l’attentat étaient venues assister à un concert du groupe de rock américain Eagles of Death Metal, l’EI a écrit que l’endroit était rempli de centaines de « polythéistes » participant à une célébration « de la fornication et de la débauche ». Grâce à Allah, dit-il, les attentats simultanés ont réussi à ébranler Paris et ses rues, tuant plus de « 200 croisés ». [2]
Le choix du Bataclan n’est pas anodin : un groupe américain, une salle de concert au public mixte, des femmes habillées à l’occidentale, de l’alcool et de la musique live, tout ce que l’EI juge anti-islamique et interdit.
L’EI contrôle, en Irak, en Syrie et en Libye, des lieux où l’on jouait de la musique. L’EI a infligé des sentences physiques aux musiciens, dont des flagellations publiques, et détruit des instruments de musique, parfois par le feu.
Les musiciens font partie des cibles de l’EI. Le groupe a émis des déclarations et affiché des pancartes d’avertissement disant que la musique est isharam (interdite en islam) et mettant l’accent sur les « crimes » qui consistent à écouter ou jouer de la musique, ou même à posséder des instruments de musique.
Ainsi, le 21 janvier 2014, le quotidien arabe Al-Hayat, basé à Londres, a rapporté que l’EI avait publié dans la province syrienne de Raqqa une déclaration interdisant d’écouter de la musique et des chansons en voiture, lors de festivités, dans les magasins ou en public. « Les chansons et la musique sont interdits dans l’islam, car ils empêchent de se souvenir de Dieu et du Coran et sont une tentation et une corruption du cœur », énonçait la déclaration. « Quiconque viole ces règles se soumet à la punition de la charia qui s’impose. »
Sur les routes de la province du Tigre (Dijla), en Irak, l’EI place des affiches anti-musique
Le 22 juin 2015, le bureau de presse de la province du Tigre (Dijla) de l’EI, en Irak, a publié trois photos de panneaux. Le premier met en garde contre l’utilisation d’instruments de musique à l’appui du hadith suivant : « Certains groupes de ma nation considéreront l’instrument de musique comme licite. » Le deuxième montre un drapeau de l’EI et le troisième un fusil et un Coran près de la déclaration : « La base de la religion, un livre qui guide et une épée qui apporte la victoire. » [3]
A Al-Kamal, Syrie, de nouveau panneaux anti-musique de l’EI
Des militants de l’EI collent des affiches dans la ville d’Abu Kamal, en Syrie
A Bujaq, en Syrie, peines de coups de fouet pour les musiciens, et destruction des instruments de musique
Selon des articles du 20 janvier 2015 et des posts Twitter de disciples de l’EI, la police religieuse de l’EI aurait infligé à des musiciens des peines de 90 coups de fouet sur une place publique et saisi leurs instruments, dans un raid qui aurait eu lieu à Bujaq, en Syrie, quelques kilomètres à l’est d’Alep. Les instruments ont ensuite été détruits.
« Flagellation d’un pécheur par 90 coups de fouet »
« Flagellation d’un contrebandier de cigarettes de 90 coups de fouet »
« Destruction d’instruments de musique »
« Destruction d’instruments de musique »
Dans la province de Barqa, en Libye, la police religieuse de l’EI met le feu aux instruments de musique
Le 18 février 2015, la branche médiatique de l’Etat islamique dans la province de Barqa, à l’est de la Libye, a publié une série de photos documentant les activités de sa police religieuse. Une série de photos montre un groupe de membres masqués de l’EI incendiant une pile de tambours confisqués par la police religieuse. [4]
A Benghazi, en Libye, l’EI détruit des instruments de musique
En avril 2015, à Benghazi, en Libye, des militants de l’EI ont incendié des instruments de musique. Des photos ont été postées sur un compte Dump.to affilié à l’EI, et un lien a été partagé par un compte pro-EI sur Twitter : [5]
« Province de Barqa – Reportage photos – confiscation et destruction d’instruments de musique à Benghazi »
Destruction d’instruments de musique [6]
Réactions de musiciens occidentaux aux attentats de Paris perpétrés par l’EI
Dans le sillage des attentats du 13 novembre à Paris, plusieurs musiciens occidentaux ont publié des condamnations, sans toutefois citer l’EI. Parmi les plus célèbres, Coldplay, Madonna et les Foo Fighters. Selon la déclaration des Foo Fighters : « C’est avec une profonde tristesse et une sincère préoccupation pour chacun à Paris que nous avons été contraints d’annoncer l’annulation du reste de notre tournée. Au regard de cette violence insensée, de la fermeture des frontières et du deuil international, nous ne pouvons continuer pour le moment. Il n’y a pas d’autre façon de le dire. C’est fou et c’est dommage. Nos pensées et nos prières vont à tous ceux qui ont été touchés ou qui ont perdu un être aimé. »
Un grand concert de U2, prévu à Paris le lendemain des attentats, a été reporté par les autorités françaises. Selon USA Today, Bono, artiste phare du groupe, a déclaré : « Tout bien vu, la majorité des victimes de la nuit dernière sont des fans de musique… C’est le premier coup direct porté à la musique dont nous témoignons dans cette soi-disant guerre contre le terrorisme. Et c’est très bouleversant. Ce sont les nôtres… Le sang-froid qui accompagne ce massacre est profondément troublant et c’est ce que je ne peux sortir de ma tête. »
Egalement dans USA Today, Bono a rappelé sa participation au festival de musique dans le désert de Tombouctou, en 2003 au Mali : « Des lance-roquettes bordaient le terrain du festival, ce qui n’était pas très rock’n’roll. En quelques semaines, le Mali a été pris d’assaut par les extrémistes. L’auberge où nous étions a été transformée en tribunal islamique. On a coupé des mains de musiciens dans l’hôtel même où nous avions dormi et mangé. Ils détestent la musique. Ils détestent les femmes. Ils détestent tout ce que nous aimons. C’est une maladie dans le monde et nous ne pouvons simplement pas capituler ».
Le concert de U2 à Paris a été reporté au 6 décembre. Bono a affirmé dans une interview pour le New York Times : « Le terrorisme se nourrit de gens terrorisés, et nous refusons de l’être. Nous avons senti que la plus grande et la seule vraie contribution que nous puissions faire dans un moment comme celui-ci est d’honorer les Parisiens, qui nous ont apporté le concept de liberté, d’égalité, de fraternité… »
« L’EI et ces sortes d’extrémistes sont un culte à la mort. Nous sommes un culte de la vie. Le rock’n’roll est une force de la vie, et la joie un acte de défiance. Voilà ce qu’est U2. C’est le cœur même de notre groupe. Plus important encore dans ce cas, c’est le cœur même de notre public. J’entends déjà que nous serons noyés par cette foule française. Et c’est puissant. »
Annexe : Des djihadistes et des islamistes twittent – la musique est haram
Quelques tweets de djihadistes et d’islamistes indiquant que la musique est haram :
* Steven Stalinsky est directeur exécutif de MEMRI
Notes :
[1] Wright, Laurent. The Looming Tower: Al-Qaeda and the Road to 9/11. New York: Knopf, 2006. Web: Archive.org/stream/TheLoomingTower/TheLoomingTower _djvu.txt.
[2] Shumoukh Al-Islam, le 14 novembre 2015
[3] Source : Shamikh1.info, le 23 juin 2015
[4] Source : Isdarat.org/?p=7114; Twitter.com/fataih8.
[5] Twitter.com/VWKi05
[6] Dump.to/ma3azef
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