Rafsandjani défie Khamenei et demande que l’Iran remplisse ses obligations conformément au JCPOA, révélant : nous disposions de l’option nucléaire pendant la guerre Iran-Irak

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Par A. Savyon, U. Kafash et E. Kharrazi *

Le 26 octobre 2015, Hashemi Rafsandjani, dirigeant du Conseil de discernement iranien et rival politique du Guide suprême Ali Khamenei, a accordé une interview  exhaustive au site Internet « Iranians’ Nuclear Hope » [l’espoir nucléaire des Iraniens]. [1] Dans cette interview, il affirme qu’au cours de la guerre Iran-Irak, l’Iran avait conservé l’option pour le cas où il se sentirait menacé, mais avait choisi de ne pas agir dans cette direction.

Rafsandjani prend aussi personnellement position contre les directives de Khamenei concernant le JCPOA du 14 juillet 2015, en appelant le gouvernement de Rohani à remplir les obligations de l’Iran découlant de cet accord. Ceci constitue un défi direct à Khamenei, qui avait ordonné le 21 octobre 2015 au gouvernement de Rohani de retarder l’exécution de ces obligations, jusqu’à ce que neuf conditions ajoutées au JCPOA aient été remplies. [2] Rafsandjani souligne dans cette interview que la majorité des Iraniens, soit 80 à 90 %, soutiennent le JCPOA tel qu’il a été présenté en juillet, créant ainsi un potentiel de soulèvement populaire contre Khamenei.


Rafsandjani reconnaît en outre que lui et Khamenei ont été personnellement chargés du développement du programme nucléaire secret de l’Iran : lui, pendant son mandat de président du Majlis puis en tant que président, et Khamenei pendant sa présidence, puis lors de son mandat de Guide suprême de la Révolution. Rafsandjani révèle aussi que, pendant sa présidence, il a cherché à développer l’installation à l’eau lourde d’Arak, selon la filière au plutonium, et qu’il y a consacré des ressources. Mais à un autre point de l’interview, il rejette les critiques internes en expliquant que les concessions iraniennes concernant l’installation d’Arak n’ont pas porté atteinte aux intérêts nationaux de l’Iran, puisque l’utilisation principale de la filière au plutonium est destinée à « des fins militaires ». Par ces déclarations, Rafsandjani confirme les soupçons selon lesquels l’Iran a tenté de développer un projet nucléaire à des fins militaires.

Par le fait même d’appeler à remplir les engagements de l’Iran en vertu du JCPOA et d’obtenir ainsi une légitimité internationale pour le programme nucléaire civil de l’Iran, Rafsandjani fait apparaître Khamenei comme insistant sur l’option nucléaire militaire, et le met au défi d’abandonner cette option, pour permettre à l’Iran de trouver sa juste place dans l’arène internationale.

Extraits de l’interview de Rafsandjani.

Rafsandjani au sujet des armes nucléaires

Interrogé sur les détails de l’activité nucléaire de l’Iran au cours des premières années de la République islamique, il a déclaré : « Le régime antérieur [celui du Shah, qui a été renversé en 1979] faisait souvent référence aux questions nucléaires… et il a commencé à mener des travaux étendus… et les Allemands devaient construire le réacteur de Bushehr…

Après la Révolution, les travaux à Bushehr ont été interrompus… En Iran, certains disaient qu’il fallait abandonner toute activité [nucléaire]… et d’autres disaient que nous devions reprendre la recherche et le travail effectif à partir de zéro… En fin de compte, la décision fut de poursuivre l’activité [nucléaire]…

Les Allemands ont trouvé une excuse pour ne pas venir [continuer les travaux en Iran]… Une fois que nous avons désespéré des Allemands, nous avons commencé à discuter avec les Pakistanais. Au Pakistan, il y avait un scientifique du nom d’Abd Al-Qadeer Khan [le père de la bombe nucléaire pakistanaise.] Je me suis rendu au Pakistan et j’ai voulu le rencontrer, mais ils ne m’ont pas laissé le voir… Je suis allé deux fois au Pakistan mais je ne l’ai pas vu. Khamenei ne l’a pas vu lui non plus. Mais pendant la guerre [Iran-Irak en 1980-88], nous avons tous deux travaillé sur le [projet nucléaire], parce que nous devions entamer les travaux [nucléaires]. Apparemment, Abd Al-Qadeer Khan pensait que le monde islamique devait disposer d’une bombe nucléaire, et il a aussi construit la bombe nucléaire du Pakistan… Les Pakistanais ont accepté de nous aider un peu… Une partie de l’activité nucléaire a commencé pendant la guerre.

L’Irak était proche de l’enrichissement [de l’uranium] mais Israël a tout détruit. La première fois, le 20 septembre 1980, notre armée de l’air a bombardé les installations nucléaires d’Osirak [en Irak] avec quatre avions, et je crois qu’à la fin 1980, les Israéliens ont entièrement détruit les installations avec deux avions de combat…

En 1981, l’atmosphère était telle que nous avons dû prendre des mesures de dissuasion… car nous pensions que cette guerre pouvait durer encore 20 ans, selon l’ancien imam [l’ayatollah Ruhollah Khomeini]… [Mais] à présent nous sommes parvenus [à ce stade après le JCPOA] et il n’est plus nécessaire pour nous de nous occuper des questions de nucléaire militaire.

Question : La doctrine de l’Iran a toujours été « l’énergie nucléaire pour tous et les armes nucléaires pour personne ». Aux yeux du monde entier, l’Iran s’en tient à cette doctrine. Comment expliquez-vous cette doctrine de notre régime aux éléments étrangers et intérieurs ?

Réponse : Comme je l’ai dit, lorsque nous avons entamé les travaux [nucléaires], nous étions en guerre, et nous voulions disposer d’une telle option pour le jour où nos ennemis voudraient employer des armes nucléaires. C’était notre état d’esprit, mais la situation n’est jamais devenue aussi grave.

Toutefois, nous avons pris au sérieux les utilisations non militaires [du projet nucléaire], aussi nous avons investi de l’argent et accompli un travail considérable. Nous avons travaillé dans différents domaines et avons aussi beaucoup enseigné. Nous avons envoyé des étudiants et invité des scientifiques et beaucoup d’autres actions de ce genre. Notre doctrine reposait sur le principe de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, même si nous n’avons jamais abandonné [l’idée] que, si nous étions un jour confrontés à une certaine menace, et si cela devenait nécessaire, nous aurions alors l’option d’aller dans l’autre direction [à savoir développer des armes nucléaires]. Mais nous n’avions pas de plan pour ce faire, et nous n’avons jamais dévié [des fins civiles]…

J’ai été si profondément impliqué dans le travail [sur cette question] que dans les derniers jours de mon gouvernement… j’ai personnellement approuvé un budget de 25 millions de dollars pour le réacteur à eau lourde d’Arak, qui devait à l’époque être construit à Alamut, dans [la région de] Qazvin…

Q. Le Majlis a déclaré que le JCPOA mettait en danger la sécurité nationale de l’Iran… Pensez-vous que ce soit le cas ?

R. Les fondements de la sécurité de l’Iran sont si fermes que cette question ne représente pas la moindre menace pour l’Iran… Notre système de missiles de défense ne fait pas partie du JCPOA et nous n’avons pas même abordé cette question [au cours des négociations sur le nucléaire]…

Nous avons fait des concessions sur les privilèges et avons obtenu des droits. Lorsqu’ils constatent que nous réduisons nos unités d’enrichissement [les centrifugeuses] de 20 000 à 6 000, voire moins, cela sera un privilège pour eux [l’Occident]. Le fait qu’ils financent la conversion [du réacteur d’Arak] à l’eau lourde en un type différent, qui n’utilise pas de plutonium mais possède encore tous les éléments d’un [réacteur] à eau lourde – c’est une technologie très avancée et cela constitue un progrès pour nous. Nous ne voulons pas de plutonium, car il est destiné aux usages militaires [du nucléaire]. A ma connaissance, [le JCPOA] ne représente aucune menace nationale, et les garanties qu’il sera mis en œuvre ne sont pas unilatérales [c.-à-d. qu’elles s’appliquent aussi à l’autre côté]. S’ils l’enfreignent, nous pouvons nous aussi l’enfreindre.

Rafsandjani prend le contre-pied des ordres du Guide suprême Khamenei

Les déclarations de Rafsandjani montrent également qu’il est l’unique figure en Iran qui met en question les directives que Khamenei a publiées le 21 octobre 2015 concernant l’application du JCPOA.[3] Rafsandjani a souligné dans l’interview que l’Iran devait remplir ses obligations, comme exposé dans l’accord de juillet 2015, processus que Khamenei retarde. Posant les fondements d’une rébellion contre Khamenei, il a affirmé que la majorité des Iraniens – entre 80 et 90 % – soutiennent la version de juillet du JCPOA. Il écarte aussi les nouvelles conditions de Khamenei pour que l’Iran applique le JCPOA, et l’appelle à faire taire la minorité en Iran qui s’y oppose, alors que Khamenei lui-même se trouve à sa tête. Il affirme :

« 80 à 90 % de la population accepte le processus du JCPOA et veut sortir [du dossier nucléaire]. Les ‘concernés’ [à savoir le camp idéologique] le savent. Les sessions au Majlis qui ont précédé le vote [sur le projet du Majlis concernant le JCPOA] ont coûté cher aux ‘concernés’… parce qu’ils se sont affiliés, d’une certaine manière, au dirigeant [Khamenei] et que c’est comme s’ils exprimaient l’opinion du dirigeant. Le dirigeant a une langue et, plus que quiconque, est capable d’exprimer [son avis]. Il aurait pu les empêcher [de parler], et il n’avait pas besoin de cette dispute et des discussions [au Majlis]. Il est très regrettable qu’ils se soient comportés ainsi au Majlis. Mais c’est la méthode du dirigeant [Khamenei], qui laisse les autres exprimer leurs avis. Il aurait mieux valu que [le camp idéologique] agisse moralement et conformément aux intérêts nationaux…

Q. Quels sont à votre avis les bénéfices les plus importants obtenus par cet accord ?

R. Tout d’abord, il y aura une coopération entre l’Iran et les pays développés dans le monde. Après la levée des sanctions, nous comprendrons combien de problèmes nous avons rencontrés [à cause d’elles]. Personne ne veut encore parler du préjudice qui nous a été causé, parce que cela n’est pas terminé et que le moment d’en parler n’est pas encore venu. Dans tous les cas, les sanctions seront suspendues et nous serons dans une certaine mesure indemnisés à cet égard.

Après cela, nous avancerons dans la suite [du projet nucléaire] et nos activités seront plus efficaces. Ensuite, notre situation internationale s’améliorera. Notre situation internationale est devenue mauvaise, et jusqu’à maintenant les Iraniens avaient gagné un certain respect dans le monde. Mais les fauteurs de guerre [parmi nous] pensent que notre honneur repose sur notre popularité auprès des extrémistes du monde, qui est toujours facile et possible d’obtenir.

Nous sommes une grande nation, et nous devons parler et agir dans le monde, et participer à la [gestion des] affaires mondiales. L’Iran peut acquérir un poids important dans le monde. Le succès le plus important est d’avoir été officiellement reconnu comme un État membre du club nucléaire, point sur lequel il n’y avait à ce jour pas d’accord. Ils ont accepté de nous laisser enrichir [de l’uranium], avoir un réacteur et l’utiliser à des fins civiles, selon nos souhaits. Sur la question nucléaire, il y a des nations avancées et d’autres arriérées, dont la situation est similaire à la nôtre, comme le Japon. Quelque 30 à 40 pays ont le droit d’enrichir de l’uranium à des fins pacifiques mais pas celui de s’engager dans le domaine militaire. Nous serons comme eux.

Q. Selon vous, que doit faire l’Iran pour mettre en œuvre le JCPOA ?

R. Nous devons mettre en œuvre ce que nous avons signé. [4]

* A. Savyon est la directrice du Projet Médias Iran de MEMRI ; U. Kafash et E. Kharrazi sont chercheurs à MEMRI. 

Notes :

[1] Inhnews.ir, 26 octobre 2015.

[2] Voir MEMRI Enquête et analyse, Iranian Supreme Leader Khamenei’s Letter Of Guidelines To President Rohani On JCPOA Sets Nine Conditions Nullifying Original Agreement Announced July 14, 2015, 22 octobre 2015.

[3] Voir MEMRI Enquête et analyse, Iranian Supreme Leader Khamenei’s Letter Of Guidelines To President Rohani On JCPOA Sets Nine Conditions Nullifying Original Agreement Announced July 14, 2015, 22 octobre 2015.

[4] Inhnews.ir, 26 octobre 2015.

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