Dans un article publié à l’occasion de la Journée internationale de la Tolérance (marquée le 16 novembre), Shalman Yousef Al-Issa, maître de conférences en sciences politiques à l’université du Koweït, écrit que la tolérance ne prévaudra dans les pays arabes qu’une fois qu’ils adopteront la démocratie et que la religion sera séparée de l’État.
Extraits de son article, paru dans le journal émirati Al-Ittihad :
Demain, lundi 16 novembre, le monde marquera la Journée internationale de la Tolérance. Nous autres, Arabes, devons prendre part à [la célébration] de cette journée et tirer profit des leçons qui ont motivé les pays occidentaux à la célébrer, en particulier au regard des dissensions dont nous témoignons dans certains de nos pays, plongés dans les affres de guerres civiles alimentées par des facteurs communautaires ou religieux, ou par des intérêts tribaux ou régionaux. Les conséquences dévastatrices de ces [guerres] sont perceptibles chaque jour, en particulier en Syrie, en Irak, en Libye, au Yémen, au Soudan et au Liban. Toute cette dévastation résulte de l’absence de dialogue national, du rejet de la tolérance et de l’incapacité de d’instaurer une démocratie.
Le concept de tolérance est apparu à l’époque des Lumières aux 17e et 18e siècles, et ses principes ont été forgés par les philosophes européens de cette époque, parmi lesquels Voltaire, John Locke, [Jean-Jacques] Rousseau, John Stuart Mill et d’autres. Le besoin de tolérance est né principalement parce que l’Europe avait été dévastée par 400 ans de guerres religieuses destructrices entre les catholiques et les protestants. Ceci a conduit à l’émergence du mouvement de réforme religieuse au 16e siècle, dont l’action a entraîné un affaiblissement de l’Église, après que le christianisme ait fait l’expérience de nombreuses dissensions qui ont donné naissance à plusieurs sectes et factions [différentes]. Les souverains européens ont aussi œuvré à diminuer l’influence de l’Église, parce qu’elle était frappée par la corruption et le matérialisme.
Au vu de l’expérience européenne, la question se pose de savoir ce qui manque à nos sociétés arabes musulmanes pour permettre au concept de tolérance de [prendre racine] dans les pays arabes et musulmans. Avant de répandre les idées de tolérance dans notre société arabe, nous devons créer des mouvements idéologiques libres, qui défendent la liberté de culte et un respect absolu de l’opinion des autres – car le concept de tolérance a des aspects moraux, religieux, philosophiques et légaux. Ces [aspects] n’existent pas dans les sociétés arabes, car la liberté de pensée, d’expression, la reconnaissance des divergences d’opinion et du pluralisme ainsi que du besoin de coexistence et de coopération – tout cela ne peut exister que dans des pays libres et démocratiques, la tolérance étant aux antipodes du fanatisme.
Malheureusement, nos sociétés souffrent des mouvements religieux et communautaires qui rejettent le pluralisme religieux et idéologique, proclament que les autres sont des infidèles et combattent quiconque n’est pas d’accord avec eux. En Occident, la religion se focalise sur des concepts comme l’amour, la fraternité et la paix, tandis que plusieurs mouvements liés à l’islam politique [ne font] qu’accroître la haine et l’exclusion d’autrui, uniquement parce qu’il a des croyances ou une religion différentes.
La tolérance a une valeur politique en ce qu’elle conduit à accepter la différence, le désaccord et le dialogue au lieu de [prôner] l’exclusion politique. Elle a aussi une valeur juridique, en ce qu’elle appelle à éviter la discrimination entre les citoyens et à respecter la loi, qui instaure l’égalité des obligations et des droits auxquels chacun est lié.
Enfin, l’amour, la fraternité, le dialogue et la tolérance peuvent-ils prévaloir dans nos sociétés ? Nous le disons de manière claire et sincère : l’on peut facilement y arriver si les pays arabes instaurent la démocratie et qu’ils séparent la religion de la politique. Ou bien, dans l’esprit du philosophe français Voltaire, [disons que] la tolérance religieuse dans la société exige de confronter tout type de fanatisme en consacrant la valeur de la pensée [libre], en rejetant l’extrémisme et en respectant les libertés dans tous les domaines, et notamment la liberté de pensée.
Artículos Relacionados: