Un intellectuel iranien au sujet du JCPOA : c’est la fin du slogan « Mort à l’Amérique »

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Une voix importante dans le conflit inter-iranien entre le camp idéologique conduit par le Guide suprême Ali Khamenei, qui s’oppose à toute ouverture à l’Occident, et en particulier aux Etats-Unis, et le camp pragmatique conduit par Hashemi Rafsanjani, qui défend une telle ouverture, est celle de l’intellectuel réformiste et professeur à l’université de Téhéran, Sadegh Zibakalam.

Zibakalam, condamné en 2014 à 18 mois de prison pour avoir critiqué la politique nucléaire du régime et pour ses opinions pro-américaines, [1] a récemment repris ses appels publics en faveur de l’abandon par le régime de l’anti-américanisme prôné par Khamenei, soutenant qu’il portait atteinte aux intérêts de l’Iran et au débat démocratique. Selon Zibakalam, la Révolution islamique n’a jamais prôné l’hostilité envers les Etats-Unis ; elle s’est seulement opposée à la dictature et a soutenu des élections libres. Il soutient que la politique anti-américaine a pris en otage le message authentique de la Révolution et que cette politique a été utilisée comme outil par le camp qui contrôle la politique intérieure et extérieure de l’Iran. Toutefois, affirme-t-il, la jeune génération n’est pas dupe, et elle cherche à se rapprocher des Etats-Unis – et le JCPOA est un signe avant-coureur à cet égard.

Cet article passe en revue les déclarations publiques les plus notables de Zikabalam au cours des derniers mois, contre l’hostilité institutionnalisée du régime iranien envers les Etats-Unis, et en soutien au JCPOA, qui devrait bénéficier à l’Iran selon lui.


Sadegh Zibakalam (image : iranhumanrights.org)

“A mon avis, le JCPOA est le début de la fin du slogan ‘Mort à l’Amérique’

Lors d’un débat public, le 2 novembre 2015, le plaçant face à Ebrahim Asgharzadeh à l’université de technologie Sharif, pour marquer l’anniversaire de la prise de l’ambassade américaine à Téhéran le 4 novembre 1979, Zibakalam a déclaré :

“L’hostilité envers les Etats-Unis existait-elle dès le début de la Révolution, et résultait-elle de la volonté du peuple ? En réponse à cette question, je dirais que l’hostilité envers les Etats-Unis et le [slogan] ‘Mort à l’Amérique’ ne faisaient pas partie des objectifs de la Révolution. Les objectifs de la Révolution étaient de s’opposer à la dictature, et ses efforts tendaient à parvenir à des élections libres – non à l’hostilité envers les Etats-Unis…

Au cours de l’histoire récente de l’Iran, aucun courant n’a porté plus atteinte à nos intérêts nationaux que [celui qui défend] l’hostilité envers les Etats-Unis. Je pense que l’hostilité envers les Etats-Unis a porté un plus grand préjudice à l’Iran qu’une guerre contre la Russie [ne l’aurait fait]. L’hostilité envers les Etats-Unis nous a complètement paralysés, dans notre développement politique et dans les autres domaines.

L’hostilité envers les Etats-Unis a été le premier facteur de perpétuation de la situation antérieure à la Révolution – à savoir, des élections restreintes, etc. Notre seule manière de sortir [de cette situation] est de nous demander comment nous en sommes arrivés là – et pas simplement de dire qu’il ne devrait pas y avoir de telle hostilité.

Ce que nous avons dit des Etats-Unis était vrai en grande partie, mais une partie aussi était une révision de l’histoire. Le moment est venu de nous demander si les Etats-Unis étaient idiots au point de souhaiter un coup d’état le 4 novembre 1979.

Lorsque le Shah et l’armée étaient au pouvoir, [les Etats-Unis] n’auraient pas agi pour mettre en scène un coup d’état – mais auraient-ils agi pour le faire après que tout eut été détruit? Et s’agissant des événements de Tabas [à savoir la tentative manquée pour délivrer les otages en 1980], qui ont impliqué un seul avion – comment peut-on les qualifier d’attaque militaire ?

Qui a dit que le Shah était un moins que rien ? Entre 1943 et 1978, il a pris toutes les grandes décisions. De quelles preuves disposent ceux qui soutiennent que les Etats-Unis ont dicté toutes ses actions ? Pensez-vous que si les Etats-Unis avaient vraiment soutenu le Shah, il aurait été renversé ? C’est [le gendre du Shah et chef de la politique étrangère] Ardeshir Zahedi et d’autres dirigeants qui pensaient que les Etats-Unis n’ont pas soutenu le Shah. En fait, au début de la Révolution, les Etats-Unis ne savaient pour quelle position opter à cet égard…

A mon avis, le JCPOA est le début de la fin du slogan ‘Mort à l’Amérique’. Il y a deux ou trois jours, [le Secrétaire d’Etat américain John] Kerry et [le ministre des Affaires étrangères iranien Javad] Zarif ont parlé de la Syrie, mais pas des questions nucléaires. En fait, c’est le début de la fin de ‘Mort à l’Amérique’”.[2]

Si le but de l’industrie nucléaire est simplement de produire de l’électricité et des médicaments,  alors pourquoi prendre des mesures de confidentialité à Natanz?

En septembre 2015, lors de la conférence visant à explorer les dimensions politiques et sécuritaires du JCPOA, en Iran, Zibakalam a défendu les bénéfices obtenus par l’accord, incluant selon lui le fait que l’Iran a pris ses distances avec le slogan ‘Mort à l’Amérique’ et le rapprochement avec les Etats-Unis. Il a également souligné le fait que l’industrie nucléaire iranienne était un facteur important de la politique anti-américaine en Iran. Il a déclaré :

Le fait qu’il y ait un accord est plus important que les détails de l’accord, parce qu’au vu du résultat du JCPOA, une certaine atmosphère a été créée entre l’Iran et l’Amérique, dans laquelle nous pouvons élaborer les détails de l’accord. Le train du JCPOA a quitté [la station] le 15 juillet [lendemain du jour de son annonce]… L’Iran et les Etats-Unis sont les deux acteurs essentiels de ce dossier, et ils ont atteint un tournant historique dans leur relation…

Après l’annonce du JCPOA à Vienne, la réaction la plus forte des éléments hostiles aux Etats-Unis [en Iran] a été leur déclaration selon laquelle ils ne reconnaissaient pas l’accord comme mettant fin au slogan ‘Mort à l’Amérique’ et qu’ils continueraient de le proclamer… L’Iran est déjà à bord du train qui s’éloigne de ‘Mort à l’Amérique’ ; aussi pouvons-nous dire que nous avons déjà franchi les principales étapes du JCPOA… L’autre partie [les Etats-Unis] ont déjà accepté la réalité de l’Iran post-révolutionnaire.

Critiquant la construction du site de Fordo, Zikabalam a déclaré : “Entre Téhéran et Qom, au coeur des montagnes, des fonds considérables ont été investis pour la construction d’une série d’installations spéciales ayant pour principal but de résister aux frappes aériennes ennemies et d’empêcher la destruction de l’infrastructure nucléaire. Maitenant que Fordo est devenu un centre de recherche, je pose la question : pourquoi a-t-on dépensé tellement d’argent et perdu autant de temps pour construire les installations de Fordo?

Nous ne devons pas considérer le JCPOA comme faisant partie des objectifs prédéfinis – parce que de cette manière c’est tout l’accord qui sera remis en cause. C’est une approche erronée.

En réalité, l’industrie nucléaire a été créée en Iran pour démontrer l’hostilité à l’Amérique… Si le but de l’industrie nucléaire est simplement de produire de l’électricité et des médicaments,  alors pourquoi prendre des mesures de confidentialité à Natanz ? Après que l’activité de Natanz eut été exposée par les Mounafiqin, le dossier nucléaire est devenu un enjeu et un moyen de démontrer l’hostilité aux Etats-Unis…

Le gouvernement du [président iranien Mahmoud] Ahmadinejad a consacré tous ses efforts à faire de l’industrie nucléaire une question pour démontrer son hostilité à l’Amérique… Le problème a commencé dès lors que les extrémistes, au lieu de se demander pourquoi l’Amérique et l’Occident étaient opposés à l’industrie nucléaire iranienne, ont déclaré que l’Amérique et l’Occident étaient opposés aux progrès de l’Iran dans l’industrie nucléaire et la science. C’est un mensonge flagrant, parce qu’il n’y a aucun progrès économique ou scientifique lié au dossier nucléaire, et un bon exemple en est celui du Pakistan.

L’Occident est opposé à un Iran nucléaire parce que nous avons affirmé de manière répétée que nous voulions détruire le régime sioniste, alors que le Brésil et les autres pays ayant une industrie nucléaire n’ont jamais tenu de tels propos.

Aucune des activités à Fordo, Natanz et dans le réacteur à eau lourde d’Arak, qui sont actuellement interrompues, ne servaient les intérêts nationaux iraniens ; elles étaient fondées uniquement sur la résistance aux Etats-Unis…

L’opinion publique en Iran ne soutient pas le programme nucléaire… Le peuple iranien voulait que la crise nucléaire en Iran prenne fin, et si nous avions fait un sondage parmi différents groupes de la population, nous aurions constaté qu’ils n’étaient absolument pas d’accord avec le programme nucléaire iranien…

L’émergence de l’Etat islamique [EI] a causé de nombreux changements et développements au Moyen-Orient, créant un rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis, l’Iran et l’Arabie saoudite, l’Iran et les pays arabes. L’Iran et les Etats-Unis partagent les mêmes vues sur l’Afghanistan et l’Irak… Les extrémistes ont observé qu’en Irak, en Afghanistan et au Yémen, l’Iran et les Etats-Unis coopéraient de manière indirecte, ce qui les préoccupe. C’est vrai aussi au Liban.

Le Majlis n’a jamais eu et n’a pas aujourd’hui de position bien arrêtée concernant la politique intérieure ou extérieure de l’Iran. L’époque à laquelle le Majlis fixait l’ordre du jour est révolue. Aujourd’hui, l’ordre du jour du pays évolue constamment – toutefois, les membres du Majlis ont leurs propres préoccupations.

L’hostilité envers les Etats-Unis n’a aucun rapport avec la Révolution islamique, parce que le peuple iranien s’est révolté pour d’autres raisons. Il est plus exact de dire que la Révolution islamique a pris en otage l’hostilité envers les Etats-Unis, en particulier parce que cette hostilité servait un objectif particulier de sa politique intérieure en Iran.

Mais à présent, l’Iran a un problème concernant son hostilité envers les Etats-Unis, parce que les jeunes sont très éduqués et qu’il existe une ouverture au sein de l’opinion publique. C’est cela qui suscite leur opposition à l’hostilité envers les Etats-Unis et qui rend les choses difficiles pour ceux qui se cachent derrière cette hostilité.

L’hostilité envers les Etats-Unis est devenue l’identité des conservateurs extrémistes, et si nous leur retirons le slogan ‘Mort à l’Amérique’, le courant conservateur n’aura plus rien à dire. Ceux qui persistent dans leur hostilité envers les Etats-Unis empêchent le développement de l’Iran. »[3]

Lire la version en anglais

Notes :

[1] Voir la Dépêche spéciale MEMRI No. 5843, Imprisonment For Iranian Intellectual Who Spoke Out Against Iranian Regime’s Nuclear Policy, 17 septembre 2014.

[2] Ghanoondaily.ir, 2 novembre 2015 ; Sahamnews.org, 6 novembre 2015.

[3] Fars (Iran), 6 septembre 2015.

 

 

Acerca de MEMRI

El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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