Pourquoi il ne faut pas voter la reconnaissance unilatérale de la Palestine.

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Je suis un partisan, depuis presque cinquante ans, de la solution des deux Etats. Mais je pense que cette « reconnaissance unilatérale » de la Palestine par le Parlement français serait une mauvaise idée pour trois raisons.

1. Le Hamas.
La charte et le programme du Hamas.
Le fait que le Hamas administre, jusqu’à plus ample informé, l’un des deux territoires constitutifs de cet Etat que l’on veut reconnaître à grand fracas et sans tarder – et le fait qu’il a pour doctrine la nécessaire destruction d’Israël.

On ne reconnaît pas, fût-ce symboliquement, un Etat dont la moitié du gouvernement pratique le déni de l’Autre.
On ne reconnaît pas, surtout symboliquement, un gouvernement dont la moitié des ministres rêveraient d’annihiler l’Etat voisin.


On tend la main à son peuple, bien sûr. On l’aide. On soutient et renforce l’autre parti, celui de Mahmoud Abbas, et on l’encourage à rompre l’alliance contre nature qu’il a nouée. Mais, tant que l’alliance n’est pas rompue, ou tant que le Hamas reste le Hamas et qu’une partie de l’Etat que l’on s’apprête à reconnaître se reconnaît lui-même dans une charte qui ordonne à tous les musulmans de « venir », jusque « derrière les pierres et les arbres » où ils sont « cachés », « tuer » les « juifs » (article 7 de la charte), tant que l’on y professe (article 13) que « les prétendues initiatives » et « solutions de paix » censées, comme le projet français d’aujourd’hui, « régler la question palestinienne » vont « à l’encontre » de la « foi », on ajourne la démarche.

2. Le moment.
La poussée mondiale du djihadisme.
Et le fait que la société politique et, hélas, civile palestinienne semble, par-delà même le Hamas, à nouveau peu claire sur la question.
Je ne parle pas de Mahmoud Abbas qui a condamné l’attentat qui vient de faire cinq morts, le 18 novembre, dans une synagogue de Jérusalem-Ouest.

Mais je parle de ses alliés du FPLP qui l’ont revendiqué.
Je parle du Jihad islamique et, encore, du Hamas qui l’ont salué.

Et je pense à ces milliers de jeunes qui, aussitôt connue la nouvelle, sont descendus dans la rue pour lancer des feux d’artifice et pavoiser.
Peut-être y aura-t-il, un jour, une majorité d’Israéliens pour estimer que la moins mauvaise des protections contre cette situation est encore une séparation sèche. Mais ce sera leur décision. Pas celle d’un Parlement espagnol, anglais, suédois ou, maintenant, français improvisant une résolution bâclée, mal étayée et, plus que tout, inconséquente.

On ne peut pas s’horrifier des décapitations en Irak et tenir pour négligeables, en Israël, les meurtres au couteau et à la hache.
On ne peut pas, ici, refuser la rhétorique de l’excuse (« les djihadistes partis pour la Syrie sont des paumés, victimes du malaise social… ») et, là, y consentir (« l’assassin est un humilié, victime de l’occupation… »).

On ne peut pas, de la main droite, renforcer l’arsenal législatif qui permet, en Europe, de lutter contre la violence aveugle et, de la gauche, voter une résolution qui revient à dire « je vous ai compris » aux aficionados de la voiture bélier rêvant d’une troisième Intifada.

Il y aura un Etat à Gaza et Ramallah. C’est l’intérêt d’Israël et c’est le droit des Palestiniens. Mais nous ne sommes fondés à nous en mêler qu’en demandant autant d’efforts à une partie et à l’autre : de l’ANC sud-africain au PKK kurde en passant par l’Irgoun de Begin, l’Histoire est pleine d’organisations terroristes qui se sont assagies – on attend des groupes palestiniens qu’ils suivent le même itinéraire et c’est à cela aussi que doivent œuvrer, en France, les hommes et femmes de bonne volonté.

3. Car tout le problème est là.
Aucun observateur honnête n’ignore qu’il y a du chemin à faire des deux côtés. Aucun partisan de la paix ne nie qu’entre les gouvernements de Tel-Aviv qui, de Rabin à Netanyahou, n’ont jamais renoncé à la politique d’implantations et la direction palestinienne qui oscille entre l’acceptation du fait israélien et le refus de toute présence juive en terre arabe, les torts sont partagés.
Or c’est précisément ce que nient les partisans de cette reconnaissance unilatérale.
C’est très exactement ce qu’ils oublient quand ils vont partout répétant qu’« on n’en peut plus » et qu’« il est urgent que les choses bougent », ou qu’il faut un « acte fort » permettant de « faire pression » et de « débloquer la situation » – et qu’ils ne trouvent d’autre « acte fort » que d’imposer à Netanyahou leur Etat palestinien non négocié.

Et le dernier reproche qu’on doit leur faire est bien là : leur raisonnement présuppose qu’il n’y a qu’un blocage, et qu’il est israélien ; qu’un acteur sur lequel il convient de faire pression, et que c’est Israël ; et que, du camp palestinien, il n’y a rien à attendre, littéralement rien (ne bougez pas ; ne prenez aucune initiative ; ne demandez surtout pas que soit déclarée caduque, par exemple, une charte du Hamas qui suinte, à chaque ligne, la haine des juifs et le mépris du droit international ; car votre Etat, vous l’avez)…

On ne sait ce qui, en la circonstance, l’emporte de l’hostilité à Israël, du mépris pour les Palestiniens ou, simplement, de la légèreté. Mais une chose est sûre. Sans partage des responsabilités, il n’y aura pas de partage de la terre ; et, en exonérant l’un des camps de sa tâche historique et politique, on croit vouloir la paix mais on perpétue, en réalité, la guerre.

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