La crise économique en Egypte déclenche des appels de plus en plus nombreux à réduire le taux de natalité du pays – Partie I

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Par C. Meital et H. Varulkar *

La population égyptienne compte actuellement environ 91 millions d’âmes, et son taux de croissance au cours des deux dernières décennies, qui s’élève à 48 % (2,4 % par an), est parmi les plus élevés au monde.[1] Cette question préoccupe les représentants du gouvernement égyptien depuis des décennies, et en 1975, ils ont créé le Conseil national de la Population, dont l’une des tâches essentielles est de parvenir à un taux de croissance équilibré de la population.[2]

Cette question s’est récemment trouvée au centre du débat public en Egypte, en raison de la sévère crise économique qui touche le pays.[3] Ainsi, Abou Bakr Al-Gendy, dirigeant de l’Agence centrale égyptienne pour la mobilisation du public et les statistiques (CAPMAS), affirme que « le problème du taux de croissance de la population égyptienne revêt une importance cruciale et est en tête de la liste des problèmes qu’affronte le pays ». Il a même déclaré que ce problème était plus grave que la menace du terrorisme et le ralentissement de l’économie,[4] ajoutant que « les taux de croissance élevés de la population égyptienne ont dépassé toutes les limites et surpassé ceux des pays qui connaissent des conditions économiques similaires ». Selon lui, « chaque année, 2,7 millions de [bébés] naissent en Egypte, contre un demi-million qui décèdent ».[5] Il a ajouté que le taux de croissance de la population égyptienne était cinq fois supérieur à celui de la Chine.[6]


Au vu de ces chiffres, des officiels égyptiens – y compris le président Al-Sissi, le Premier ministre, des représentants du ministère de la Santé et même des dirigeants religieux – ont mis en garde que la croissance rapide de la population nuisait tant à la société qu’à l’économie et qu’elle aggravait la pauvreté, l’analphabétisme et le chômage, appelant à réduire le taux de natalité. Des appels similaires ont également été lancés par des personnalités médiatiques, qui ont averti des graves conséquences de ce phénomène. A l’inverse, certains journalistes considèrent que la population élevée est un avantage que l’Etat doit utiliser à son bénéfice. Le présent rapport examinera les déclarations officielles et les articles de presse sur le sujet.

Des officiels égyptiens : la croissance rapide de la population est inquiétante, et affecte la sécurité nationale

Comme indiqué, dans le contexte de la grave crise économique et du taux de croissance rapide de la population, de nombreux officiels haut-placés en Egypte, parmi lesquels le président Abd Al-Fattah Al-Sissi et le Premier ministre Sherif Ismail, ont appelé à réduire le taux de natalité du pays.

Le président Al-Sissi : Trois enfants suffisent ; le plus grand danger pour l’Egypte est le taux de croissance de sa population

Dès février 2015, lors d’une conférence culturelle à laquelle assistaient des centaines de journalistes, de représentants des médias et de dirigeants politiques, le président Al-Sissi avait évoqué la nécessité de réduire le taux de croissance de la population. Il avait posé la question suivante au Cheikh d’Al-Azhar, Ahmed Al-Tayeb, qui se trouvait dans l’auditoire : « Puis-je demander [aux Egyptiens] qui ont un enfant d’attendre trois ou quatre ans avant d’avoir le deuxième ? Puis-je demander à ceux qui ont deux enfants d’attendre six ou sept ans avant d’avoir le troisième ? Puis-je demander à ceux qui ont déjà trois enfants d’éviter d’en avoir plus ? » Al-Tayeb avait répondu que cela était autorisé selon le droit islamique, et Al-Sissi avait expliqué qu’il était crucial de créer une nation forte et cultivée.[7] Pour voir des extraits des déclarations d’Al-Sissi lors de la conférence de presse, cliquez ci-dessous.

Dans une interview du 21 septembre 2016 sur CNN, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York,  Al-Sissi a évoqué la crise du taux de croissance de la population égyptienne, affirmant : « Le taux [de natalité] atteint un taux annuel de 2,5 %. Au début de l’année, il y avait 90 millions d’Egyptiens, et le mois dernier ils étaient déjà 91 millions. Il faut apporter à cette population éducation, soins médicaux, travail, logement et nourriture… » [8] Al-Sissi a abordé ce sujet de nouveau lors d’une interview donnée aux rédacteurs en chef des quotidiens officiels égyptiens le 15 octobre 2016, affirmant que la croissance de la population était le plus grand danger auquel l’Egypte est confrontée. Il a ajouté : « Si nous ne freinons pas le taux de croissance, les efforts de développement seront vains. Nous devons atteindre un taux de croissance [économique] de plus de 75 % par an pour que la population sente une amélioration. »[9]

Le plan stratégique du Premier ministre pour diminuer le taux de natalité : limiter les familles à deux enfants

Le Premier ministre égyptien Sherif Ismail a également évoqué la nécessité de diminuer le taux de natalité. Dans un discours prononcé à l’occasion de la Fête nationale égyptienne, Ismail a annoncé une nouvelle stratégie nationale pour réduire le taux de natalité au cours des prochaines années. Il a déclaré : « La Fête nationale annuelle des résidents est un événement spécial, au cours duquel tant les dirigeants que les habitants célèbrent et soulignent l’importance particulière de la question de la population pour le gouvernement égyptien,  qui est une question de sécurité nationale, en particulier dans cette période cruciale pour l’histoire de la oumma. » Selon lui, le gouvernement a formulé un plan d’action approuvé par le parlement, focalisé sur le fait que « l’un des défis majeurs que la patrie affronte [actuellement] est l’augmentation préoccupante du nombre des habitants ». Selon Ismail, ce plan est fondé sur le fait que les pays qui sont parvenus à améliorer l’existence de leurs citoyens  ont appliqué des politiques strictes pour réduire de manière significative les taux de croissance de la population, qui ont entraîné une augmentation quantifiable du revenu moyen et de la qualité de vie.

Ismail a également observé que la population égyptienne avait augmenté, de 61,5 millions d’habitants en 1996 à 91 millions en juin 2016, soit une augmentation de 48 %, et figurait parmi les plus élevées du monde. Il a ajouté qu’en raison de ce chiffre, les citoyens de tous les milieux ne profitaient pas des fruits du développement, « en raison d’un écart entre le taux de croissance de la population et celui de la croissance économique du pays. C’est l’un des principaux défis auxquels nous faisons face. » Selon Ismail, alors que la population croît rapidement, « le quota d’eau du Nil de l’Egypte reste le même, et la quantité totale des terres arables n’a augmenté que légèrement. L’Egypte se fonde aussi de manière croissante sur les importations pour combler l’écart grandissant entre la production locale et les taux de consommation de plusieurs produits de première nécessité. »

Le gouvernement va distribuer gratuitement des moyens contraceptifs

Le Premier ministre a ajouté : « Nous sommes tous partenaires dans le pays et responsables de sa prospérité et de son développement, aussi j’appelle chaque famille égyptienne à établir un lien entre la qualité de la vie qu’elle souhaite obtenir pour ses membres et le nombre approprié d’enfants, afin que [les familles] puissent profiter des fruits de leur travail. » Selon lui, « les indicateurs montrent que si nous ne nous contentons pas de deux enfants par famille, la population égyptienne atteindra 119 millions en 2030, ce qui compliquera nos objectifs de parvenir aux taux de croissance souhaités et d’améliorer la qualité de la vie des familles, et pourrait même nuire à [la capacité] de répondre aux besoins de nourriture et de services des citoyens égyptiens. »

Il a ajouté : « Vu qu’il existe une corrélation étroite entre la taille [de la population] et sa qualité de vie… l’appel à adopter le concept de famille restreinte est nécessaire afin de garantir un avenir meilleur pour les générations futures, pour que chaque famille puisse fournir à ses membres des soins appropriés, et que le pays puisse à son tour offrir [à ses citoyens] une qualité de vie convenable. » Ismail a ajouté qu’au « regard de tout cela, le Conseil national de la population a élaboré une stratégie nationale pour la période allant de 2015 à 2030, avec la participation de tous les ministères et éléments concernés dans le pays », et que « les tâches les plus importantes [du Conseil] étaient de : parvenir à un équilibre entre la croissance de la population et celle de l’économie du pays ; élever la qualité de vie des citoyens… et mettre en œuvre une répartition géographique équilibrée des habitants pour parvenir à la justice sociale en éliminant les écarts entre les différentes régions ». Le Premier ministre a déclaré qu’il avait ordonné aux ministères et autres organes gouvernementaux d’inclure dans leurs plans des aspects traitant la question de la croissance de la population, et souligné la nécessité pour les médias d’aborder également ces questions. En outre, il a souligné l’obligation du gouvernement de fournir des moyens contraceptifs gratuits à ceux qui ne peuvent se les procurer, et d’encourager la planification familiale. [10]

La vice-ministre de la Santé et de la Population : Nous allons rédiger des lois qui permettront de diminuer le taux de natalité et d’encourager des familles restreintes

Dr Maissa Shawky, vice-ministre de la Santé et de la Population, a fait des commentaires de même nature au quotidien égyptien Al-Watan. Selon elle, « on ne peut nier que nous connaissons une croissance excessive de la population, qui est devenue une sorte de problème de sécurité nationale depuis que notre taux de croissance de [la population] dépasse notre croissance économique. Par conséquent, il n’y a pas d’autre choix que de prendre des décisions qui réduiront le taux de natalité. » Shawky a affirmé que huit gouvernorats devaient actuellement intervenir sur ce sujet en priorité, dont celui du Caire, qui connaît le taux de natalité le plus élevé du pays.

Shawky a révélé que la Commission de la Sécurité nationale du parlement avait débattu de la rédaction de lois pour aider à contrôler le taux de croissance de la population, ainsi que de lois sur la santé de la famille et de l’enfant, le travail des enfants et le mariage des mineurs. Interrogée sur la question de savoir s’il y aurait des incitations pour diminuer la natalité, Shawky a répondu que le ministère de la Solidarité sociale avait déjà adopté un programme dans certaines régions, impliquant des incitations de l’Etat sous forme d’aide financière aux familles pauvres ayant deux enfants ou moins, et que certains projets parlaient d’étendre ce programme dans d’autres régions également. Selon elle, la bonne nouvelle est que le taux de natalité a baissé en 2015 par rapport à 2014, mais elle n’est pas satisfaite du niveau de cette diminution et de son étendue.

Shawky a mentionné un programme d’un an visant à accroître la sensibilisation du public à ce sujet, dans le cadre duquel chaque semaine, la presse et les émissions de télévision aborderont un thème différent lié à la natalité en Egypte. Elle a déclaré qu’une autorité était spécialement chargée de sensibiliser le public à ce sujet et de former les journalistes à cet effet.[11]

D’autres officiels égyptiens ont également abordé la nécessité de réduire les taux de natalité. Le député Kamal Amer, qui dirige la Commission de la Sécurité nationale du parlement égyptien, a affirmé que la commission avait débattu de moyens visant à aborder le problème de la croissance de la population et de la nécessité d’une stratégie globale de toutes les forces égyptiennes pour traiter cette question en utilisant des mesures d’incitation et avec l’aide des dirigeants religieux. Selon lui, il a été décidé de fournir des moyens contraceptifs et de sensibiliser les citoyens, en mettant spécialement l’accent sur les campagnes et sur les villages pauvres. La commission a également conclu un accord avec la vice-ministre Shawky pour soumettre une proposition de loi sur ce problème, a-t-il affirmé.[12]

Khalaf Al-Zanati, dirigeant du syndicat des enseignants et président de l’Union des enseignants arabes, a lui aussi abordé le sujet, affirmant que cette question nécessitait d’établir une collaboration entre le gouvernement et les ONG. Il a appelé à inclure le sujet dans les programmes scolaires afin d’augmenter la sensibilisation à ses dangers et à ses conséquences néfastes pour le progrès social.[13]

 * H. Varulkar est directrice de la recherche à MEMRI ; C. Meital est chargée de recherche à MEMRI.

Suite à paraitre

Lien vers l’article en anglais

Acerca de MEMRI

El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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