Sami Aldeeb au sujet de la Déclaration de Marrakech : « La montagne accouche d’une souris »

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Un congrès sur les droits des minorités religieuses dans les pays à majorité musulmane s’est tenu à Marrakech des 25 au 27 janvier 2016, en présence de plus de 300 oulémas musulmans de plus de 60 pays différents.

Mohammed Moussaoui, président de l’Union des Mosquées de France, a salué une « déclaration courageuse et responsable des oulémas musulmans » dans un texte mis en ligne le jour-même sur le site islamique français proche des Frères musulmans oumma.com. D’autres ont toutefois dénoncé une déclaration sans réel impact. Ainsi Pr Sami Aldeeb, Suisse palestinien spécialiste du Droit islamique, a estimé que « la Montagne a accouché d’une sourie ».

Ci-dessous des extraits de la déclaration de Mohammed Moussaoui, suivi du commentaire de Sami Aldeeb, puis du texte intégral de la Déclaration.


I – Mohammed Moussaoui, président de l’Union des Mosquées de France

« Cette rencontre organisée conjointement par le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques du Royaume du Maroc et le Forum de la promotion de la paix dans les sociétés Musulmanes a réuni plus de 300 personnalités, Oulémas, intellectuels, ministres, muftis, et chefs religieux musulmans, de différents rites et tendances et des représentants d’autres religions venus de plus de 60 pays.

Au terme de débats riches et féconds, les Oulémas et les penseurs musulmans participant à cette conférence, soutenus par leurs frères des autres religions, ont produit un document intitulé ‘Déclaration de Marrakech sur les Droits des Minorités Religieuses dans le Monde Islamique’.

Cette déclaration fait référence à des principes universels et à des valeurs fédératrices prônés par les textes fondateurs de l’Islam tels que le respect de la dignité humaine, le respect de la liberté de religion, le principe de justice et de non-discrimination, la préservation de la Paix, la Bienveillance envers autrui et le respect des engagements.

Elle fait référence également au document intitulé ‘Charte de Médine’, rédigée par le Prophète Mohammed, paix et salut sur lui, pour organiser la coexistence pacifique des différentes composantes de la société médinoise multi-ethnique et pluri-confessionnelle.

S’appuyant sur ces références, les participants à cette rencontre ont invité :

 – Les Ouléma et les penseurs musulmans à s’investir dans la démarche visant à ancrer le principe de citoyenneté, qui englobe toutes les appartenances, en procédant à une bonne appréciation et à une révision judicieuse du patrimoine du fiqh et des pratiques historiques, et en assimilant les mutations qui se sont opérées dans le monde.

– Les institutions académiques et les magistères religieux à réaliser des révisions courageuses et responsables des manuels scolaires, de sorte à corriger les distorsions induites par cette culture en crise qui, outre l’incitation à l’extrémisme et à l’agressivité, alimente les guerres et les dissensions et sape l’unité des sociétés.

– Les politiciens et les décideurs à prendre les mesures constitutionnelles, politiques et juridiques nécessaires pour donner corps à la citoyenneté contractuelle et appuyer les formules et les initiatives visant à raffermir les liens d’entente et de coexistence entre les communautés religieuses vivant en terre d’islam.

– Les intellectuels, les créateurs et les composantes de la société civile à favoriser l’émergence d’un large courant social faisant justice aux minorités religieuses dans les sociétés musulmanes et suscitant une prise de conscience quant aux droits de ces minorités. Il leur revient aussi d’œuvrer sur les plans intellectuel, culturel, éducatif et médiatique pour préparer un terrain propice à l’éclosion de ce courant social.

 – Les différentes communautés religieuses unies par le même lien national à soigner les traumatismes mémoriels nés de la focalisation sélective mutuelle sur des faits particuliers et l’occultation de siècles de vie commune sur une même terre. Elles sont également appelées à reconstruire le passé par la revivification du patrimoine commun et à tendre les passerelles de la confiance, loin des tentations d’excommunication et de violence.

En faisant écho à la lettre adressée par SM le Roi Mohammed VI aux participants, ces derniers ont réaffirmé leur adhésion totale à son invitation à dénoncer toute instrumentalisation de la religion aux fins de priver les minorités religieuses de leur droits dans les pays musulmans.

L’Union des Mosquées de France pour sa part tient à souligner que :

Par sa reconnaissance du principe de citoyenneté comme englobant toutes les appartenances et son invitation à une révision judicieuse de la jurisprudence musulmane pour tenir compte des mutations qui se sont opérées dans le monde ainsi que son appel à réaliser des révisions des manuels scolaires dans les pays musulmans afin d’y corriger les distorsions induites par l’extrémisme et y à favoriser l’émergence d’un large courant social faisant justice aux minorités religieuses, cette déclaration ouvre en réalité des perspectives qui dépassent largement la problématique des droits de ces minorités.

II – Sami Aldeeb, Professeur des universités et Directeur du Centre de droit arabe et musulman

Sur son blog Savoir ou se Faire avoir, Sami Aldeeb dénonce quant à lui le manque de sincérité de la déclaration et présente ce qu’aurait été une déclaration efficace :

« Si les signataires de cette déclaration étaient sincères dans leurs intentions, ils devraient traduire cette déclaration au niveau législatif comme suit:

1) Supprimer les articles constitutionnels qui font de l’islam la religion d’État. L’État est une institution administrative qui gère les affaires des gens sur la base de la citoyenneté et non pas sur la base de la religion. L’État ne peut avoir de religion: il ne prononce pas l’attestation de la foi, il ne prie pas, il ne jeûne pas, il ne paie pas la zakat, et il ne fait pas le pèlerinage. Ces cinq piliers de l’Islam ne sont accomplis que par des individus. Considérer l’Islam comme religion d’État signifie que l’islam a la priorité sur les autres religions, et que les adeptes de l’islam ont plus de droit que les adeptes des autres religions.

2) Supprimer toutes les dispositions légales qui établissent une distinction entre les musulmans et les non-musulmans dans le domaine de la liberté religieuse et de la liberté d’expression. Cela implique la suppression de tous les articles relatifs à l’apostasie dans les lois arabes et islamiques, y compris le Code pénal arabe unifié approuvé par tous les ministres arabes de la justice. Ce Code pénal publié sur le site Internet de la Ligue arabe doit être modifié et rendu conforme à l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui dit: «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.» Dans le même temps, il faut déclarer caduques toutes les fatwas émises par des organisations islamiques concernant l’apostasie. Il faut aussi supprimer toutes les dispositions légales qui empêchent l’entrée des livres religieux non islamiques dans certains pays, et empêchent le prosélytisme pour une autre religion que l’islam.

3) Supprimer toutes les dispositions légales qui établissent une distinction entre les musulmans et non-musulmans dans le domaine du mariage, de la tutelle des enfants et de l’héritage. Cela implique la suppression de toutes les dispositions légales relatives à ce domaine des lois arabes et islamiques, y compris le Code de statut personnel arabe unifié approuvé par tous les ministres arabes de la Justice. Ces lois permettent au musulman d’épouser une femme non-musulmane appartenant aux gens du livre, tandis qu’elles interdisent le mariage d’un non-musulman avec une musulmane, et imposent l’islam aux enfants issus d’un mariage mixte, sans laisser la liberté de choix aux parents de l’enfant. Elles privent aussi l’apostat du mariage, de l’héritage et de ses enfants. Ces pays doivent supprimer tous les tribunaux religieux, unifier les lois relatives au statut personnel, et adopter le mariage civil. Ceci afin que ces lois soient conformes au chiffre premier de l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. qui dit: «Les hommes et les femmes de l’âge nubile, le droit de se marier et de fonder une famille sans aucune restriction quant à la race, la religion, et ont droit à l’égalité des droits au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.»

4) Établir une loi unifiée pour les lieux de culte permettant à tous la construction de leurs lieux de culte, où qu’ils soient, y compris en Arabie saoudite, et leur permettre de pratiquer leurs cultes. Et supprimer l’interdiction d’entrée à La Mecque et Médine pour les non-musulmans, et supprimer l’interdiction de la naturalisation dans certains pays pour les non-musulmans.

5) Supprimer les dispositions légales qui limitent la liberté individuelle pendant le Ramadan ou dans l’accomplissement de la prière, et punissent ceux qui ne pratiquent pas le jeûne et la prière.

6) Supprimer la mention de la religion dans les documents personnels et dans la fonction publique, y compris la présidence de l’État et les différents ministères.

7) Unifier les cimetières afin d’assurer le droit à un enterrement décent pour tous, quelle que soit leur religion. Or, le système actuel différencie les gens sur la base de la religion et ne garantit pas la dignité humaine pour les apostats.

8) Supprimer toutes les normes islamiques relatives au djihad et les normes annexes telles que l’enlèvement des femmes, celles qui accordent aux gens n’ayant pas de livres sacrés le choix entre l’islam et l’épée et celles relatives au tribut des vaincus (jizya) et autres normes violant les conventions internationales, en particulier les Conventions de Genève relatives à la guerre.

9) Modifier les programmes d’éducation de la maternelle à l’université, et modifier le contenu des médias et des sermons dans les mosquées contraires aux exigences de ce qui précède, et déclarer comme caduques toutes les fatwas contraires à ce qui précède.

Si la Déclaration de Marrakech n’est pas traduite dans ce sens sur le plan législatif, cette déclaration devient de la pure propagande sans aucun sens, et constitue une perte de temps.

III – Déclaration de Marrakech sur les Droits des Minorités Religieuses dans le Monde Islamique »

Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux

Louange à Dieu, Seigneur de l’univers, paix et salut sur notre Maître Mohammed, sur ses frères les Prophètes et les Envoyés de Dieu et sur sa famille et tous ses compagnons.

Compte tenu de la détérioration de la situation qui sévit dans différentes régions du monde Islamique, en raison du recours à la violence et aux armes pour régler les différends et imposer des opinions et des choix,

Vu que cette situation a conduit à l’affaiblissement ou à la dislocation du pouvoir central dans certaines régions, qu’elle, a en outre, favorisé la montée en puissance de groupements criminels, dénués de toute légitimité scientifique (intellectuelle) ou politique et qui se sont arrogés le droit d’édicter des règles en les imputant  à l’Islam, d’appliquer des concepts qu’ils ont sortis de leur contexte et dissociés de leurs desseins initiaux, et de s’en prévaloir pour se livrer à des agissements néfastes pour toutes les couches de la société,

Vu les effets de cette situation sur les minorités, qui subissent massacres, asservissements, déracinements et autres horreurs et humiliations, alors qu’elles avaient vécu, des siècles durant, au sein des musulmans et sous leur protection, dans un climat de tolérance, de coexistence et de fraternité, dûment consigné par l’histoire, et attesté par les chroniqueurs scrupuleux de la vie des nations et des civilisations,

Vu que ces forfaits sont perpétrés au nom de l’Islam et en invoquant perfidement Dieu le Très-Haut et le Prophète de la miséricorde, paix et salut sur lui, en calomniant plus d’un milliard d’êtres humains, dont la religion et la réputation ont été stigmatisées et perverties, et qui suscitent désormais la répulsion et la haine, alors qu’ils subissent eux-mêmes les affres de ces crimes.

En vertu du devoir d’explication et d’exégèse dont Dieu a confié la charge aux oulémas, surtout en cette période critique de l’histoire de la Oumma islamique, afin de revivifier la quête de la vertu infaillible, de préserver la paix entre les humains, de veiller à l’exigibilité des droits entre les humains, et de rétablir l’image authentique de notre sainte religion, d’éclairer l’ensemble de la Oumma et de la mettre en garde contre les menaces que ces crimes, drapés de couverture religieuse, font peser sur son unité, sa stabilité, et ses intérêts supérieurs, à court terme et à longue échéance;

1400 ans environ, après la parution de «Sahifat al Madina», dans la ville du Royaume chérifien du Maroc, Marrakech et sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Roi du Maroc, pays qui, avec ses dirigeants et peuple, s’est de tout temps affirmé comme un modèle et une source d’inspiration, en matière de protection des droits des minorités religieuses et de préservation d’un riche patrimoine historique marqué du sceau de la tolérance, du vivre ensemble et le brassage entre les musulmans et ceux qui ont en partagé avec eux l’appartenance à la même patrie ou qui se sont réfugiés auprès d’eux pour fuir la persécution religieuse ou l’injustice et l’oppression sociales.

Dans une rencontre organisée conjointement par le Ministère des Habous et des Affaires islamiques et le Forum pour la Promotion de la Paix dans les Sociétés Musulmanes (Emirats Arabes Unis) organisent à Marrakech, du 14 au 16 Rabi’ al-Thânî 1437, correspondant aux 25-27 janvier 2016,

Plus de 300 personnalités, Oulémas, intellectuels, ministres, muftis, et chefs religieux musulmans, de différents rites et tendances, se sont réunis, en présence de leurs frères représentant les religions concernées et d’autres, au sein du monde islamique, et en dehors, ainsi que les représentants des instances et des organisations islamiques et internationales, de plus de 120  pays, convaincus de la noblesse de cette démarche, et conscients de la gravité des enjeux,

Au terme de débats riches et féconds et les échanges d’idées et d’avis, les oulémas et les penseurs musulmans participant à cette conférence, soutenus par leurs frères des autres religions, déclarent ce qui suit:

I- Rappel des principes universels et des valeurs fédératrices (ou consensuelles) prônées par l’Islam:

1-      L’ensemble des humains, dans la diversité de leurs ethnies, leurs couleurs, leurs langues, et leurs croyances ont été honorés par Dieu qui a insufflé de son esprit dans leur père Adam – paix sur lui: «Assurément, Nous avons honoré les enfants d’Adam» (Al-Isrâ’, 70).

2-      Honorer l’homme, c’est lui accorder le droit de choisir comme le rappelle le saint Coran: «Nulle contrainte en religion» (Al-Baqara), 256). «Si Dieu l’avait voulu,  ceux qui sont sur terre croiraient tous ; forces-tu les gens à devenir des croyants?!» (Yûnus, 99).

3-      Les hommes, indépendamment de leurs différences naturelles, sociales et intellectuelles, sont des frères en vertu de leur humanité, comme le dispose la parole divine: « ô vous hommes! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Nous vous avons constitués en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez entre vous» (Al-Hujurât, 13).

4-      Dieu Tout-Puissant a créé les Cieux et la Terre en se fondant sur le principe de justice. Celui-ci a été érigé en norme de conduite pour tous les humains afin de prévenir toute tentation de haine et de violence. Par ailleurs, Dieu a exhorté à la bienfaisance qui favorise l’amitié et la cordialité, comme décrété dans le verset suivant: «Oui, Dieu ordonne l’équité, la bienfaisance et la libéralité envers les proches parents». (An-nahl, 90).

5-      La paix est la devise de l’Islam et la finalité suprême de la Loi sacrée pour ce qui touche à la vie des hommes, comme indiqué dans les deux versets: «ô vous qui croyez! Entrez tous dans la paix» (Al-Baqara, 208) et «s’ils inclinent à la paix, fais de même; confie-toi à Dieu» (Al-Anfâl, 61).

6-      Dieu le Très-Haut a envoyé sidna Mohammed, paix et salut sur lui, comme une miséricorde aux mondes, comme cela est précisé dans la parole de Dieu: «Nous t’avons seulement envoyé comme une miséricorde aux mondes». (Al-Anbiyâ’, 107).

7-      L’Islam incite à la charité et à la bienveillance envers autrui, sans distinction entre partisans ou adversaires en matière religieuse. A ce propos, Dieu a dit: «Dieu ne vous interdit pas d’être bons et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus à cause de votre foi, ceux qui ne vous ont pas expulsés de vos maisons. Dieu aime ceux qui sont équitables». (Al-Mumtahana, 08).

8-      La Loi islamique tient au respect des contrats, des engagements et des traités qui garantissent la paix et la coexistence entre les hommes, comme en témoignent les versets suivants: «ô vous qui croyez! Respectez vos engagements» (Al-Mâ’ida, 1), «Soyez fidèles à l’alliance de Dieu après l’avoir contractée» (An-nahl, 91) et le Hadith du Prophète: «l’Islam ne fait que conforter toute alliance scellée du temps de la Jahiliya» (Hadith authentique).

II- La Charte de Médine, une base de référence pour garantir les droits des minorités religieuses en terre d’Islam:

9-      Rédigée par Sidna Mohammed, paix et salut sur lui, pour être la Constitution d’une société multiethnique et pluriconfessionnelle, la «Charte de Médine» incarnait les principes coraniques majeurs et les grandes valeurs islamiques.

10-   La réalité de ce document est attestée par les illustres imams de la Oumma.

11-  La «Charte de Médine», comparativement aux références qui lui sont antérieures et postérieures dans l’histoire de l’Islam et dans l’histoire du monde, puise sa singularité dans :

a-      Sa vision universelle de l’Homme en tant qu’être honoré n’évoque ni minorité ni majorité, mais renvoie à l’idée de l’existence de diverses composantes au sein d’une seule nation (en d’autre terme citoyens).

b-      Le fait que la Charte de Médine n’est pas la conséquence de guerres ou de luttes, mais qu’elle découle, plutôt, d’un contrat entre des communautés vivant initialement en bonne intelligence et dans la paix.

12-   Cette Charte ne contredit pas le texte canonique, pas plus qu’elle n’est abrogée vu que ses contenus sont l’expression tangible des finalités suprêmes de la Loi sacrée. En effet, chaque clause de la Charte induit l’idée de miséricorde, de sagesse, de justice ou d’intérêt communautaire.

13-   Dans le processus de la civilisation contemporaine, la «Charte de Médine» est qualifiée pour fournir aux musulmans une base de référence fondatrice de la citoyenneté : C’est l’archétype d’une citoyenneté contractuelle et d’une Constitution juste pour une société dotée d’un pluralisme ethnique, religieux et linguistique, solidaire, et dont les membres jouissent des mêmes droits, accomplissent les mêmes devoirs et appartiennent à une même nation, indépendamment de leurs différences.

14-   Que cette Charte ait été la référence pour notre contexte et notre époque, ne signifie nullement, que d’autres systèmes manquaient d’esprit de justice.

15-  Les dispositions de «la Charte de Médine» contiennent de nombreux principes de la citoyenneté contractuelle, comme la liberté de culte, la liberté de mouvement, la liberté de posséder des biens, le principe d’entraide publique et celui de défense commune. A cela s’ajoute le principe d’égalité devant la loi (…les Juifs de Bani Ouaf ne font qu’une communauté avec les croyants ; les Juifs ont leur religion, et les musulmans la leur et celle de leurs alliés. ils doivent s’allier les uns aux autres contre quiconque se bat contre la Gens de la Charte. Ils doivent se conseiller mutuellement, agir charitablement les uns envers les autres et se garder de toute iniquité. Aucun individu n’est comptable des agissements de son allié. Aide et assistance sont dues à la partie lésée).

16-   Les finalités de «la Charte de Médine» constituent un cadre idoine pour les Constitutions nationales des pays à majorité musulmane. Ce référentiel est en accord avec la Charte des Nations Unies et ses annexes comme la Déclaration des Droits de l’Homme, avec respect de l’ordre public.

III- De la mise au point conceptuelle et l’exposé des fondements méthodologiques de la position canonique concernant les droits des minorités :

17-   La position canonique, tant en la matière que pour d’autres questions, s’appuie sur un ensemble de fondements méthodologiques dont la méconnaissance, intentionnelle ou non, crée de l’amalgame et de l’ambiguïté et déforme les vérités. En voici quelques uns :

a-      La nécessité de prendre en considération les principes généraux de la Loi divine comme la sagesse, la miséricorde, la justice et l’intérêt et de privilégier l’approche globale qui relie les textes canoniques les uns aux autres sans pour autant négliger les parties dont se compose le corpus dans sa globalité.

b-      Les parties habilitées à pratiquer l’ijtihad doivent tenir compte du contexte dans lequel ont été révélées les prescriptions canoniques partielles, ainsi que des contextes contemporains. Il leur incombe de relever les ressemblances et les dissemblances qui existent entre ces différents contextes, en vue d’une application adaptée desdites prescriptions. Il leur appartient aussi d’inscrire chaque prescription dans le cadre qui lui convient, de manière à ce que les concepts ne s’inversent pas, et que leurs finalités ne s’en trouvent pas perverties.

c-      Il convient de prendre en considération le lien organique qui existe entre l’énoncé prescriptif et celui qui en établit le contexte : En d’autres termes, considérer les dispositions prescriptives dans leur corrélation avec le contexte matériel et humain dans lequel s’accomplissent les obligations prescrites. C’est pour cela que les docteurs de loi musulmans ont instauré la règle fondamentale suivante : il est indéniable que les dispositions changent selon les époques.

d-      Mettre en évidence le lien entre les commandements et les interdits d’une part et le système des intérêts et des risques de dégât : Dans la Loi sacrée, il n’est de commandement ou d’interdit qui ne soit destiné à produire un effet bénéfique ou à prévenir un préjudice.

18-  De nombreuses interprétations doctrinales portant sur la relation avec les minorités religieuses se sont fondées sur des pratiques historiques dictées par un contexte et une réalité autres que la conjoncture actuelle. Les pratiques historiques étaient dominées essentiellement par le paradigme des luttes et des guerres.

19-   Chaque fois que nous apprécions les diverses crises qui menacent l’humanité, notre conviction se renforce pour la nécessité de coopérer entre toutes les religions et l’impératif de son urgence. Cette coopération fondée sur des actes et pas seulement sur des vœux généraux de concordance et de respect. Cette coopération, enfin, doit être fondée sur l’engagement de respecter scrupuleusement les droits et libertés, avec l’obligation de les inscrire dans le cadre de la loi au niveau de chaque pays.  Il est insuffisant d’édicter des règles relationnelles, il est exigé, avant tout, d’avoir un comportement civique qui exclu toute forme de contrainte de fanatisme et d’arrogance.

Compte tenu de ce qui précède, les conférenciers invitent :

a – Les Ouléma et les penseurs musulmans à s’investir dans la démarche visant à ancrer le principe de citoyenneté, qui englobe toutes les appartenances, en procédant à une bonne appréciation et à une révision  judicieuse du patrimoine du fiqh et des pratiques historiques, et en assimilant les mutations qui se sont opérées dans le monde.

b – Les institutions académiques et les magistères religieux à réaliser des révisions courageuses et responsables des manuels scolaires, de sorte à corriger les distorsions induites par cette culture en crise qui, outre l’incitation à l’extrémisme et à l’agressivité, alimente les guerres et les dissensions et sape l’unité des sociétés.

c – Les politiciens et les décideurs à prendre les mesures constitutionnelles, politiques et juridiques nécessaires pour donner corps à la citoyenneté contractuelle et appuyer les formules et les initiatives visant à raffermir les liens d’entente et de coexistence entre les communautés religieuses vivant en terre d’islam.

d – Les intellectuels, les créateurs et les composantes de la société civile à favoriser l’émergence d’un large courant social faisant justice aux minorités religieuses dans les sociétés musulmanes et suscitant une prise de conscience quant aux droits de ces minorités. Il leur revient aussi d’œuvrer sur les plans intellectuels, culturel, éducatif et médiatique pour préparer un terrain propice à l’éclosion de ce courant social.

e – Les différentes communautés religieuses unies par le même lien national à soigner les traumatismes mémoriels nés de la focalisation sélective mutuelle sur des faits particuliers et l’occultation de siècles de vie commune sur une même terre. Elles sont également appelées à reconstruire le passé par la revivification du patrimoine commun et à tendre les passerelles de la confiance, loin des tentations d’excommunication et de violence.

f – La communauté internationale à édicter des lois criminalisant les offenses aux religions, les atteintes aux valeurs sacrées et tous les discours d’incitation à la haine et au racisme.

En conclusion, les participants déclarent que :

Il n’est pas autorisé d’instrumentaliser la religion aux fins de priver les minorités religieuses de leurs droits dans les pays musulmans.

Lire la déclaration en français et en ligne sur le site gouvernemental marocain

 

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El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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