Réaction iranienne à la réunion tripartite des chefs d’état-major américain, russe et turc : Celui qui n’est pas assis à table est consommé à table

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Par Yigal Carmon, A. Savyon et Anna Mahjar-Barducci*

Le 7 mars 2017, les chefs d’état-major des armées américaine, russe et turque se sont rencontrés à Antalya, en Turquie, pour aborder les problèmes de sécurité en Syrie et en Irak. Criante était l’absence de toute représentation iranienne. Selon un communiqué du ministère de la Défense russe, le chef d’état-major des Forces armées russes, le général Valery Gerasimov, le chef d’état-major turc le général Hulusi Akar, et le président des états-majors conjoints américains, le général Joseph Dunford, étaient présents à la rencontre d’Antalya.[1]

Le présent rapport examine les manifestations d’un récent rapprochement entre la Russie, les Etats-Unis et la Turquie, au détriment de l’Iran, et ses implications pour l’Iran et les Etats-Unis.


Un site iranien proche du ministère des Affaires étrangères : « Le rôle de l’Iran dans les développements en Syrie s’estompe »

Après la rencontre à Antalya le 11 mars 2017, le site Iran Diplomacy, proche des cercles du ministère des Affaires étrangères iranien, affiche que l’Iran était en état de choc :

« Un proverbe russe dit : ‘Si vous n’êtes pas assis autour de la table, vous (êtes en train d’être mangé) à la table’. L’Iran n’était pas assis à la table à Antalya…

Les chefs d’état-major de la Turquie, de l’Amérique et de la Russie ont tenu des pourparlers conjoints sur la question syrienne, et le silence de l’Iran renforce la rumeur selon laquelle le rôle de l’Iran dans les développements en Syrie est en passe de devenir inexistant, très graduellement, ou du moins limité… La Russie s’est imposée par la force dans l’arène syrienne, et elle a joué un rôle stratégique dans la chute d’Alep, avec l’accord de l’Amérique. Cela indique une diminution du rôle de l’Iran dans les développements en Syrie. Le représentant américain à l’ONU a évoqué la nécessité d’un départ iranien de Syrie, tandis que [les Etats-Unis] soutiennent la Turquie, qui menace d’entrer vigoureusement en Syrie… Pour autant que les Etats-Unis soient concernés, l’Iran est l’ennemi numéro un…

Ankara a envoyé un message à l’Iran concernant le rôle de la Turquie dans les développements en Syrie, qui a remplacé l’Iran… Washington et Moscou sont les principaux acteurs de ces pourparlers… Pour Moscou et Washington, [l’intérêt turc] est considéré comme l’intérêt régional prédominant… C’est cela le choc [pour l’Iran] que nous avons mentionné plus haut, et nous avons dit qu’il devait s’y préparer… [Ce choc] est imminent, et nous devons veiller à limiter ses conséquences et son impact ».[2]

Davoud Hermidas-Bavand, ancien officiel des Corps des Gardiens de la Révolution islamique d’Iran (CGRI), écrit aussi, dans un article du 4 mars 2017 paru sur le site réformateur Shargh, que « la Russie s’était [déjà] servi de l’Iran dans le passé comme d’un outil » pour atteindre ses objectifs, et que « tout ce qui intéresse la Russie est de réussir en Syrie, et elle préfère parvenir à la victoire avec l’Amérique ». Il ajoute que « lorsque la décision finale [sur la Syrie] sera trouvée, les rôles de la Russie, de l’Amérique et de la Turquie deviendront plus clairs et l’Iran sera effectivement marginalisé… » [3]

Il convient d’observer que quatre jours avant la rencontre d’Antalya, le 3 mars, le porte-parole de la présidence russe Dmitry Peskov s’était plaint de l’absence de toute coordination avec les Etats-Unis sur la Syrie.[4] Quatre jours après la réunion, le 11 mars, le général Dunford et le porte-parole de l’état-major, le capitaine Greg Hicks, avaient exposé différents éléments de la coopération américano-russe sur lesquels un accord avait été trouvé lors des pourparlers (voir Annexe dans la version originale en anglais).

La position russe

Au cours des derniers mois, la Russie a fait comprendre, par le biais d’éditoriaux publiés dans les médias russes, que son approche concernant l’Iran était motivée par ses intérêts. Ainsi, en décembre 2016, Andrey Kortunov, directeur du think tank pro-Kremlin Russian International Affairs Council (RIAC), a écrit que les relations actuelles Russie-Iran ne pouvaient pas être qualifiées de partenariat stratégique et qu’un ennemi d’autrefois [les Etats-Unis] pouvait facilement devenir un allié futur.[5]

En février 2017, le site d’information russe Pravda.ru a réitéré ce message, accompagné d’une analyse de Dmitri Nersevov, qui a affirmé que l’Iran devenait un problème majeur, avant tout pour les intérêts de la Russie. [6] Dans son éditorial du 14 février 2017 paru dans le quotidien russe Kommersant, Maxim Yusin écrivait que Moscou considérait l’Iran comme un partenaire “capricieux” et “imprévisible”, et que cela “ouvrait une certaine fenêtre d’opportunité à la diplomatie de Donald Trump”.[7]

Un article paru le 14 février 2017 dans le média russe Vzglyad affirmait que “Téhéran devra indemniser Moscou des frais de la couverture géopolitique fournie à l’Iran”.[8]

Le 9 février 2017, Fyodor Lukyanov, rédacteur en chef de Russia in Global Affairs, dirigeant du Présidium du Conseil sur la politique étrangère et de défense et directeur de recherche du Club de Discussion internationale Valdai, écrivait dans le média russe Gazeta.ru que “le rapprochement et l’interaction avec l’Iran, la Chine et l’Inde n’avaient pas de valeur intrinsèque pour la Russie mais étaient un outil… pour influencer l’Occident”.[9]

Il convient de souligner que ces déclarations concernant l’Iran n’ont pas été faites à titre amical envers les Etats-Unis. Elles reflètent la position de la Russie, qui considère l’Iran comme une monnaie d’échange, en contrepartie de laquelle la Russie attend que les Etats-Unis répondent à ses besoins – la levée des sanctions imposées après l’annexion par la Russie de la Crimée et son implication militaire en Ukraine.

La situation sur le terrain 

Les articles mentionnés ci-dessus n’infirment pas ce qui apparaît sur le terrain, au contraire : pendant plusieurs mois, des conflits d’intérêts significatifs ont opposé la Russie et l’Iran et se sont traduits sur le terrain de différentes manières.

La Russie est intéressée à trouver un accord en Syrie et se considère comme l’élément décisif pour l’avenir de celle-ci,[10] tandis que l’Iran se voit aussi dans ce rôle, conformément à l’idéologie expansionniste du régime de la Révolution islamique,[11] et au vu des pertes massives qu’il a subies en Syrie ces dernières années.

Des rapports faisant état d’affrontements sur le terrain entre la Russie et l’Iran ont été publiés par des sources de l’opposition syrienne. Selon ces informations, de nombreux affrontements avaient pour objectif d’imposer un cessez-le-feu, en coordination avec la Turquie, dans différents lieux en Syrie, comme Alep, Homs et la banlieue de Damas.[12]

Ces informations font aussi état du mécontentement de l’Iran face aux retards dans l’application des accords signés avec la Syrie, apparemment dus aux réserves russes. [13] Ces informations sont aussi conformes à l’analyse de la source iranienne haut placée susmentionnée, selon laquelle l’Iran a été abandonné par la Russie.

Préparatifs iraniens au vu de l’aggravation de la crise avec la Russie 

En dépit de la coopération irano-russe de ces dernières années dans différents domaines, l’Iran sent actuellement que la Russie l’abandonne en faveur d’autres intérêts vitaux, comme l’obtention d’accords avec les Etats-Unis en vue d’obtenir la levée des sanctions, et avec la Turquie, désormais considérée comme premier partenaire régional.

La coordination américano-russe au plus haut niveau (destinée ostensiblement à vaincre l’EI) a lieu à un moment où l’administration Trump, connue pour sa position hostile au régime iranien, regroupe les Etats du Golfe et d’autres pays arabes dans ce que les médias arabes désignent comme un “OTAN arabe” contre l’Iran.

Ces développements créent un sentiment de siège et de menace existentielle pour Téhéran, au vu de la constitution d’un large front américano-russe-arabe (et israélien) contre le régime révolutionnaire iranien. En dépit du fait que les médias iraniens abordent rarement le sujet de la crise avec la Russie, comme l’a fait Iran Diplomacy, le régime iranien a mené des débats intensifs pour formuler une stratégie en vue de faire face à la situation actuelle.

Selon le site Internet réformiste Amadnews, cette stratégie repose sur deux éléments essentiels : le premier est la tentative de rapprocher la Russie et l’Iran pour créer une alliance stratégique dans le cadre de laquelle la Russie recevrait des avantages significatifs de l’Iran, sous forme d’indemnisations financières face aux sanctions occidentales, pour un montant de 50 milliards $, et des privilèges militaires-stratégiques, comme des bases et des ports militaires dans le golfe Persique, à la frontière méridionale de l’Iran. Ce dernier aspect revêt une importance stratégique vis-à-vis des Etats-Unis, et est historiquement important pour les intérêts impérialistes russes.

Le second élément consiste à utiliser des agents de l’Iran comme le Hezbollah et les factions palestiniennes pour déclencher une guerre contre Israël, laquelle occuperait l’administration Trump et allègerait la pression exercée par celle-ci sur l’Iran.[14]

Conclusion

La position russe est de considérer l’Iran comme une monnaie d’échange face aux Etats-Unis, comme une offre faite à l’administration Trump dont la concrétisation dépendra de la réponse américaine. Les Russes veulent la levée des sanctions, mais l’étendue des retours américains fait évidemment l’objet de pourparlers politiques entre les administrations Trump et Poutine (…)

Lire l’article intégral en anglais, notes et annexe compris.

*Yigal Carmon est président de MEMRI ; Ayelet Savyon est directrice du Projet des médias iraniens de MEMRI ; Anna Mahjar-Barducci, journaliste et autrice, est directrice du Projet d’études des médias russes de MEMRI.

Acerca de MEMRI

El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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