Une maître de conférence d’une université saoudienne : la solution au problème des femmes célibataires en Arabie saoudite est la polygamie – trois femmes pour un homme, et si cela fonctionne, il en reçoit une de plus

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L’augmentation du nombre de femmes célibataires en Arabie saoudite et la conception de solutions pour y faire face est une question importante dans la société conservatrice d’Arabie saoudite. De nombreux chiffres divergents ont été publiés à ce sujet dans le Royaume. Ainsi, le ministère saoudien de la Planification a rapporté en 2014 qu’il existait 3 millions d’hommes et de femmes célibataires, et a observé que ce chiffre était supérieur de 1,5 million à celui de 2010.[1] L’Autorité générale saoudienne des statistiques a rapporté en 2016 que le nombre de femmes célibataires au-dessus de 15 ans était d’environ 2,3 millions. Elle précise, toutefois, qu’en Arabie saoudite l’expression “femme non mariée” ne s’applique qu’aux femmes célibataires âgées de 32 ans ou plus, de sorte que le nombre de femmes célibataires dans le Royaume n’est que de 230 000.[2]

La question du grand nombre de femmes célibataires en Arabie saoudite a également été abordée par la presse et les médias sociaux saoudiens, notamment sur Twitter, où un hashtag « #One Third Of Saudi Women Are Unmarried » [un tiers des femmes saoudiennes ne sont pas mariées] a été lancé.[3]

Dans le cadre du débat sur ce problème et sur ce qu’il convient de faire, certains ont appelé à encourager la polygamie – qui est acceptée en Arabie saoudite et autorisée par l’islam.[4] En janvier 2017, le site Alarabiya.net a rapporté que huit cheikhs célébrant les mariages en Arabie saoudite avaient créé un groupe sur WhatsApp intitulé “Polygamie”, dans le but d’encourager les hommes à adopter cette méthode pour résoudre le problème du grand nombre de divorcées, de veuves et femmes célibataires dans le pays. Selon Alarabiya.net, en janvier 2017 quelque 900 femmes ont rejoint ce groupe WhatsApp.[5]


La proposition d’encourager la polygamie en tant que solution à l’abondance de femmes célibataires en Arabie saoudite a suscité un débat public dans le pays, qui s’est intensifié après la proposition faite par Hawazin Mirza, maître de conférences à l’université du Roi Abd Al-Aziz de Jeddah. Dans une interview donnée le 26 mars 2017 à la chaîne TV du Golfe Rotana, elle a appelé à créer une “académie de la polygamie”, qui fournirait à tout homme le demandant trois femmes dans le délai d’un mois – une femme célibataire, une divorcée et une veuve. En outre, si ce mariage quadripartite s’avérait un succès, au bout de dix ans l’académie lui fournirait une quatrième femme gratuitement. Selon Hawazin Mirza, l’académie de la polygamie offrirait des cours de six mois aux hommes âgés de plus de 25 ans pour les préparer au mariage, et pour promouvoir l’idée du mariage avec plusieurs femmes. La formation serait donnée par des experts dans différents domaines sociaux. Elle a ajouté que l’académie serait aussi ouverte aux femmes cherchant à conclure un tel mariage, avec l’accord de leurs familles. L’objectif de l’académie, selon elle, était d’éliminer le phénomène des femmes célibataires en Arabie saoudite.[6]

La presse saoudienne a également publié de nombreux articles abordant le problème des femmes célibataires et la question de savoir comment la polygamie pouvait l’éliminer, selon la proposition de Hawazin Mirza et d’autres. Beaucoup ont rejeté l’idée de la polygamie comme solution, affirmant que cela reflétait une mauvaise compréhension du célibat et de l’institution du mariage. D’autres ont affirmé que tout cela revenait à dévaloriser les femmes comme de banales marchandises, et que certaines femmes choisiraient de rester célibataires et ne voudraient être ni mariées ni divorcées. D’autres ont aussi soutenu l’idée de la polygamie, qui est autorisée par l’islam, comme un besoin social et un intérêt national.

Le présent rapport examine les articles de la presse saoudienne sur le sujet de la polygamie comme solution au problème des femmes célibataires :[7]

Une journaliste saoudienne progressiste : la polygamie comme solution à la multiplication des femmes célibataires reflète une mauvaise compréhension de l’institution du mariage ; de nombreuses jeunes femmes saoudiennes choisissent librement le célibat.

Dans le quotidien Al-Jazirah, la journaliste saoudienne progressiste Samar Al-Muqrin objecte à la proposition de la polygamie comme solution pour faire face au grand nombre de femmes célibataires dans le pays. Ce point de vue, écrit-elle, reflète une erreur de compréhension fondamentale de la signification du mariage et des raisons qui conduisent une femme à choisir la vie de célibataire :

“Chaque année, ces chiffres [sur le nombre de femmes célibataires dans le royaume] sont publiés ; des émissions télévisées sont diffusées à ce sujet, des informations [sont publiées] dans les journaux et des articles d’auteurs qui s’interrogent sur les raisons [de ce phénomène] sont publiés. Pour autant que les hommes sont concernés, la meilleure manière de traiter le phénomène est la polygamie ; cela découle d’une erreur de compréhension de l’institution du mariage, et du fait de le considérer comme s’il s’agissait uniquement de sexe, et pas d’une vie partagée, qui ne peut concerner plus de deux personnes… Je pense aussi que les opinions et interprétations [qui sont exprimées] ne vont pas assez loin dans la question elle-même et négligent les circonstances qui amènent des jeunes femmes [à choisir] la vie de célibataire comme une solution meilleure pour elles que le mariage. Je pense que la plupart des cas de célibat sont la conséquence d’une abstention de se marier – à savoir qu’ils sont une affaire de choix, parce que la femme saoudienne est suffisamment mûre pour discerner [qui est un bon mari et qui ne l’est pas] et qu’elle ne veut pas se jeter dans les bras de n’importe quel homme, peu importe à quoi il ressemble, quelle est sa situation financière et quelles tentations il peut lui offrir. Elle ne veut pas quitter les statistiques des femmes célibataires pour rejoindre celles des femmes divorcées.

« Les opinions de la jeune femme saoudienne sur le mariage vont au-delà de la lune de miel, de se faire dorloter et des mots doux… [Elle comprend] qu’il s’agit d’un engagement pour la vie, qui nécessite pour elle de savoir si elle sera heureuse, ou deviendra prisonnière d’une aliénation émotionnelle ou du divorce, ce qui compliquera non seulement sa vie mais celle des autres, en particulier de ses enfants… » [8] 

L’éditorialiste Salma Al-Qusheiri : la proposition d’encourager la polygamie considère les femmes comme de banales marchandises

L’éditorialiste saoudienne Salma Al-Qusheiri a qualifié la proposition de Hawazin Mirza de dévalorisation des femmes et ajouté qu’elle considère les femmes comme de vulgaires marchandises, soi-disant au nom de l’islam. Elle écrit dans le quotidien Al-Watan :

“Alors que le monde autour de nous progresse et tente de se développer jour après jour… dans notre société nous faisons l’inverse ! La semaine dernière, malheureusement, une universitaire saoudienne a donné une interview sur une chaîne arabe ; elle a soutenu des méthodes et des décisions misogynes et oppressives… Le pire est que sa proposition se pare de l’aura de l’islam et de la légalité de la polygamie dans l’islam, qui est fondée sur plusieurs conditions et motivations essentielles, pour lesquelles un homme prend une femme supplémentaire en raison de circonstances inhabituelles qui le forcent à faire ainsi, avec l’accord des deux côtés [et à condition que le mari] traite toutes ses femmes équitablement et qu’il protège l’honneur [de sa première femme].

« J’ai l’impression que 99,99 % des cas que j’ai rencontrés d’hommes qui prennent une seconde femme ne proviennent pas de la nécessité ou de justifications claires qui l’autorisent [selon la loi religieuse]. Ces cas ne sont rien d’autre qu’un adultère légal.

« L’académie de la polygamie [proposée par Hawazin Mirza] semble à première vue une idée qu’une personne saine et adulte n’aurait jamais proposée. Le pire est que cette idée est proposée par une membre prestigieuse du personnel enseignant de l’université, qui forme des jeunes gens et des futurs professeurs. Ce qui est regrettable concernant cette idée n’est pas seulement le fait qu’elle dévalorise la femme vis-à-vis de sa soeur, à ses propres yeux et qu’elle porte atteinte à la moitié de la société et à sa colonne vertébrale [à savoir les femmes], mais aussi qu’elle transforme la femme saoudienne en vulgaire – très vulgaire – marchandise, et diminue sa valeur, et tout cela au nom de l’islam.

« L’existence dans la société de femmes divorcées, de veuves, de femmes qui refusent de se marier – je ne dirai pas de ‘vieilles filles’ – ne signifie pas qu’elles doivent toutes se marier. Cela engendrerait un problème plus grand encore, et nous transformerait en enclos pour bêtes sauvages. » [9]

L’éditorialiste Fahd Al-Ahmari : La polygamie nuit à la vie conjugale et aux relations familiales

Un autre éditorialiste saoudien, Fahd Al-Ahmari, s’oppose également à l’idée de la polygamie, arguant qu’elle met en danger la santé du mari qui doit soutenir plusieurs familles, qu’elle nuit aux relations conjugales et familiales et qu’elle ne serait même pas viable en raison de restrictions religieuses. Dans le quotidien Al-Watan, Al-Ahmari propose de s’attaquer au coût élevé des mariages et de l’entretien des ménages et de résoudre le problème du chômage chez les jeunes afin de leur permettre de se marier en plus grand nombre :

« Une étude menée en avril 2015 à l’hôpital et centre de recherche du Roi Faisal montre que les hommes mariés à plusieurs femmes souffrent quatre fois [plus que les autres hommes] de problèmes cardiaques. Lors d’un congrès de cardiologie organisé en Asie en 2015, le scientifique arabe Amin Dawla a annoncé que le risque de maladies cardiovasculaires chez les hommes était lié au fardeau financier et émotionnel découlant de son obligation de satisfaire les besoins de plusieurs familles. La polygamie est un problème complexe et n’est souvent abordée que superficiellement… Lorsque vous débattez de la question, vous constatez que certains pensent que vous vous opposez à une solution autorisée par la religion, et ignorent le fait que l’islam, qui approuve [la polygamie] dans le principe, impose des restrictions quasi impossibles à respecter et menace quiconque les violerait et ne traiterait pas [ses épouses] de manière égale de l’amputation de l’une de ses jambes le Jour du Jugement.

« La question est de savoir, quel homme peut traiter [toutes ses épouses] équitablement chaque jour, chaque heure, pour chaque achat et chaque dépense ? N’est-ce pas un tourbillon qui rapproche l’homme marié à plusieurs femmes de la maladie cardiaque et de la maladie mentale… La polygamie est permise pour résoudre des problèmes particuliers, ce qui ne signifie pas qu’elle soit souhaitable ou préférable… Si les difficultés économiques sont le cœur du problème [du grand nombre de femmes célibataires], la solution consiste à s’attaquer aux dépenses élevées du mariage et à rechercher des solutions au chômage chez les jeunes hommes et femmes. L’appel à pratiquer la polygamie pour diminuer le nombre de femmes célibataires est une approche superficielle du problème. Il insulte l’intelligence des gens et exploite grossièrement la situation de la société au nom d’intérêts personnels. En outre, on constate qu’un homme ayant plusieurs femmes choisit une femme célibataire – ou plutôt une adolescente – ou peut-être [même] une fille mineure ! Nous serions reconnaissants envers ceux qui sont réellement préoccupés par le problème des femmes célibataires et dont les intentions sont sincères, s’ils offraient une aide matérielle pour qu’un jeune homme puisse se marier avec une jeune femme, et éliminaient ainsi deux cas de célibat à la fois…

« Si nous examinons la question [de la polygamie] du point de vue de la famille, nous constatons que l’hostilité, la jalousie et la rivalité entre les femmes enveniment la vie conjugale. L’hostilité est souvent transmise aux enfants des différentes épouses, élevés dans l’inimitié [l’un vers l’autre] – ce qui perturbe la famille, en particulier le père… » [10] 

Un éditorialiste saoudien : Epouser plus d’une femme règle le problème de la prolifération des femmes célibataires en Arabie saoudite

De son côté, l’auteur saoudien Abdallah Omar Khayat soutient l’idée que la polygamie résout le problème du trop grand nombre de femmes célibataires. Il écrivait dans son éditorial du 5 mars 2017 dans le quotidien saoudien Okaz – avant même que Hawazin Mirza ne présente sa proposition – que les hommes qui épousent plus d’une femme, ce qui est autorisé dans l’islam, répondent à un besoin social et moral et agissent dans l’intérêt national :

« De nombreuses études et rapports ont été écrits pour éliminer ce phénomène [du trop grand nombre de femmes célibataires], que les experts en matière familiale attribuent à un certain nombre de causes, notamment l’augmentation de la dot et le coût élevé du mariage. De même, certains pères ne veulent pas marier leurs filles, notamment après qu’elles aient terminé leurs études supérieures et obtenu un emploi approprié et bien rémunéré… Par conséquent, ils rejettent tous les prétendants, alléguant qu’ils sont indignes et ne correspondent pas au statut [de leurs filles]…

« Certains pensent qu’une solution rapide pour réduire le nombre de femmes non mariées, notamment celles âgées de plus de 30 ans, est la polygamie, à condition que la situation financière du mari soit bonne.

« Du point de vue de l’homme, la polygamie est acceptable ; de celui de la femme, elle est répugnante, et une femme ne déteste rien de plus [que les autres femmes de son mari]… [Pourtant] un homme qui épouse plus d’une femme réduira le nombre des [femmes célibataires dans la société]. La polygamie deviendra un besoin social et moral, requis dans l’intérêt de la patrie et des citoyens. La première femme se considère toujours abandonnée et indésirable après avoir perdu l’amour et la dépendance [de son mari]. [Elle pense] qu’elle n’a pas de valeur et que sa présence dans la vie de son mari après son mariage avec une autre se réduit à élever leurs enfants. C’est son opinion et [ce sont des pensées] que Satan insuffle dans son imagination. Mais quiconque épouse une deuxième femme, ou plus, ne doit pratiquer aucune discrimination, et doit redouter le châtiment d’Allah s’il opprimait l’une d’entre elles.

« La polygamie est l’une des manières de résoudre le problème du célibat. Notre religion monothéiste permet la polygamie sans restrictions, et la société condamne un homme [qui épouse une deuxième femme] si sa première femme est malade ou stérile. Pour preuve que la polygamie est permise, les déclarations d’Allah dans la Sourate du Coran An-Nisa [La Femme] [4:3] : ‘Et si vous craignez de n’être pas justes envers les orphelins,… Il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors une seule, ou des esclaves que vous possédez. Cela, afin de ne pas faire d’injustice (ou afin de ne pas aggraver votre charge de famille)’ » [11]

Lien vers le rapport en anglais

Notes :
[1] Latagreer.com, 9 mai 2015.
[2] Sabaq (Arabie saoudite), 2 novembre 2017.
[3] Twitter.com/hashtag/%D8%AB%D9%84%D8%AB_%D8%A7%D9%84%D8%B3%D8%B9%D9%88%D8%AF%D9%8A% D8% A7% D8% AA_% D8% B9% D9% 88% D8% A7% D9% 86% D8% B3? Src = hash, consulté le 19 juin 2017.
[4] Il convient d’observer que l’islam permet à un homme d’épouser quatre femmes, à condition qu’il les traite toutes de manière égale.
[5] Alarabiya.net, 7 janvier 2017. Il convient d’observer qu’en octobre 2016, Alarabiya a signalé que les chiffres du Bureau central des statistiques de l’Arabie saoudite pour cette année montrent que plus d’un demi-million d’hommes dans le pays épousaient plus d’une femme. Voir Alarabiya.net, 25 octobre 2016.
[6] Mubasher.aljazeera.net, 27 mars 2017.
[7] À propos d’un débat similaire sur la polygamie actuellement en cours en Irak, voir MEMRI en français, La proposition d’une députée irakienne d’asseoir la légalité de la polygamie déclenche un tollé, le 7 juillet 2017.
[8] Al-Jazirah (Arabie saoudite), le 22 mars 2017.
[9] Al-Watan (Arabie saoudite), le 31 mars 2017.
[10] Al-Watan (Arabie saoudite), le 31 mars 2017.
[11] Okaz (Arabie saoudite), 5 mars 2017.

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El Instituto de Investigación de Medios de Información en Medio Oriente (MEMRI) explora el Medio Oriente a través de los medios informativos de la región.

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