La 45e édition du magazine hebdomadaire Al-Masra, affilié à Al-Qaïda, parue le 3 avril 2017, comporte une interview d’Abou Al-Fadl Iyadh Ag Ghali, chef de la nouvelle organisation affiliée à Al-Qaïda au Mali, Jamaat Nusrat Al-Islam Wal-Muslimine – Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). [1]
Dans l’interview, Ghali déclare que le GSIM avait été créé comme organisation parapluie pour les groupes djihadistes actifs au Mali. Son objectif, affirme-t-il, est de réveiller la Oumma et de la mobiliser pour combattre les Français, leurs partenaires occidentaux et leurs collaborateurs africains jusqu’à ce qu’ils quittent le Mali, afin de pouvoir appliquer la loi de la sharia dans le pays. Il a souligné que l’ennemi principal du GSIM était la France, et ses ennemis accessoires les partenaires et collaborateurs de la France en Occident et en Afrique, comme les Etats-Unis, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, le Tchad, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Sénégal, le Niger, etc. et le gouvernement malien. Il a expliqué qu’il n’y avait pas de contradiction entre le djihad local et le djihad global, et que par conséquent, le GSIM était lié à la fois à Al-Qaïda et aux Taliban (par le biais de son serment d’allégeance symbolique au chef des Taliban, Mullah Haibatullah Akhunzada). Ghali a conclu l’interview par un appel aux nouvelles recrues et a appelé le peuple du Mali, et du Sahel en général, à combattre les Français jusqu’à leur départ.
La vie de Ghali
Dans l’interview, Iyadh Ag Ghali dit être né en 1958. Il décrit sa vie comme se divisant en plusieurs périodes. Dans un premier temps, il a créé et dirigé le mouvement populaire pour la libération de l’Azawad et a suivi une formation militaire en Libye, entre 1978 et 1990. Dans la deuxième période de sa vie, il a suivi une formation militaire en Syrie et participé aux combats au Liban contre Israël, entre 1981 et 1983. Ensuite, il a pris part au combat armé contre le gouvernement malien, entre 1990 et 1991 ; puis vinrent les négociations entre les Touaregs et le gouvernement malien en 1991, qui ont débouché sur un accord ; la cinquième période de sa vie fut la période de transition entre la guerre et la paix, jusqu’à ce que la situation se stabilise en 1996. Entre 1998 et 2011, il a été membre du mouvement Tabligh ; en 2008 il a été nommé consul général du Mali en Arabie saoudite, où il a ouvert des relations avec les Moudjahidine, et depuis 2009 il participe au djihad au Mali.
Pourquoi Ghali a créé le GSIM
Iyadh Ag Ghali a déclaré dans l’interview que la principale motivation de la création du GSIM fut d’obéir à Allah qui a ordonné [aux musulmans] de s’unir, de se respecter mutuellement et d’agir ensemble, pour que le djihad porte ses fruits dans la réalité actuelle grâce à l’unité : « cela rendra les musulmans heureux et les poussera à [participer] au djihad ». Il a ajouté que l’objectif du GSIM était de « réveiller la Oumma, d’appeler la Oumma à se mobiliser, pour qu’elle mette fin à l’oppression et combatte l’occupant français, ses associés et ses collaborateurs qui occupent nos terres, qui corrompent notre religion et notre monde, et qui exploitent nos ressources et nos moyens de subsistance, jusqu’à ce qu’ils quittent notre pays, et alors nous répandrons la justice et la Shura (concertation) et gouvernerons notre pays selon la loi d’Allah ». Même si le GSIM a été créé tardivement, sa création est néanmoins « un succès et un objectif » qu’il a « encouragé, demandé et favorisé ».
L’ennemi du GSIM : la France et ses alliés occidentaux
Iyadh Ag Ghali a défini l’ennemi principal du GSIM comme la France, les Juifs et les chrétiens : « A ce stade, [l’ennemi principal] est la France, ennemi historique des musulmans dans cette partie du monde musulman. Par la suite, les pays occidentaux qui l’ont aidé, comme les Etats-Unis, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, etc. et aussi les pays d’Afrique occidentale qui ont rejoint la France, comme le Tchad, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Sénégal, le Niger, etc. et ceux dans ce pays qui les ont rejoints et ont vendu leur âme au Satan ».
Il a déclaré que la politique militaire du GSIM incluait les éléments suivants : « Le déploiement dans la zone géographique la plus vaste possible ; des efforts pour épuiser l’ennemi en le frappant partout où il se trouve, en motivant la population pour ce faire et en recrutant [des combattants] à cette fin ; des efforts pour obtenir le soutien populaire en vue de renforcer et maintenir les relations de l’organisation avec la population locale ; l’adoption du principe de guérilla et le recours occasionnel aux méthodes de la guerre conventionnelle, en combinant l’avance et le recul ». Il a ajouté que la situation militaire actuelle avait été « pratiquement stabilisée, parce que l’ennemi français et ses alliés sont concentrés dans les grandes villes et mènent [seulement] une modeste activité terrestre et aérienne et aussi des opérations de ratissage, et tentent d’employer les renseignements et de recruter des espions et des collaborateurs ».
La raison pour laquelle la plupart des tués ne sont pas français mais sont des “mercenaires locaux”, affirme Ghali, est que “les Français n’ont jamais combattu, dans le passé ni aujourd’hui, sinon au moyen de mercenaires, avec des collaborateurs locaux…”
Il a réitéré ses propos selon lesquels “nous sommes plongés dans une guerre contre les Croisés français et tous ceux qui les soutiennent et nous avons pleinement le droit légal et logique de nous protéger et de combattre nos ennemis – en particulier les pays qui sont directement et brutalement impliqués dans l’occupation de notre pays”. Le djihad, a-t-il ajouté, “nous protège contre les croisés français ; c’est un projet de la Oumma dont nous faisons partie. Nous tendons la main et ouvrons notre cœur à tous ceux qui veulent prendre part au djihad”.
Il a poursuivi : “Conjointement à la Oumma musulmane, nous avons participé au djihad ; avec elle, nous allons récolter ses fruits et ses bénéfices… Nous avons de l’expérience dans ce domaine, quand nous avons tenté de promouvoir la Oumma dans le cadre du gouvernement et de la politique, dans la période où nous étions au pouvoir [en 2012].[2] Nous avons réussi dans ce domaine à un degré raisonnable.
Diminuer le nombre d’ennemis en rendant certains d’entre eux neutres fait partie de nos usages, et c’est une des stratégies bénéfiques que nous avons testées. Dans le passé, les moudjahidine déclaraient de manière répétée leur volonté de mettre de côté toute personne qui le souhaite, indépendamment de son identité – et cette invitation est toujours valable”.
Pour Iyadh Ag Ghali, il n’y a pas de contradiction entre l’activité djihadiste locale et le djihad global, et par conséquent, affirme-t-il, le GSIM a annoncé qu’il était lié à la fois à Al-Qaïda et aux Taliban en Afghanistan.
En outre, il a appelé à faire de nouvelles recrues, affirmant : “Nous accueillons toute personne qui veut rejoindre le front, parmi les musulmans en général – et en particulier les personnes ayant une expertise, comme les érudits en religion, les étudiants, médecins, ingénieurs, journalistes, etc”. Le message du GSIM aux érudits, idéologues et dirigeants de la Oumma, affirme-t-il, est de “résister, d’assumer votre rôle de direction de la Oumma, et de la conduire vers le rétablissement de sa grandeur, qui vous attend”.
Appel à attaquer les Français en Afrique du Nord
Dans l’interview, Iyadh Ag Ghali envoie aussi un message aux peuples du Mali, et à tous les peuples musulmans du Sahel, de la Libye à la Mauritanie, pour combattre les Français : “Votre ennemi historique, qui est situé à l’intérieur de vos pays, veut corrompre votre religion et exploiter vos ressources. Aussi allez combattre et mener le djihad contre lui, et chassez-le dans l’humiliation et la soumission de vos pays, comme vos ancêtres l’ont fait dans le passé… Le prix que vous paierez si vous acceptez la domination des incroyants sera plus grand que le prix que vous paierez [dans le cadre] du djihad”.
[1] Al-Masra 45, 4 avril 2017, p. 4. Voir aussi MEMRI JTTM report Pro-ISIS Media Outlet Lashes Out At Al-Qaeda’s New Affiliate In The Sahel Jama’at Nusrat Al-Islam Wal-Muslimeen, 20 avril, 2017.
[2]En janvier 2012 une rébellion Touraeg a débuté au nord du Mali, conduite par le Mouvement national pour la Libération de l’Azawad (MNLA). Le MNLA a rapidement pris le contrôle du nord, et proclamé l’Etat indépendant d’Azawad. Toutefois, l’organisation Ansar Din et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQIM), qui ont aidé les Touareg à prendre le contrôle du nord, se sont retournés contre les Touaregs, dans le but d’instaurer la sharia au Mali. L’indépendance de l’Azawada n’a pas duré longtemps ; en janvier 2013, l’armée française, agissant en collaboration avec l’armée malienne, a pris le contrôle du dernier bastion islamiste au nord du Mali, Kidal, qui était aussi la dernière des trois capitales régionales du Nord de l’Etat indépendant d’Azawad.
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