par R. Krespin –
Après la capture de la ville frontalière syrienne de Tel Abyad des mains de l’État islamique (EI) par les Unités de défense du peuple kurde (PYG), le 15 juin 2015, avec l’appui aérien des États-Unis, la Turquie a massé ses troupes le long de la frontière avec la Syrie. Le 27 juin 2015, le président turc Recep Tayyip Erdogan et son parti au pouvoir, l’AKP, avaient déclaré que la Turquie n’autoriserait à aucun prix un corridor et une entité kurde le long de sa frontière.
Alors que des préoccupations avaient émergé au sein du leadership militaire turc concernant le déclenchement d’une guerre sans prétexte approprié, l’occasion s’est présentée le 20 juillet 2015, lorsqu’un terroriste turc recruté par l’EI a mené une opération suicide à Suruç, près de la ville de Sanliurfa, tuant 32 jeunes volontaires militants de gauche, pour la plupart des étudiants d’université, qui étaient en route pour la ville voisine de Kobané, afin de participer aux efforts de reconstruction.
Le lendemain du massacre du 20 juillet, qui n’a pas été revendiqué officiellement par l’EI, deux officiers de police turcs ont été tués par balle dans la même région, en « représailles » au massacre de Suruç, selon ce qu’a affirmé la branche des jeunes du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), interdit.
Ces événements semblent avoir donné à l’AKP un motif adapté pour déclencher une guerre, dirigée selon toutes les apparences contre l’EI, aux côtés des États-Unis et de leur coalition alliée. La Turquie a longtemps résisté aux appels des États-Unis et de leur coalition occidentale à rejoindre de manière active la coalition anti-EI et à ouvrir la base aérienne d’Incirlik, dans le sud de la Turquie, aux forces américaines et alliées, pour leur permettre de lancer des raids aériens contre l’EI. Les priorités du gouvernement de l’AKP ont toujours été de combattre les forces du président syrien Bashar Al-Assad, et d’évincer son régime pour le remplacer par un pouvoir islamiste similaire [à celui de la Turquie], et d’établir une zone d’exclusion aérienne le long de la frontière turque avec la Syrie.
L’EI n’était pas une cible prioritaire, n’étant pas considéré comme un ennemi par le gouvernement de l’AKP. Toutefois, le 22 juillet 2015, après le massacre de Suruç et l’assassinat des deux policiers, le président Obama a parlé au président Erdogan [bien que l’homologue officiel d’Obama et le chef de l’exécutif turc ne soit pas le président turc, mais le Premier ministre de l’AKP, Ahmet Davutoglu], et les deux dirigeants ont scellé l’accord sur la coopération dans la lutte contre l’EI, conclu entre leurs deux pays.
Le lendemain (le 23 juillet), la Turquie a déclaré que la base aérienne d’Incirlik, et éventuellement plusieurs autres bases aériennes, si nécessaire, seraient ouvertes aux forces de la coalition, et que l’armée de l’air turque participerait également aux opérations contre l’EI.
Le 24 juillet, la Turquie a entamé ses raids aériens contre « tous les terroristes, quels qu’ils soient, et même si une partie d’entre eux [le PKK] est connue pour combattre l’autre [l’EI] », comme l’a déclaré Erdogan. Toutefois, la guerre de la Turquie, dirigée de manière ostensible contre l’EI, sert en fait de couverture à la guerre à trois volets de la Turquie contre les Kurdes, qu’Erdogan et le gouvernement de l’AKP mènent pour des raisons politiques, pour contrebalancer leur défaite lors des élections générales du 7 juin 2015 en tenant de nouvelles élections, afin de regagner leur pouvoir perdu.
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