Dans une interview, l’auteur égyptien Sayyed Al-Qimni déclare que l’Egypte se trouve « dans la poubelle des nations » en raison de la « stagnation » de sa mentalité. « Notre peuple est régi par une mentalité wahhabite », dit-il, ajoutant qu’un wahhabite est « un criminel avec un permis divin ». « Utiliser son esprit est devenu un crime. […] Nous devons réformer notre mentalité concernant la religion et tout le reste », déclare-t-il. L’interview a été mise en ligne le 20 août 2015. Extraits :
Sayyed Al-Qimni : Nous allons souffrir des conséquences de la guerre de 1967.
Journaliste : Souffrir de la défaite, ou de l’arrogance et du sentiment que nous avons d’être spéciaux…
Sayyed Al-Qimni : Je parle de notre défaite, et de comprendre que nous sommes dénués de valeur, que nous sommes la lie des nations de la Terre. J’étais encore étudiant lorsque je disais que nous étions dans la poubelle des nations. Nous sommes dans la poubelle des nations, et nous ne le savons même pas. Nous nous prenons pour des Pharaons, pour Ramsès, etc.
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Peu importe ce que vous faites, si votre mentalité, votre façon de penser, reste statique, confinée à un seul lieu, sans aller nulle part… Abd Al-Nasser est parti, puis est venu Sadate ; Sadate est parti, puis est venue [l’actrice] Layla Mourad… Le résultat est le même.
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Journaliste : Nous parlons toujours de colonialisme. Vous dites que le colonialisme et ses avantages…
Sayyed Al-Qimni : De grands avantages ! Ecoutez bien, mon fils. Si nous organisions un appel d’offres, cherchant quelqu’un pour nous coloniser, personne ne viendrait. Si je demandais à la Grande-Bretagne de venir nous coloniser de nouveau, ils ne viendraient pas. Nous sommes un boulet.
[S’ils venaient], ils arrangeraient tout. Notre chemin de fer était le plus grand chemin de fer du monde. Le train était le plus magnifique et le plus ponctuel. Il faisait la fierté de l’Egypte. Qui l’a construit ? Les Anglais. Nous avons fait le travail concret, mais si les Anglais n’avaient pas été là, nous n’aurions pas non plus accompli cela. Si la civilisation européenne n’était pas venue en Amérique, les Indiens feraient encore du feu avec des pierres. Pourquoi sommes-nous si contrariés quand quelqu’un de civilisé vient nous occuper ? Ils sont plus capables que nous. On nous raconte que le colonialisme est la raison de notre retard. Ce n’est pas vrai.
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Lors des événements [du Printemps arabe] en Tunisie, on m’a demandé si je m’attendais à ce qu’ils s’étendent à l’Egypte. J’ai dit que j’espérais que non. J’ai dit que notre peuple est régi par une mentalité wahhabite. Le peuple tout entier est wahhabite. Qu’est-ce qu’un wahhabite ? Un criminel muni d’un permis, un permis divin. Notre Seigneur lui donne un permis de criminalité.
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Malheureusement, notre culture est bâtie sur des mensonges, et notre histoire est une invention. Cela a ruiné notre mémoire. Un collègue m’a dit que les Frères musulmans devraient arriver au pouvoir pour que le peuple ressente ce qu’ils sont et les éjecte une bonne fois pour toutes. Je lui ai demandé : Ne les avons-nous pas pratiqués pendant 1400 ans ? Il a dit : Le peuple n’a pas de mémoire, parce que ce que les élèves apprennent à l’école n’est pas la vérité.
On leur raconte la gloire du califat et la grandeur de la nation islamique… L’accent est mis sur la nation et sur sa grandeur, au détriment du citoyen. C’est l’un des problèmes. La nation est grande, et l’islam est grand, et peu importe qui se fait hacher menu par-dessous. Peu importe si le citoyen se fait hacher menu, s’il se fait brûler, si sa propriété lui est usurpée, s’il souffre d’injustice, ou s’il est tué sans raison. Le calife peut se réveiller un matin de bonne humeur, et donner un sac d’or à la première personne qu’il croise. S’il se lève du pied gauche, il peut donner l’ordre d’exécuter son tailleur.
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Journaliste : Est-ce qu’utiliser son esprit est devenu un crime dans notre société ?
Sayyed Al-Qimni : Bien sûr. C’est là le problème. Cheikh Mohammed Hassan a dit : « Vous tenez notre religion de notre Seigneur, alors vous devriez écraser votre esprit avec vos chaussures. » Utiliseriez-vous votre cerveau s’il [Mohammed Hassan] vous dit que le Seigneur ne veut pas que vous pensiez ? Il vous dit que c’est dans le livre du Seigneur et que vous devriez vous abstenir de penser ! Si vous avez une question, demandez à Allah ! Si vous avez besoin d’aide, tournez-vous vers Allah ! Mais comment ? Allah répond à la prière de l’opprimé. Il la suspend je ne sais où – quelque part dans les cieux – et répond à ces prières « même après un certain temps ».
Eh bien, si vous êtes notre Seigneur, et que Vous avez la possibilité de m’aider, pourquoi ne m’aidez-Vous pas maintenant ?! Pourquoi « après un certain temps » ?! N’êtes-Vous pas capable d’aider les opprimés ? N’êtes-Vous pas Dieu ? Alors aidez-moi maintenant. Pourquoi « après un certain temps » ? Attendez-Vous de moi que j’améliore les choses uniquement par moi-même, et que je dise « merci » ?
Certaines questions sont élémentaires, mais ces gens ont décidé de ne pas utiliser leur esprit. Donc, ils ont totalement effacé la conscience égyptienne. Ils ont effacé tout ce qui concerne le pays dans l’esprit égyptien. Par conséquent, tout type de pensée est devenu une hérésie.
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[Al-Sissi] est venu des forces armées et a sauvé l’Egypte, alors je le salue et le remercie. Y a-t-il quoi que ce soit de plus grand que sauver le pays ? C’est la seule chose dont je me soucie, alors je dis : merci, chef. Mais il y a beaucoup à dire sur ce qui a suivi. J’ai beaucoup d’objections et de préoccupations à cet égard.
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Je ne comprends pas sa position sur les salafistes.
Journaliste : Il parlait à un groupe de travailleurs…
Sayyed Al-Qimni : Le premier moment de tristesse est arrivé le 3 juillet, quand il a fait son discours. J’ai vu que les gens assis là avaient tous de longues barbes – les salafistes, l’église et Al-Azhar… Je cherchais un Ataturk égyptien. Il y a quelques semaines, j’ai dit que nous avions besoin d’un Ataturk égyptien. Seul un Ataturk égyptien pourrait redresser ce pays. J’espérais qu’Al-Sissi deviendrait un Ataturk. Mais cela ne s’est pas produit. Il a un charisme différent, une mentalité différente. Al-Sissi est un homme gentil, calme, bon, modeste…
Journaliste : Avez-vous entendu ce qu’il a dit [au sujet de la réforme du discours religieux] ?
Sayyed Al-Qimni : Oui, et j’ai pensé que ce n’était là que des paroles, je regrette de le dire. [Réformer le discours religieux] n’est pas quelque chose que vous donnez l’ordre de faire. Réformer une mentalité… Il ne s’agit pas de réformer le discours religieux. Nous devons réformer notre mentalité concernant la religion et tout le reste.
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Vous ne pouvez pas simplement réformer le discours religieux. Vous ne pouvez pas dire au virus de s’auto-tuer. Vous ne pouvez pas demander à Al-Azhar de le faire. Al-Azhar est au cœur du problème.
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Au lieu de mendier l’aumône à l’Arabie saoudite et au Golfe, nous devrions amender le deuxième article de la Constitution égyptienne, et déclarer que la Charte des Nations unies, la Convention de Genève et la Déclaration universelle des droits de l’Homme sont la principale source de législation de la République égyptienne. Vous verrez comment le monde réagira ensuite.
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